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09/06/2000 | FRANCE | N°198088

France | France, Conseil d'État, 6 / 4 ssr, 09 juin 2000, 198088


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 juillet et 9 novembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION FRANCAISE DES BANQUES, dont le siège est ... représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION FRANCAISE DES BANQUES demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 mai 1998 par laquelle le directeur des affaires civiles et du sceau a rejeté sa demande tendant à la suppression, dans l'article 59 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, des mots "sur le champ", et à leu

r remplacement par les mots "dans un délai de deux jours ouvrés" ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 juillet et 9 novembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION FRANCAISE DES BANQUES, dont le siège est ... représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION FRANCAISE DES BANQUES demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 mai 1998 par laquelle le directeur des affaires civiles et du sceau a rejeté sa demande tendant à la suppression, dans l'article 59 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, des mots "sur le champ", et à leur remplacement par les mots "dans un délai de deux jours ouvrés" ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, ensemble le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 pris pour son exécution ;
Vu le décret n° 93-977 du 31 juillet 1993 relatif aux saisies et cessions notifiées aux comptables publics et aux centres de chèques postaux ou de la Caisse nationale d'épargne ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de la Verpillière, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de l'ASSOCIATION FRANCAISE DES BANQUES,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution : " Les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution ou de la conservation des créances. Ils doivent y apporter leur concours lorsqu'ils en sont légalement requis. Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à ces obligations peut être contraint d'y satisfaire, au besoin à peine d'astreinte, sans préjudice de dommages-intérêts. Dans les mêmes conditions, le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut aussi être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf recours contre le débiteur" ; que l'article 44 de la même loi dispose : "Le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures" ; que, pris pour l'application de ces dernières dispositions, les articles 59 et 60 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 sont ainsi rédigés : "Art. 59 - Le tiers saisi est tenu de fournir sur le champ à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991 et de lui communiquer les pièces justificatives. Il en est fait mention dans l'acte de saisie. Art. 60 - Le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier, sans préjudice de son recours contre le débiteur. Il peut aussi être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère" ;
Considérant que, par lettre du 14 avril 1998, l'ASSOCIATION FRANCAISE DES BANQUES a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, de "bien vouloir envisager une modification de l'article 59 du décret du 31 juillet 1992, consistant à remplacer les mots : "sur le champ" par les mots : "dans un délai de deux jours ouvrés" ; que ladite association sollicite l'annulation pour excès de pouvoir du refus qui a été opposé à sa demande ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées du 1er alinéa de l'article 60 du décret du 31 juillet 1992 que le juge de l'exécution apprécie souverainement si les causes de retard invoquées par le tiers saisi qui n'a pas fourni sur le champ les renseignements demandés par l'huissier de justice procèdent d'un motif légitime ; que, par suite, l'association requérante, qui n'a d'ailleurs pas demandé la modification de l'article 60, ne saurait en tout état de cause soutenir que ces dispositions instituent des sanctions automatiques et méconnaissent les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas non plus fondée à soutenir que lesdites dispositions, qui se bornent à faire application de l'article 44 précité de la loi du 9 juillet 1991, empiètent sur la compétence dévolue au législateur par l'article 34 de la constitution ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le tiers saisi peut toujours invoquer devant le juge de l'exécution l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de fournir immédiatement les renseignements demandés par l'huissier de justice ; que, si tel est bien le cas, il n'encourt aucune des condamnations prévues à l'article 60 du décret du 31 juillet 1992 ; que, dès lors, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en prévoyant, à l'article 59 du décret litigieux, queles renseignements demandés par l'huissier de justice doivent être fournis "sur le champ", les auteurs du décret ont édicté une formalité impossible et commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, en troisième lieu, que si l'article 5 du décret n° 93-977 du 31 juillet 1993 susvisé prévoit que les comptables publics, pris en tant qu' assignataires d'une dépense publique, disposent d'un délai de 24 heures pour fournir aux huissiers de justice les renseignements prévus à l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991, il n'en résulte pas pour autant, eu égard aux conditions particulières applicables au paiement des dépenses publiques, que le garde des sceaux, ministre de la justice, ait méconnu le principe d'égalité en refusant de modifier le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 pour accorder à l'ensemble des tiers saisis un délai équivalent ou supérieur ;
Considérant, en quatrième lieu, que la demande adressée le 14 avril 1998 au ministre de la justice ne concernait pas le lieu où la saisie est notifiée ; que, par suite, l'association requérante ne saurait utilement critiquer le fait que les articles 12 et 13 du décret du 31 juillet 1993 susvisé prévoient que s'agissant des comptes de chèques postaux et des caisses d'épargne les actes de saisie sont notifiés, respectivement, au centre de chèques postaux ou au centre de la Caisse nationale d'épargne où sont tenus les comptes faisant l'objet de ces actes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION FRANCAISE DES BANQUES n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION FRANCAISE DES BANQUES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION FRANCAISE DES BANQUES, au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 198088
Date de la décision : 09/06/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - PRINCIPES GENERAUX DU DROIT - EGALITE DEVANT LA LOI - CAAbsence de violation - Procédures civiles d'exécution - Obligation pour le tiers saisi de fournir sur le champ à l'huissier de justice les renseignements prévus alors que les comptables publics - pris en tant qu'assignataires d'une dépense publique - disposent d'un délai de 24 heures.

