Vu 1°), sous le n° 188 812, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juillet 1997 et 3 novembre 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT HIPPIQUE NATIONAL dont le siège social est ... et la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES (FNSA) dont le siège social est ..., l'un et l'autre agissant poursuites et diligences de ses représentants statutaires dûment habilités et domiciliés en cette qualité auxdits sièges ; le SYNDICAT HIPPIQUE NATIONAL et la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES (FNSA) demandent au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 97-456 du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel ;
Vu 2°), sous le n° 188 874, la requête, enregistrée le 7 juillet 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Gérard Y..., demeurant ... ; M. Y... demande :
1°) l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 97-456 du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel ;
2°) la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 11 250 036 F au titrede l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) la prise en référé de toutes mesures assurant la sauvegarde des intérêts des sociétés de courses et notamment la suspension de l'obligation de changement des statuts et la suspension des fonctions du directeur délégué du groupement d'intérêt économique "pari mutuel urbain" ;
4°) l'annulation des décrets n° 95-1405 et 95-1406 du 30 décembre 1995, de l'ordonnance n° 96 50 du 24 janvier 1996 et de l'arrêté interministériel du 30 décembre 1995 ;
Vu 3°), sous le n° 188 907, la requête, enregistrée le 8 juillet 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Aldo Z..., demeurant ..., Mme Corinne X... demeurant ..., M. Jean-Pierre B... demeurant ..., M. Philippe A... demeurant ..., qui ont désigné M. Z... comme mandataire unique ; M. Z... et autres demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 97-456 du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution, et notamment ses articles 34 et 37 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi du 2 juin 1891 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Thiellay, Auditeur,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat du SYNDICAT HIPPIQUE NATIONAL, de la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES et du Syndicat CFDT de l'agriculture et activités hippiques des départements de la région Ile-de-France,
- les conclusions de M. Salat-Baroux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes du SYNDICAT HIPPIQUE NATIONAL et de la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES, de M. Y..., de MM. Z..., B..., A... et de Mme X... présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les interventions de l'association des entraîneurs de chevaux de courses (AECC) et du syndicat CFDT de l'agriculture et activités hippiques des départements de la région Ile-de-France (AGRIHIP-CFDT) :
Considérant que l'association et le syndicat ont intérêt à l'annulation de la décision attaquée ; qu'ainsi, leur intervention est recevable ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'agriculture et de la pêche aux requêtes n° 188 812 et n° 188 874 :
Sur les conclusions de la requête n° 188 812 tendant à l'annulation des décrets n° 95-1405 et n° 95-1406 du 30 décembre 1995, de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 et d'un arrêté ministériel du 30 décembre 1995 :
Considérant que ces textes ont été régulièrement publiés ; que les conclusions tendant à leur annulation, présentées plus de deux mois à compter de la publication desdits textes, sont en tout état de cause tardives et, par suite, irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du décret du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel :
Sur la légalité externe du décret :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des dispositions de la loi du 2 juin 1891 susvisée que les sociétés de courses, en tant qu'elles sont chargées d'organiser les courses et le pari mutuel, ne sont pas investies d'une mission de service public et qu'elles ont le caractère de personnes morales de droit privé soumises au contrôle de la puissance publique dans les conditions fixées par les textes législatifs et les règlements pris pour leur application ; que, dès lors, en réglementant leur fonctionnement, le gouvernement n'a pas méconnu le partage des compétences entre le législateur et le pouvoir réglementaire fixé par les articles 34 et 37 de la Constitution ;
Considérant, en deuxième lieu, que le décret attaqué a été préparé par le ministre de l'agriculture et de la pêche qui est, en application de la loi du 2 juin 1891 susvisée, le ministre chargé à titre principal de l'organisation des courses de chevaux et du pari mutuel ; que les affaires dépendant de ce ministre devaient être examinées par la section des travaux publics du Conseil d'Etat, en application de l'arrêté du Premier ministre du 6 juillet 1995 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d'incompétence faute d'avoir été soumis à la section de l'intérieur du Conseil d'Etat doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que si les requérants soutiennent que le décret attaqué aurait dû être soumis pour avis au conseil supérieur du cheval, le gouvernement ne pourrait être tenu à l'accomplissement d'une formalité impossible, ledit conseil ayant été supprimé par un décret du 26 décembre 1996 ; que les requérants ne sauraient exciper de l'illégalité de ce texte pour contester la légalité du décret attaqué qui n'a pas été pris pour son application ;
Considérant, en quatrième lieu, que le décret attaqué prévoyait des mesures relatives notamment aux modalités du contrôle financier des sociétés de courses dont l'exécution relevait du ministre chargé des finances ; que, par suite, ce ministre devait contresigner ledit décret ;
Sur la légalité interne du décret :
Considérant que si le requérant invoque la méconnaissance des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, ce moyen n'est accompagné d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant que l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit la liberté d'association sous réserve de restrictions prévues par la loi ; que le décret attaqué, pris en application de la loi du 2 juin 1891, ne méconnaît pas ces stipulations ;
