Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE PORT-VENDRES, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE PORT-VENDRES demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 14 mai 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie d'une requête présentée par la fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan (F.E.N.E.C.) et par Mmes Marie-Claude X... et Jeannine Y... et dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 26 avril 1995 prononçant le rejet de leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Port-Vendres en date du 26 juillet 1994 autorisant la société d'économie mixte de la côte rocheuse catalane (C.O.R.O.C.A.T.) à réaliser un lotissement à usage d'habitation, a annulé ce jugement et cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Séners, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Cossa, avocat de la COMMUNE DE PORT-VENDRES, de la SCP Nicolay, de Lanouvelle, avocat de l'Association syndicale des co-lotis du lotissement du Pont de l'Amour, et de Me Delvolvé, avocat de Mme Jeannine Y... et de Mme Marie-Claude X...,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un arrêt en date du 14 mai 1998, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé, d'une part, le jugement du 26 avril 1995 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le recours présenté par la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan (F.E.N.E.C.), Mme X... et Mme Y..., tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 1994 par lequel le maire de Port-Vendres a délivré à la Société d'économie mixte de la côte rocheuse catalane (COROCAT) une autorisation de lotir et, d'autre part, l'arrêté susmentionné du 26 juillet 1994 ;
Sur l'intervention de l'Association syndicale des co-lotis du lotissement du "Pont de l'Amour" :
Considérant que l'Association syndicale des co-lotis du lotissement du "Pont de l'Amour" a intérêt à l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant que, dans son pourvoi, la COMMUNE DE PORT-VENDRES n'a présenté, à l'encontre de l'arrêt attaqué que des moyens se rattachant à la légalité interne de l'autorisation de lotir ; que si, dans son mémoire en réplique, elle a contesté la régularité de cet arrêt en soutenant que la cour s'est fondée sur un moyen d'ordre public soulevé d'office sans que les parties en aient été préalablement informées, ce moyen qui n'est pas d'ordre public est fondé sur une cause juridique distincte de celle à laquelle se rattachaient les moyens initialement présentés ; qu'ayant été présenté et développé dans une production enregistrée après l'expiration du délai de recours contentieux, il n'est pas recevable ; que, de même, si l'Association des co-lotis du "Pont de l'Amour" soutient, dans son intervention, que l'arrêt attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation, un tel moyen, fondé sur une cause juridique distincte de celle à laquelle se rattachaient les moyens développés dans les délais par l'appelant principal et présenté après l'expiration du délai de recours contentieux, n'est pas davantage recevable ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 490-7 du code de l'urbanisme : "Le délai de recours contentieux à l'encontre d'un permis de construire court à l'égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates suivantes : a) le premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées, selon le cas, au premier ou au deuxième alinéa de l'article R. 421-39 ; b) Le premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage en mairie des pièces mentionnées au troisième alinéa de l'article R. 421-39. Ces dispositions s'appliquent également ( ...) 2° A l'autorisation de lotir, la référence aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article R. 421-39 étant remplacée par la référence aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article R. 315-42 ( ...)" ; qu'aux termes des trois premiers alinéas de l'article R. 315-42 du même code : "Mention de l'autorisation de lotir doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de la décision d'octroi et pendant toute la durée du chantier. Il en est de même d'une copie de la lettre prévue à l'article R. 315-15 ou, le cas échéant, d'une copie de l'accusé de réception postal de la lettre de mise en demeure prévu à l'article R. 315-17, et d'une copie de l'avis de réception prévu à l'article R. 315-21 lorsque l'autorisation sollicitée est réputée accordée. En outre, dans les huit jours dela délivrance expresse ou tacite de l'autorisation de lotir un extrait de cette autorisation ou une copie de la lettre mentionnée à l'alinéa précédent est publiée par voie d'affichage à la mairie pendant deux mois. L'exécution de cette formalité fait l'objet d'une mention au registre chronologique des actes de publication et de notification des arrêtés du maire prévue à l'article R. 122-11 du code des communes ( ...)" ; qu'enfin, aux termes du troisième alinéa de l'article R. 122-11 du code des communes : "L'inscription par ordre de date des arrêtés, actes de publication et de notification a lieu sur le registre de la mairie" ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, s'agissant de l'affichage en mairie, la mention au registre chronologique des actes de publication et de notification des arrêtés du maire apporte normalement la preuve de l'exécution de cette formalité ; que, dès lors, en déduisant de la circonstance que ce registre, prévu par l'article R. 122-11 du code des communes, n'était pas tenu dans la COMMUNE DE PORT-VENDRES, que l'affichage en mairie de l'extrait de l'autorisation de lotir donnée à la Société d'économie mixte COROCAT ne pouvait être tenu pour établi en l'absence d'autre élément susceptible d'en apporter la preuve, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit ;
Considérant, d'autre part, qu'en jugeant que, dans les circonstances de l'espèce, ni la déclaration certifiée du maire de Port-Vendres, formellement contestée par la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement Catalan, ni la mention de l'affichage portée sur le registre des demandes d'occupation du sol tenu par la commune dans un ordre chronologique différent de celui prévu par l'article R. 122-11 du code des communes, et qui, dès lors, ne présentait pas les garanties offertes par les dispositions de cet article, ne pouvaient être regardées comme remplissant la condition posée par l'article R. 490-7 du code de l'urbanisme, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sans les dénaturer, souverainement apprécié les pièces qui lui étaient soumises ; que, par suite, la COMMUNE DE PORT-VENDRES n'est pas fondée à soutenir que l'arrêt attaqué méconnaît les dispositions précitées de l'article R. 490-7 du code de l'urbanisme ;
Sur la légalité de l'autorisation de lotir :
Considérant que, par une décision en date de ce jour, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur une requête de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan, a annulé la délibération du 21 décembre 1993 du conseil municipal de Port-Vendres approuvant la création de la zone d'urbanisation future 1 NAg, au lieudit "Coll Perdigue", du plan d'occupation de sols de cette commune ; qu'en raison de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à la décision annulant un acte administratif pour excès de pouvoir et au caractère réglementaire du plan d'occupation des sols, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, juge de cassation, de relever d'office le moyen relatif à l'illégalité de ce plan ; que la délibération approuvant la création de la zone d'urbanisation future 1 NAg et qui a fait l'objet de l'annulation dont il s'agit a été spécialement adoptée pour rendre possible l'octroi de l'autorisation litigieuse ; qu'ainsi son illégalité entraîne celle de l'autorisation de lotir ; que ce motif, qui est exclusif de toute appréciation de fait nouvelle en cassation, doit être substitué au motif juridiquement erroné de la cour administrative d'appel de Bordeaux dont il justifie légalement le dispositif ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan (F.E.N.E.C.), ainsi que Mme X... et Mme Y..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnées à payer à l'Association syndicale des co-lotis du lotissement du "Pont de l'Amour" et à la COMMUNE DE PORT-VENDRES les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner la COMMUNE DE PORT-VENDRES à payer à Mmes X... et Y... la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'intervention de l'Association syndicale des co-lotis du lotissement du "Pont de l'Amour" est admise.
Article 2 : La requête de la COMMUNE DE PORT-VENDRES est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de l'Association syndicale des co-lotis du lotissement du "Pont de l'Amour" et de Mmes X... et Y... tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE PORT-VENDRES, à l'Association syndicale des co-lotis du lotissement du "Pont de l'Amour", à la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan (F.E.N.E.C.), à Mme Marie-Claude X..., à Mme Jeannine Y... et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.