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17/11/1997 | FRANCE | N°144633

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 17 novembre 1997, 144633


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 janvier 1993 et 5 mars 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DU MORBIHAN, représenté par le président du conseil général du Morbihan par lequel le DEPARTEMENT DU MORBIHAN demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 19 novembre 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, à la demande du département de la Gironde, a annulé le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 17 février 1992 et fixé le domicile de secours de Mlle X... dans le

DEPARTEMENT DU MORBIHAN ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 janvier 1993 et 5 mars 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DU MORBIHAN, représenté par le président du conseil général du Morbihan par lequel le DEPARTEMENT DU MORBIHAN demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 19 novembre 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, à la demande du département de la Gironde, a annulé le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 17 février 1992 et fixé le domicile de secours de Mlle X... dans le DEPARTEMENT DU MORBIHAN ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale et notamment les articles 192 à 195 ;
Vu la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 ;
Vu l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Boissard, Auditeur,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat du président du conseil général du DEPARTEMENT DU MORBIHAN et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du département de la Gironde,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 79 de la loi du 6 janvier 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d'aide sociale et de santé : "Les personnes hébergées en établissements sanitaires et sociaux et prises en charge par une collectivité publique au titre de l'aide sociale antérieurement à la date de publication de la présente loi conservent le bénéfice de cette prise en charge par cette collectivité publique" ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires ayant précédé leur adoption, qu'une collectivité publique qui a accepté de prendre en charge au titre de l'aide sociale les frais d'hébergement en établissement sanitaire et social ne peut, hors le cas où les conditions de cette prise en charge seraient constitutives d'une fraude, remettre en cause de tels engagements financiers s'ils ont été acceptés avant le 8 janvier 1986, date de publication de la loi du 6 janvier 1986 précitée, même si les personnes bénéficiaires de l'aide sociale sont hébergées dans des établissements situés hors du ressort de cette collectivité et ont leur domicile de secours en dehors de cette collectivité ;
Considérant, d'autre part, que, dans le cas où les dispositions législatives précitées peuvent recevoir application, elles sont susceptibles de priver d'objet une contestation tendant à ce que, pour la prise en charge de frais d'hébergement au titre de l'aide sociale, soit déterminé le domicile de secours du bénéficiaire dans la mesure où une telle action n'a d'autre effet, en vertu de l'article 192 du code de la famille et de l'aide sociale, que de définir la collectivité publique qui doit supporter la charge des dépenses d'aide sociale ;
Considérant qu'il suit de là que le DEPARTEMENT DU MORBIHAN n'a pas invoqué un moyen inopérant en se prévalant des dispositions de l'article 79 de la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 dans le litige relatif à la détermination du domicile de secours de Mlle Patricia X... dont la cour administrative d'appel de Nancy s'est trouvée saisie ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur le bien-fondé de l'argumentation en découlant, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation ; qu'ainsi et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués, son arrêt encourt l'annulation ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire ;

Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 193 ducode des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Toute partie doit être avertie, par une notification faite conformément aux articles R. 139 ou R. 140 du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. Dans les deux cas, l'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. Toutefois, en cas d'urgence, ce délai pourra être réduit à deux jours par une décision expresse du président de la formation de jugement qui sera mentionnée sur la convocation" ; que le département de la Gironde n'a reçu que le 10 février 1992 l'avis de convocation à l'audience du 11 février 1992 ; que d'ailleurs, cet avis ne comportait aucune mention d'urgence ; que, dans ces conditions, le département de la Gironde est fondé à soutenir que le jugement qu'il attaque est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander pour ce motif l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le DEPARTEMENT DU MORBIHAN devant le tribunal administratif de Dijon ;
Considérant que, dans sa demande de première instance, présentée sur le fondement des dispositions du quatrième alinéa de l'article 194 du code de la famille et de l'aide sociale, dans leur rédaction antérieure à l'intervention de l'article 10-III de la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992, et qui tendait à la détermination du domicile de secours de Mlle X... aux seules fins de la prise en charge des frais d'hébergement de l'intéressée au centre d'aide par le travail de Nuits-Saint-Georges (Côte d'Or), le DEPARTEMENT DU MORBIHAN s'est prévalu notamment des dispositions de l'article 79 de la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle X..., majeure protégée, dont les parents étaient alors domiciliés dans le département de la Gironde, a été prise en charge au titre de l'aide sociale par ce département à compter du 1er octobre 1984 jusqu'au 31 décembre 1989 ; qu'il n'est pas allégué que cette situation procéderait d'une fraude ; qu'ainsi, à la date de publication de la loi du 6 janvier 1986, Mlle X... bénéficiait de la prise en charge de ses frais de séjour au foyer du centre d'aide par le travail de Nuits-Saint-Georges par le département de la Gironde ; que, par suite, cette collectivité ne peut remettre en cause cet engagement et se trouve par là-même débitrice de l'aide sociale au titre des frais d'hébergement litigieux ; que la constatation opérée de ce chef prive, compte tenu des dispositions susmentionnées de l'article 79 de la loi du 6 janvier 1986, de son objet l'action engagée par le DEPARTEMENT DU MORBIHAN ; que, par suite, les conclusions de la demande adressée par le DEPARTEMENT DU MORBIHAN au tribunal administratif de Dijon sont irrecevables, en tant qu'elles tendaient à la détermination du domicile de secours de Mlle X... ;
Sur les demandes tendant au versement des frais irrépétibles :

Considérant qu'aussi bien les dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel que celles de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que le DEPARTEMENT DU MORBIHAN, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser au département de la Gironde la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le département de la Gironde à verser au DEPARTEMENT DU MORBIHAN une somme au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 19 novembre 1992 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 17 février 1992 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par le DEPARTEMENT DU MORBIHAN devant le tribunal administratif de Dijon est rejetée.
Article 4 : Les conclusions du DEPARTEMENT DU MORBIHAN et celles du département de la Gironde tendant au versement de frais irrépétibles sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DU MORBIHAN, au département de la Gironde et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 144633
Date de la décision : 17/11/1997
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

04-01-005 AIDE SOCIALE - ORGANISATION DE L'AIDE SOCIALE - DETERMINATION DE LA COLLECTIVITE AYANT LA CHARGE DE L'AIDE -Collectivité ayant accepté la prise en charge les frais d'hébergement en établissement sanitaire et social avant le 8 janvier 1986 (article 79 de la loi du 6 janvier 1986).

04-01-005 Il résulte de l'article 79 de la loi du 6 janvier 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétence en matière d'aide sociale et de santé qu'une collectivité publique qui a accepté de prendre en charge au titre de l'aide sociale les frais d'hébergement en établissement sanitaire et social ne peut, hors les cas où les conditions de cette prise en charge seraient constitutives d'une fraude, remettre en cause de tels engagements financiers s'ils ont été acceptés avant le 8 janvier 1986, date de publication de ladite loi, même si les personnes bénéficiaires de l'aide sociale sont hébergées dans des établissements situés hors du ressort de cette collectivité et ont leur domicile de secours en dehors de cette collectivité.


Références :

Code de la famille et de l'aide sociale 192, 194
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Instruction du 01 octobre 1984
Loi 86-17 du 06 janvier 1986 art. 79
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 92-722 du 29 juillet 1992 art. 10


Publications
Proposition de citation : CE, 17 nov. 1997, n° 144633
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: Mme Boissard
Rapporteur public ?: M. Chauvaux

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:144633.19971117
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