Considérant qu'en vertu de l'article 2 de la loi du 2 juin 1891 précitée, qui institue une dérogation au principe de l'interdiction des jeux de hasard, les statuts sociaux des sociétés autorisées à organiser des courses de chevaux doivent être approuvés par le ministre de l'agriculture ; que l'article 5 de la même loi prévoit que lesdites sociétés doivent, pour pouvoir organiser le pari mutuel, recevoir une autorisation spéciale et toujours révocable du ministre de l'agriculture et prescrit qu'un décret détermine les conditions d'application de cette disposition ; que les dispositions susrappelées de la loi du 2 juin 1891 n'ont pas été abrogées par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ; que, dans ces conditions, le gouvernement, auquel incombe la police de l'organisation des courses de chevaux, a pu, par le décret attaqué, sans méconnaître ni les dispositions de la loi du 2 juin 1891, ni celles de la loi du 1er juillet 1901, ni celles de la Constitution garantissant la liberté d'association, prévoir dans son article 1er que "les statuts des sociétés de courses de chevaux sont approuvés par le ministre de l'agriculture et doivent satisfaire, notamment, aux conditions prévues par le présent titre" et que "les statuts des sociétés de courses autres que les sociétés mères mentionnées à l'article 2 (...) doivent être conformes à des statuts types arrêtés par le ministre" ;
Considérant que le gouvernement, à qui il appartient de désigner l'autorité administrative compétente, a pu légalement prévoir dans le décret attaqué, comme dans le décret du 4 octobre 1983 qu'il abroge, que le contrôle des comptes des sociétés de courses serait assuré, suivant le cas, par les ministres chargés de l'agriculture et du budget ou par le préfet, représentant de l'Etat dans le département, et abroger ainsi partiellement l'article 3 de la loi du 2 juin 1891, antérieure à la Constitution de 1958 ;
Considérant que le gouvernement tirait des dispositions sursrappelées de la loi du 2 juin 1891, sans méconnaître ni les règles de valeur constitutionnelle, garantissant la liberté d'association ni les dispositions de l'ordonnance du 23 septembre 1967 relative aux groupements d'intérêt économique, le pouvoir de prescrire que les sociétés autorisées à organiser le pari mutuel hors des hippodromes en confieraient la gestion à un groupement d'intérêt économique constitué entre elles ; que le conseil d'administration du groupement d'intérêt économique ainsi constitué comprendrait des représentants de l'Etat, en nombre au demeurant inférieur aux représentants des sociétés de courses et que des représentants du personnel siégeraient, avec voix consultative, à l'assemblée générale mais non au conseil d'administration ;
Considérant que les groupements d'intérêt économique, qui n'ont pas le statut de sociétés, n'entrent dans le champ d'application ni de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, ni de l'article L. 432-6 du code du travail relatif à la représentation du personnel au conseil d'administration de sociétés des secteurs public et privé ; que, par suite, les requérants ne sauraient utilement soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait ces dispositions en ne prévoyant pas de représentants du personnel au conseil d'administration du groupement d'intérêt économique/pari mutuel urbain ;
Considérant qu'il appartient au Premier ministre, titulaire du pouvoir réglementaire, de décider de la répartition des compétences entre les différents ministres ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les articles 27 et 39 du décret seraient illégaux en tant qu'ils prévoient l'approbation des statuts du pari mutuel urbain et de la désignation de certains de ses membres par le ministre chargé du budget doit être écarté ;
Considérant que le gouvernement, comme il a été dit ci-dessus, tient de la loi du 2 juin 1891 les plus larges pouvoirs pour fixer les règles d'organisation du fonctionnement et de contrôle du secteur des courses de chevaux et du pari mutuel urbain ; que les dispositions des articles 2, 4 à 7, 9, 10, 13 à 18, 19 à 26, 32 à 34, 36, 40 à 42 n'excèdent pas cette compétence ; que, par suite, le moyen tiré de ce que lesdits articles seraient contraires au principe de la liberté d'association n'est pas fondé ; que le moyen tiré de l'illégalité des articles 31 et 39 relatifs à la répartition des prélèvements sur les sommes engagées dans le pari mutuel urbain et l'affectation du prélèvement revenant aux sociétés de courses doit être écarté pour les mêmes motifs tirés de l'habilitation législative du gouvernement ;
Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que certaines dispositions du décret, et notamment les articles 3, 8, 11, 12, 35, 38, 44 et 45 seraient inutiles, n'est pas de nature à entacher le décret d'illégalité ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Sur les conclusions de M. Y... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. Y... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT HIPPIQUE NATIONAL, la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES, M. Y... et M. Z... et autres, ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret du 5 mai 1997 ;
Article 1er : Les interventions de l'association des entraîneurs de chevaux de courses (AECC) et du syndicat CFDT de l'agriculture et activités hippiques des départements de la région Ile-de-France (AGRIHIP-CFDT) sont admises.
Article 2 : Les requêtes du SYNDICAT HIPPIQUE NATIONAL, de la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES, de M. Y..., de MM. Z..., B..., A... et de Mme X... sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT HIPPIQUE NATIONAL, à la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES, à M. Gérard Y..., à MM. Aldo Z..., Jean-Pierre B..., Philippe A..., à Mme Corinne X..., à l'association des entraîneurs de chevaux de courses, au syndicat CFDT de l'agriculture et activités hippiques des départements de la région Ile-de-France, au Premier ministre, au ministrede l'intérieur et au ministre de l'agriculture et de la pêche.