01-04-03-01 L'article 24 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution dispose que "Les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution ou de la conservation des créances (...)". Aux termes de l'article 59 du décret du 31 juillet 1992 pris pour l'application de ladite loi : "Le tiers saisi est tenu de fournir sur le champ à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991 et de lui communiquer les pièces justificatives (...)". L'article 60 du même décret dispose que : "Le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier, sans préjudice de son recours contre le débiteur. Il peut aussi être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration mensongère ou inexacte". Si l'article 5 du décret du 31 juillet 1993 prévoit que les comptables publics, pris en tant qu'assignataires d'une dépense publique, disposent d'un délai de 24 heures pour fournir aux huissiers de justice les renseignements prévus à l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991, il n'en résulte pas pour autant, eu égard aux conditions particulières applicables au paiement des dépenses publiques, que le garde des sceaux, ministre de la justice ait méconnu le principe d'égalité en refusant de modifier le décret du 31 juillet 1992 pour accorder à l'ensemble des tiers saisis un délai équivalent ou supérieur.

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - MAGISTRATS ET AUXILIAIRES DE LA JUSTICE - HUISSIERS DE JUSTICE - CAProcédures civiles d'exécution - Obligation pour le tiers saisi de fournir sur le champ à l'huissier de justice les renseignements prévus (article 59 du décret du 31 juillet 1992) - a) Légalité - Faculté pour le tiers saisi d'invoquer devant le juge de l'exécution l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de fournir immédiatement les renseignements demandés par l'huissier de justice - b) Méconnaissance du principe d'égalité - compte tenu du délai de 24 heures dont disposent les comptables publics - pris en tant qu'assignataires d'une dépense publique - pour fournir les renseignements prévus - Absence.

37-04-03 L'article 24 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution dispose que "Les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution ou de la conservation des créances (...)". Aux termes de l'article 59 du décret du 31 juillet 1992 pris pour l'application de ladite loi : "Le tiers saisi est tenu de fournir sur le champ à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991 et de lui communiquer les pièces justificatives (...)". L'article 60 du même décret dispose que : "Le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier, sans préjudice de son recours contre le débiteur. Il peut aussi être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration mensongère ou inexacte". a) Il résulte de ce qui précède que le tiers saisi peut toujours invoquer devant le juge de l'exécution l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de fournir immédiatement les renseignements demandés par l'huissier de justice. Si tel est bien le cas, il n'encourt aucune des condamnations prévues à l'article 60 du décret du 31 juillet 1992. Dès lors, en prévoyant que les renseignements demandés par l'huissier de justice doivent être fournis "sur le champ", les auteurs du décret n'ont pas édicté une formalité impossible ni commis une erreur manifeste d'appréciation. b) Si l'article 5 du décret du 31 juillet 1993 prévoit que les comptables publics, pris en tant qu'assignataires d'une dépense publique, disposent d'un délai de 24 heures pour fournir aux huissiers de justice les renseignements prévus à l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991, il n'en résulte pas pour autant, eu égard aux conditions particulières applicables au paiement des dépenses publiques, que le garde des sceaux, ministre de la justice ait méconnu le principe d'égalité en refusant de modifier le décret du 31 juillet 1992 pour accorder à l'ensemble des tiers saisis un délai équivalent ou supérieur.


Références :

Décret 92-755 du 31 juillet 1992 art. 59, art. 60
Décret 93-977 du 31 juillet 1993 art. 5, art. 12, art. 13
Loi 91-650 du 09 juillet 1991 art. 24, art. 44


Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2000, n° 198088
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. de la Verpillière
Rapporteur public ?: M. Seban

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:198088.20000609
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