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31/05/2000 | FRANCE | N°176376

France | France, Conseil d'État, 9 / 10 ssr, 31 mai 2000, 176376


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 décembre 1995 et 18 avril 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Gilles X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision du 29 juin 1995 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à ce que ses arrêts de travail pour maladie pour la période comprise entre le 3 janvier 1993 et le 4 janvier 1995 soient déclarés imputables à l'accident de service dont il a été victime le 5 octobre 1985 et qu'en

conséquence le traitement afférent à cette période lui soit intégrale...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 décembre 1995 et 18 avril 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Gilles X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision du 29 juin 1995 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à ce que ses arrêts de travail pour maladie pour la période comprise entre le 3 janvier 1993 et le 4 janvier 1995 soient déclarés imputables à l'accident de service dont il a été victime le 5 octobre 1985 et qu'en conséquence le traitement afférent à cette période lui soit intégralement versé, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux qui lui a été notifiée le 3 novembre 1995 ;
2°) condamne l'Etat à lui verser, à titre de complément de traitement, la somme de 100 000 F assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande ;
3°) condamne l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F par application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires d'invalidité ;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Froment, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Jacoupy, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité des décisions attaquées :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 34-2° de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, applicables tant aux militaires qu'aux magistrats, en vertu, respectivement, de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires et de l'article 68 de l'ordonnance susvisée du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut général de la magistrature : "si la maladie provient ... d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident" ;
Considérant qu'il est constant que M. Gilles X..., alors militaire de carrière, a été victime le 5 octobre 1985 d'un accident dont l'imputabilité au service n'est pas contestée ; qu'après son intégration dans la magistrature par décret du Président de la République en date du 18 décembre 1991, l'intéressé, titulaire d'une pension militaire d'invalidité concédée par arrêté du 23 juin 1992, a présenté des troubles lombo-sciatiques qui ont provoqué des arrêts de travail successifs du 3 janvier 1993 au 4 janvier 1995 ; que M. X... a demandé le bénéfice des dispositions précitées en invoquant l'existence de troubles physiologiques provenant, selon lui, de l'accident susmentionné ; que, par une décision du 29 juin 1995, confirmée le 3 novembre 1995, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté cette demande ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des rapports médicaux qui y sont versés, que les troubles physiologiques dont fait état M. X... sont la conséquence directe des traumatismes crânien et cervical résultant de l'accident de service dont il a été victime en 1985 ; qu'en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires fixant le délai dans lequel sa demande aurait dû être formulée, l'intéressé était encore recevable, en janvier 1995, date où il a fait sa demande, à bénéficier des dispositions précitées de l'article 34 du 11 janvier 1984, alors même que les premiers arrêts de travail provoqués par les séquelles de l'accident de 1985 s'étaient produits dès le début de l'année 1993 ; que la circulaire en date du 30 janvier 1989 émanant du ministre de la fonction publique dont se prévaut l'administration, est, à cet égard, et en tout état de cause, sans portée ;
Considérant, d'autre part, que ni la circonstance que M. X... était militaireet non encore magistrat à la date de l'accident de service en 1985, ni le fait que l'intéressé était déjà titulaire, à raison de cet accident, d'une pension militaire d'invalidité ne sont de nature à priver le requérant de son droit à bénéficier pour ses arrêts de travail précités de l'intégralité de son traitement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à demander l'annulation des décisions susanalysées des 29 juin et 3 novembre 1995 du garde des sceaux, ministre de la justice ;
Sur les conclusions à fin d'indemnités :

Considérant que si M. X... demande réparation, à concurrence d'une somme de 100 000 F, du préjudice qu'il estime avoir subi, le rétablissement de ses droits à traitement intégral durant la totalité de ses périodes d'arrêt de travail entre le 3 janvier 1993 et le 4 janvier 1995, est, en tout état de cause, de nature, dans les circonstances de l'espèce, à réparer ledit préjudice ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X... la somme de 10 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les décisions du garde des sceaux, ministre de la justice des 29 juin et 3 novembre 1995 sont annulées.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 10 000 F.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Gilles X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 9 / 10 ssr
Numéro d'arrêt : 176376
Date de la décision : 31/05/2000
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

36-08-02 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - REMUNERATION - TRAITEMENT -CADroit à l'intégralité du traitement en cas de maladie provenant d'un accident de service - Accident survenu alors que l'intéressé était militaire - Maladie alors que l'intéressé est devenu magistrat - Conséquence - Absence - Intéressé bénéficiant d'une pension militaire d'invalidité - Conséquence - Absence.

36-08-02 Militaire de carrière victime d'un accident dont l'imputabilité au service n'est pas contestée. Après son intégration dans la magistrature, l'intéressé a présenté des troubles provenant de cet accident qui ont provoqué des arrêts de travail. Il a demandé à bénéficier des dispositions de l'article 34-2° de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, applicables tant aux militaires qu'aux magistrats, en vertu respectivement des articles 19 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires et de l'article 68 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative su statut général de la magistrature, qui prévoient que le fonctionnaire dont la maladie provient d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service. Ni la circonstance que l'intéressé était militaire et non encore magistrat à la date de son accident de service, ni le fait qu'il était déjà titulaire, à raison de cet accident, d'une pension militaire d'invalidité ne sont de nature à le priver du droit de bénéficier pour ces arrêts de travail de l'intégralité de son traitement.


Références :

Arrêté du 23 juin 1992
Circulaire du 30 janvier 1989
Décret du 18 décembre 1991
Loi 72-662 du 13 juillet 1972 art. 19
Loi 84-16 du 11 janvier 1984 art. 34
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Ordonnance 58-1270 du 22 décembre 1958 art. 68


Publications
Proposition de citation : CE, 31 mai. 2000, n° 176376
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Fouquet
Rapporteur ?: M. de Froment
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:176376.20000531
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