Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février 1995 et 6 juin 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Fédération des comités de défense contre le tracé est de l'autoroute A 28, dont le siège est à Aclou (27800) ; la fédération demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir le décret du 5 décembre 1994 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux de construction de la section Rouen-Alençon de l'autoroute A 28 et portant mise en compatibilité des plans d'occupation des sols des communes traversées ;
2°) prononce le sursis à l'exécution du décret attaqué ;
3°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 12 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Chemla, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de la Fédération des comités de défense contre le tracé est de l'autoroute A 28,
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe :
Considérant que plusieurs réunions consacrées à l'examen conjoint du projet ont été tenues, préalablement à la définition de celui-ci, entre les administrations, les élus intéressés et les chambres consulaires ; que par suite, le moyen tiré d'un "défaut de consultation préalable" à l'enquête publique, qu'en tout état de cause aucun texte n'imposait, manque en fait ;
Considérant que si la requérante soutient que les documents soumis à l'enquête publique auraient dû justifier avec plus de précision les conditions du contournement de Brionne, il ressort des pièces du dossier que la notice explicative prévue par l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique présente avec suffisamment de clarté les diverses variantes envisagées pour la section contestée ; que, par suite et contrairement à ce que soutient la requérante, l'article R. 11-3 n'a pas été méconnu ;
Considérant que l'étude d'impact comporte une analyse de l'état initial du site, expose les avantages et les inconvénients des différents tracés soumis à l'enquête publique, décrit, pour l'ensemble des secteurs affectés par le projet, les milieux naturels traversés, ainsi que les mesures envisagées pour éviter, atténuer ou compenser les conséquences dommageables des ouvrages sur l'environnement et comporte une estimation du coût de ces mesures ; que la requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que cette étude méconnaîtrait les dispositions de l'article 2 du décret du 12 octobre 1977 ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant que l'autoroute A 28, inscrite au schéma directeur routier national approuvé par décret du 1er avril 1992, constitue le dernier élément de l'axe de grande capacité reliant le nord de l'Europe à la frontière espagnole et de l'itinéraire d'évitement par l'ouest de l'Ile-de-France ; qu'eu égard tant à l'objectif de l'opération qu'aux précautions prises, les inconvénients pour les zones traversées, notamment en ce qui concerne leur environnement sonore et visuel, ainsi que les risques qu'elle crée pour les zones naturelles ne peuvent être regardés comme excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant que si la requérante soutient qu'un autre tracé aurait présenté moins d'inconvénients, il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux de procéder à une telle comparaison ;
Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la fédération requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;
Considérant que l'Etat n'étant pas la partie perdante, il ne saurait être condamné à payer à la fédération requérante la somme que celle-ci réclame au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Article 1er : La requête de la Fédération des comités de défense contre le tracé est de l'autoroute A 28 est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des comités de défense contre le tracé est de l'autoroute A 28 et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.