Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Shilin Y..., demeurant chez M. X... Zhang, ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 13 novembre 1998 du préfet de police ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Falque-Pierrotin, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 241-11 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans le cas où l'étranger, qui ne parle pas suffisamment la langue française, le demande, le président nomme un interprète qui doit prêter serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience. Cette demande peut être formulée dès le dépôt de la requête introductive d'instance" ;
Considérant que, dans sa requête enregistrée le 23 novembre 1998 au greffe du tribunal administratif de Paris, M. Y..., de nationalité chinoise, qui soutenait ne pas parler le français, a expressément demandé l'assistance d'un interprète à l'audience ; que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a statué sans se prononcer sur cette demande ; que M. Y... est, par suite, fondé à soutenir que le jugement est insuffisamment motivé et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière : ( ...)" 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou de retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., de nationalité chinoise, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 26 juin 1998, de la décision du 10 juin 1998 du préfet de police lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que si, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. Y... fait valoir qu'il est marié avec une ressortissante chinoise vivant en France, également en situation irrégulière, aucune circonstance ne fait obstacle à ce qu'il poursuive avec elle sa vie familiale hors de France ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police ait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de la mesure de reconduite sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé àdemander l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 1998 du préfet de police décidant sa reconduite à la frontière ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 23 octobre 1999 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Shilin Y..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.