Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 mars et 19 juillet 1994 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le ministre d'Etat, MINISTRE DE LA DEFENSE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 novembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 29 décembre 1989 refusant d'habiliter M. X... au "confidentiel défense" ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant ce même tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 et la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n° 81-514 du 12 mai 1981 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Lesquen, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par M. X... :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la notification du jugement rendu le 19 novembre 1993 par le tribunal administratif de Paris a été reçue par le MINISTRE DE LA DEFENSE le 25 janvier 1994 ; que le recours du ministre a été enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 mars 1994, soit dans le délai de deux mois prévu à l'article R. 229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; qu'ainsi M. X... n'est pas fondé à soutenir qu'il serait tardif et, par suite, irrecevable ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le MINISTRE DE LA DEFENSE à la demande de M. X... devant le tribunal administratif :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs modifiée : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet doivent être motivées les décisions qui ... refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978" ; qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 : "Les administrations mentionnées à l'article 2 peuvent refuser de laisser consulter ou de communiquer un document administratif dont la consultation ou la communication porterait atteinte ... au secret de la défense nationale, de la politique extérieure ..." ; qu'il résulte de ces dispositions que les décisions qui refusent l'habilitation au "secret défense" sont au nombre de celles dont la communication des motifs est de nature à porter atteinte au secret de la défense nationale ; qu'il suit de là que la décision du 29 décembre 1989 par laquelle le MINISTRE DE LA DEFENSE a refusé d'habiliter M. X... au "confidentiel défense" qui ne constitue pas une mesure restreignant l'exercice des libertés publiques n'avait pas à être motivée ; qu'ainsi le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé sa décision pour défaut de motivation ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de M. X... ;
Considérant qu'aucun des éléments de fait qui suffisent à justifier la décision attaquée n'est contesté par M. X... ; que par suite, la communication au juge administratif des pièces de son dossier serait dépourvue d'utilité ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit n'imposaient que l'administration invite M. X... à s'expliquer ou à prendre connaissance de son dossier, avant de prendre la décision attaquée ;
Considérant que les motifs sur lesquels le MINISTRE DE LA DEFENSE a fondé sa décision démontrent que celle-ci a été prise après examen de la situation particulière de M. X... ;
Considérant que pour refuser à M. X... l'habilitation au "confidentiel défense", le MINISTRE DE LA DEFENSE s'est fondé sur le fait qu'en raison de la nationalité des parents de l'intéressé et des attaches qu'ils ont conservées dans leur pays, le requérant pouvait être exposé à des pressions ; que ce motif tiré du risque effectivement encouru par l'intéressé ne méconnaît pas le principe d'égalité, rappelé par l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958, dans sa rédaction applicable, et par le 5ème alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
Considérant que la décision attaquée qui ne méconnaît aucun des droits et libertés reconnus par la Convention européenne des droits de l'homme n'a pas été prise en violation de l'article 14 de cette convention ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est illégalement que par la décision attaquée le MINISTRE DE LA DEFENSE lui a refusé l'habilitation à connaître des informations classifiées "confidentiel défense" ; que par suite le jugement attaqué doit être annulé et la demande rejetée ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 19 novembre 1993 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et à M. X....