Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 janvier 1997 et 20 mai 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 14 novembre 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé, à la demande du ministre de la justice, d'une part, les articles 1er et 2 du jugement du 31 décembre 1993 du tribunal administratif de Strasbourg condamnant l'Etat à lui payer une indemnité correspondant au montant des frais de déplacement qu'il a exposés à la suite de l'évacuation de l'établissement pénitentiaire d'Haguenau et de sa mise à disposition provisoire de l'établissement de Strasbourg et ordonnant un complément d'instruction sur le montant de ces frais et, d'autre part, le jugement du 2 février 1995 du même tribunal administratif fixant à la somme de 28 780,92 F augmentée des intérêts le montant de l'indemnité due par l'Etat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 66-619 du 10 août 1966 et notamment son article 6 ;
Vu le décret n° 90-437 du 28 mai 1990 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Thiellay, Auditeur,
- les observations de la SCP Ryziger, Bouzidi, avocat de M. Robert X...,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X..., affecté en qualité de surveillant de l'administration pénitentiaire à la maison d'arrêt de Haguenau, y a exercé ses fonctions jusqu'en juillet 1986, date à laquelle il a été décidé de fermer cet établissement en raison de l'insalubrité des bâtiments ; que M. X... a alors été invité à exercer ses fonctions en surnombre et de manière provisoire, dans l'attente d'une décision définitive de réouverture ou de fermeture de la maison d'arrêt de Haguenau, à la maison d'arrêt de Strasbourg-Elsau ; qu'aucune décision d'affectation de M. X... n'a été prise par le ministre de la justice jusqu'à l'intervention de l'arrêté du 22 avril 1988 par lequel a été prononcée sa mutation dans l'intérêt du service de la maison d'arrêt de Haguenau à la maison d'arrêt de Strasbourg-Elsau ; que M. X... doit, en conséquence, être regardé comme ayant conservé sa résidence administrative à Haguenau, au sens des dispositions de l'article 5 du décret du 10 août 1966 susvisé, jusqu'à sa mutation dans l'intérêt du service à Strasbourg, le 22 avril 1988 ; que, par suite, en estimant qu'à dater de la fermeture de la maison d'arrêt de Haguenau "M. X... ne pouvait plus être regardé comme ayant conservé à Haguenau sa résidence administrative telle qu'elle est définie par le statut général et l'article 5 du décret du 10 août 1966" la cour a donné aux faits qui lui étaient soumis une qualification juridique inexacte ; que M. X... est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 14 novembre 1996 ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 et de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret du 10 août 1966 : "Les agents appelés à se déplacer pour les besoins du service à l'occasion d'une mission, d'une tournée ou d'un intérim peuvent prétendre à la prise en charge de leurs frais de transport dans les conditions prévues au titre IV du présent décret ( ...)" ; que l'article 8 dispose que : "Est en mission l'agent en service qui se déplace hors du département de sa résidence" ; que l'article 12 prévoit que : "Est en tournée l'agent en service qui se déplace hors de sa résidence à l'intérieur de son département de résidence" ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, M. X..., dont la résidenceadministrative était fixée à Haguenau et est demeurée dans cette ville jusqu'à sa mutation dans l'intérêt du service prononcée par l'arrêté du 22 avril 1988, a été conduit à se déplacer quotidiennement jusqu'à la maison d'arrêt de Strasbourg-Elsau, située dans le même département que sa résidence ; que M. X... doit donc être regardé comme ayant été en tournée ; qu'il avait droit, en application des dispositions précitées, au remboursement de ses frais de déplacement ; qu'ainsi, en ne lui permettant pas de faire valoir ses droits à la prise en charge des frais engagés lors de ses tournées, l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
Considérant que, pour contester le montant de l'indemnisation accordée à M. X... par les premiers juges, le ministre de la justice se borne à indiquer que cette somme devait être limitée aux frais de déplacement réellement engagés par l'intéressé ; qu'il résulte de l'instruction que la somme de 28 780,92 F retenue par le tribunal administratif correspond au montant des frais de déplacements exposés par M. X... ; qu'ainsi, le moyen soulevé par le ministre de la justice ne peut qu'être rejeté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la justice n'est pas fondé à demander l'annulation des jugements du 31 décembre 1993 et du 2 février 1995 par lesquels le tribunal administratif de Nancy l'a condamné à payer à M. X... une indemnité en réparation du préjudice qu'il a subi ;
Sur les conclusions de M. X... tendant au remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X... une somme de 5 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 14 novembre 1996 est annulé.
Article 2 : Le recours du ministre de la justice devant la cour administrative d'appel de Nancy est rejeté.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. X... une somme de 5 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Robert X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.