Vu la requête enregistrée le 9 mars 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Mélinda X... demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 30 décembre 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête formée contre un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 14 décembre 1994 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale a refusé de la reclasser dans le corps des professeurs agrégés, de la décision rejetant son recours gracieux du 12 mars 1992 et de l'arrêté du 24 février 1992 par lequel le ministre de l'éducation nationale l'a classée en qualité de professeur agrégé stagiaire au premier échelon avec une ancienneté nulle au 1er septembre 1991, et au deuxième échelon à compter du 1er décembre 1991 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté européenne ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 51-1423 du 5 décembre 1951 modifié ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Vallée, Auditeur,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de Mme X...,
- les conclusions de Mme Mignon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'alors ressortissante américaine, Mme X... a exercé des fonctions de lectrice d'anglais dans différentes universités françaises du 1er avril 1979 au 30 août 1989 ; qu'après avoir acquis la nationalité française en mai 1990, elle a été admise au concours de l'agrégation d'anglais et nommée professeur d'anglais stagiaire ; que, par arrêté du 24 février 1992 du ministre de l'éducation nationale, elle a été classée au premier échelon de son grade sans ancienneté à compter du 1er septembre 1991 et au deuxième échelon du même grade sans ancienneté à compter du 1er décembre 1991 ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 décembre 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 14 décembre 1994 du tribunal administratif de Poitiers rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 février 1992 et des décisions implicites par lesquelles le ministre de l'éducation nationale a refusé de la reclasser dans le corps des professeurs agrégés en tenant compte, pour le calcul de son ancienneté, des services qu'elle avait accomplis dans différentes universités situées en France et a rejeté son recours gracieux contre cette décision ;
Considérant que si, comme le soutient Mme X..., la cour a omis de mentionner, parmi les services qu'elle avait accomplis en qualité de lectrice dans différentes universités françaises, ceux qu'elle a effectués à l'université de Paris XII, cette erreur matérielle est restée sans incidence sur la régularité de l'arrêt attaqué ;
Considérant que si la requérante soutient que la cour aurait, à tort, jugé que l'arrêté susmentionné du 24 février 1992 a été pris sur le seul fondement de l'article 3 du décret du 5 décembre 1951 susvisé, à l'exclusion de ses articles 11-5 et 11-2, ce moyen manque en fait ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 5 décembre 1951 portant fixation des règles suivant lesquelles doit être déterminée l'ancienneté du personnel nommé dans certains corps de fonctionnaires relevant du ministre de l'éducation nationale : "entrent en compte dans l'ancienneté d'échelon pour la promotion éventuelle à l'échelon supérieur, dans la limite de trois ans, les services accomplis par les agrégés en qualité de membre de l'école française de Rome, de l'école française d'Athènes, de pensionnaires de l'institut français d'archéologie du Caire. Peuvent également entrer en compte sans limitation de durée, après avis du ministre des affaires étrangères et de la CAP compétente, les services accomplis en qualité de professeur, de lecteur ou d'assistant dans un établissement d'enseignement à l'étranger" ; que, contrairement à ce que soutient MmeRIAS-TIMS, la cour administrative d'appel, qui s'est fondée sur ce que les lecteurs enseignant à l'étranger et les lecteurs enseignant en France se trouvent dans des situations différentes et en a déduit que les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 5 décembre 1951, en ce qu'elles prévoient une possibilité de prise en compte, sans limitation de durée, des services accomplis en qualité de lecteur dans un établissement d'enseignement à l'étranger, sans prévoir une telle possibilité pour les lecteurs ayant exercé leurs fonctions en France, ne créaient pas entre les agents concernés une disparité de traitement contraire au principe d'égalité, n'a pas entaché son arrêt d'insuffisance de motivation ; qu'eu égard à l'intérêt général qui s'attache à la propagation de la langue française à l'étranger, elle n'a pas davantage, en statuant ainsi, commis d'erreur de droit ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 48-2 du traité CE (devenu, après modification, article 39-2 CE) : "1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la communauté ( ...) 2. Elle implique l'abandon de toute discrimination fondée sur la nationalité entre les travailleurs dans les Etats membres en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail ..." ; que ces stipulations, qui bénéficient aux ressortissants se déplaçant ou envisageant, pour accéder à un emploi, de se déplacer d'un Etat membre à un autre, n' étaient pas applicables à Mme X... qui, avant d'acquérir en mai 1990 la nationalité française n'était pas ressortissante d'un Etat membre de la communauté et qui n'a pas enseigné dans un autre Etat membre que la France ; qu'ainsi Mme X... ne peut se prévaloir utilement de ces stipulations pour contester l'application qui lui a été faite du décret susvisé du 5 décembre 1951 ; que ce motif, qui ne comporte aucune appréciation de fait, doit être substitué au motif juridiquement erroné retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie légalement le dispositif ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Mme X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Mélinda X... et au ministre de l'éducation nationale.