Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er avril et 27 juillet 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Antoine X... élisant domicile au Consulat général de France à Bombay (Inde) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 30 janvier 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 5 avril 1995 du tribunal administratif de Paris rejetant ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation du télégramme du 9 avril 1991 du ministre des affaires étrangères lui donnant instruction de regagner Paris et de la décision du 28 octobre 1991 prononçant à son encontre la sanction du déplacement d'office et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 300 000 F au titre du préjudice subi du fait de la carence de l'administration à régler sa situation à la suite de son rappel à Paris et une indemnité de 200 000 F au titre du préjudice subi en raison des termes utilisés dans les notes de l'inspection générale du ministère des affaires étrangères pour rendre compte de son comportement et de sa manière de servir ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les actes attaqués et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 500 000 F en réparation des préjudices subis ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 83-684 du 13 juillet 1983 ;
Vu le décret n° 79-433 du 1er juin 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fanachi, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X... et de la SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat du ministre des affaires étrangères,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X..., secrétaire des affaires étrangères, qui avait été affecté en juin 1990 comme deuxième conseiller à l'ambassade de France à Tananarive, a fait l'objet, le 9 avril 1991, d'une mesure de rappel en France puis, le 28 octobre 1991, de la sanction disciplinaire du déplacement d'office; qu'il se pourvoit contre l'arrêt du 30 janvier 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de ces deux décisions, d'autre part, à la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, en raison du délai qui s'est écoulé entre ces deux mesures et des termes des rapports de l'inspection générale des affaires étrangères le concernant ;
Sur les conclusions relatives à la décision du 9 avril 1991 :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 1er du décret du 1er juin 1979 relatif aux pouvoirs des ambassadeurs et à l'organisation des services de l'Etat à l'étranger, l'ambassadeur est chargé, sous l'autorité du ministre des affaires étrangères, de la mise en oeuvre de la politique extérieure de la France dans le pays où il est accrédité; qu'à ce titre il lui incombe de veiller en permanence au bon fonctionnement du service diplomatique et qu'il dispose, même en l'absence de dispositions expresses, du pouvoir de prendre, en cas d'urgence, toutes mesures que commande l'intérêt du service; que l'article 9 du même décret, aux termes duquel : "L'ambassadeur peut demander le rappel de tout agent affecté à sa mission et, en cas d'urgence, lui donner l'ordre de partir immédiatement", se borne à préciser une des modalités du pouvoir d'organisation du service confié à l'ambassadeur et ne porte pas atteinte aux garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat qui relèvent de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision du 9 avril 1991 serait illégale, pour avoir été prise sur le fondement d'un texte lui-même illégal, n'est pas fondé ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision du ministre des affaires étrangères enjoignant à M. X... de quitter immédiatement son poste et de regagner Paris, prise dans le seul intérêt du service, avait le caractèred'une mesure conservatoire ; que, par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en estimant qu'elle ne figurait pas au nombre des décisions administratives défavorables dont la loi du 11 juillet 1979 impose la motivation et qu'elle avait pu légalement être prise sans que le rapport de l'ambassadeur eût été préalablement communiqué à l'intéressé ;
Considérant, en dernier lieu, qu'en estimant que la détérioration des relations entre l'ambassadeur et M. X... avait eu une influence défavorable sur le fonctionnement du service et l'image de la représentation française auprès des autorités malgaches et que le ministre n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant indispensable le rappel en France de M. X..., la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les pièces du dossier et n'a pas donné aux faits de la cause une qualification juridique erronée ;
Sur les conclusions relatives à la décision du 28 octobre 1991 :
Considérant, d'une part, que la cour administrative d'appel a estimé que, le conseil de discipline s'étant réuni le 8 octobre 1991, M. X... avait pu prendre connaissance en temps utile d'une note de l'inspection générale du 3 octobre 1991 et des ses annexes, qui lui avaient été communiquées le 4 octobre et qui ne comportaient aucun élément nouveau par rapport au dossier qu'il avait précédemment consulté ; qu'elle a considéré, par ailleurs, que n'avaient pas à figurer à ce dossier, ni à être communiquées à l'intéressé, une lettre du 2 juillet 1989 de l'ambassadeur au directeur du personnel du ministère, relative à l'organisation du service, et une lettre du 12 août 1991 du successeur de M. X... à ce même directeur, qui ne contenait aucun grief ou élément d'appréciation retenu par l'autorité disciplinaire ; qu'en se prononçant ainsi, la cour administrative d'appel a porté sur ces pièces du dossier, qu'elle n'a pas dénaturées, une appréciation souveraine qui ne peut être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant, d'autre part, qu'en jugeant que les manquements de M. X... à ses obligations d'obéissance hiérarchique et de discrétion professionnelle étaient établis, que ces faits étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire et que le ministre n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en prononçant la sanction du déplacement d'office à l'encontre du requérant, la cour administrative d'appel n'a pas donné aux faits ainsi énoncés une qualification juridique erronée et s'est livrée à une appréciation qui, en l'absence de dénaturation des faits, n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant, en premier lieu, que, l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, relatif aux modalités de la suspension d'un fonctionnaire et qui prévoit, notamment, que la situation du fonctionnaire suspendu doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois, a un objet et un champ d'application différents de ceux de l'article 9 précité du décret du 1er juin 1979 ; que, par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le rappel de M. X... ne constituait pas une mesure de suspension et que celui-ci ne pouvait utilement se prévaloir des dispositions de cet article pour soutenir que la responsabilité de l'Etat serait engagée faute d'avoir réglé sa situation dans le délai de quatre mois à compter de la décision du 9 avril 1991 ; que le moyen, tiré de ce qu'en tout état de cause, l'administration aurait commis une faute en laissant un de ses agents sans affectation pendant six mois, n'a pas été soulevé devant les juges du fond et est donc irrecevable ;
Considérant, en second lieu, que si le requérant soutient que la cour administrative d'appel aurait à tort écarté la responsabilité de l'Etat en raison des appréciations portées sur son comportement par les auteurs des rapports d'inspection, qu'il prétend être mensongères, il ressort des pièces du dossier qu'en estimant que, dans ces rapports, les membres de la mission d'inspections'étaient bornés à rendre compte des renseignements qu'ils avaient obtenus dans le cadre de leur mission, la cour, qui n'a pas dénaturé ces documents, s'est prononcée dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation ; qu'elle a pu légalement en déduire, sans erreur de qualification juridique, qu'ils ne révélaient aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Antoine X... et au ministre des affaires étrangères.