Vu la requête enregistrée le 6 décembre 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. André X... demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 21 septembre 1995 par laquelle la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens lui a infligé la sanction de l'interdiction du droit de servir des prestations aux assurés sociaux pendant dix-huit mois ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Olson, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Rouvière, Boutet, avocat de M. X..., de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de l'Ordre national des pharmaciens et de Me Baraduc-Benebent avocat du médecin conseil chef du service du contrôle médical près la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'ensemble des faits sur lesquels s'est fondée la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens pour prononcer, à l'encontre de M. X..., la sanction de l'interdiction de servir des prestations aux assurés sociaux pendant dix-huit mois, ont été portés à la connaissance de l'intéressé qui a pu les discuter tant en première instance qu'en appel ; qu'il n'est dès lors, pas fondé à soutenir que la décision attaquée a été rendue en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure ;
Considérant que les poursuites engagées contre un praticien devant une section des assurances sociales d'un conseil de l'ordre des pharmaciens sont indépendantes de la procédure de suspension du conventionnement prévue à l'article 18 de la convention nationale des directeurs de laboratoires privés d'analyses médicales signée le 16 juillet 1992 et approuvée par un arrêté interministériel du 28 juillet 1992 ; que, par suite, en estimant que la plainte déposée contre M. X... par le médecin-conseil, chef du service du contrôle médical près la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne était recevable devant la section des assurances sociales du conseil central de la section G de l'Ordre des pharmaciens alors même qu'elle n'avait pas été précédée de la mise en oeuvre de la procédure de suspension du conventionnement, la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant que la décision attaquée se fonde sur les dispositions de l'article R. 145-1 du code de la sécurité sociale aux termes duquel : "Les fautes, abus, fraudes et tous faits intéressant l'exercice de la profession, relevés à l'encontre des pharmaciens, à l'occasion des prestations servies à des assurés sociaux, sont soumis en première instance : ( ...) "c) A une section distincte dite section des assurances sociales du conseil central de la section G de l'ordre des pharmaciens pour les pharmaciens directeurs et directeurs adjoints de laboratoires d'analyses de biologie médicale./ En appel, ces mêmes faits sont soumis à une section distincte du conseil national de l'Ordre des pharmaciens dite Section des assurances sociales dudit conseil" ; que dès lors, le fait que la décision attaquée mentionne également une circulaire du 18 septembre 1991, dépourvue de caractère réglementaire, par laquelle le directeur de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et le médecin-conseil, chef du service du contrôle médical près la caisse nationale ont invité les médecins-conseils et les praticiens-conseils ainsi que les directeurs des caisses primaires d'assurance maladie et des caisses générales de sécurité sociale à refuser de prendre en charge les analyses effectuées sous l'appellation "profils protéiques" par le laboratoire d'analyses médicales dirigé par M. X..., ne saurait faire regarder la décision, qui ne se fonde pas sur cette circulaire, comme dépourvue de base légale ;
Considérant que, pour infliger une sanction à M. X..., la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens a retenu que l'intéressé avait effectué, avec la complicité de médecins, un nombre important d'analyses comportant des dosages qui étaient dépourvus d'utilité sur le plan médical, dont la spécificité interdisait aux patients de se rendre auprès d'autres laboratoires et dont les comptes-rendus étaient rédigés de manière stéréotypée, et qu'il avait tenté d'entraver le contrôle des caisses primaires d'assurance maladie en recourant à une pratique systématique de double ordonnance ; qu'en estimant, en l'état des constatations auxquelles elle a souverainement procédé, que ces faits présentaient le caractère de fautes et d'abus commis à l'occasion de prestations servies à des assurés sociaux au sens des dispositions précitées de l'article R. 145-1 du code de la sécurité sociale, la section des assurances sociales, qui a suffisamment motivé sa décision, n'a pas donné aux faits qui lui étaient soumis une qualification juridique erronée ; que l'appréciation à laquelle elle s'est livrée pour déterminer la sanction à infliger à M. X... ne peut être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant qu'en estimant que les faits retenus à l'encontre de M. X... constituaient des manquements à l'honneur professionnel et, comme tels, étaient exceptés du bénéfice de l'amnistie, la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, dont la décision est suffisamment motivée sur ce point, a fait une exacte application des dispositions de l'article 14 de la loi du 3 août 1995 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens du 21 septembre 1995 ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner M. X... à payer au service du contrôle médical de la région Ile-de-France la somme de 15 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : M. X... est condamné à payer la somme de 15 000 F au service du contrôle médical de la région Ile-de-France en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. André X..., au Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, au médecin-conseil, chef du service du contrôle médical près la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, au service du contrôle médical de la région Ile-de-France et au ministre de l'emploi et de la solidarité.