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29/11/2000 | FRANCE | N°187961

France | France, Conseil d'État, 7 / 5 ssr, 29 novembre 2000, 187961


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mai 1997 et 29 septembre 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentés pour la COMMUNE DES ULIS, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DES ULIS demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 20 mars 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, à la demande de la société Segex, 1/ a annulé le jugement du 19 mai 1994 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a condamné conjointement et solidairement les sociétés Segex, Sobea Ile-de-France, Via-France, Coc

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mai 1997 et 29 septembre 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentés pour la COMMUNE DES ULIS, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DES ULIS demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 20 mars 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, à la demande de la société Segex, 1/ a annulé le jugement du 19 mai 1994 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a condamné conjointement et solidairement les sociétés Segex, Sobea Ile-de-France, Via-France, Cochery-Bourdin-Chaussé, Beture et Screg à verser à la COMMUNE DES ULIS les sommes de 255 932 F et de 103 009 F en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des désordres affectant son réseau d'assainissement, 2/ a rejeté ses conclusions présentées devant le tribunal administratif de Versailles et dirigées contre ces sociétés, 3/ l'a condamnée à verser les sommes de 6 000 F à la société Screg et 6 000 F à la société Sobea Ile-de-France et 4/ a rejeté ses conclusions incidentes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Edouard Philippe, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde , avocat de la COMMUNE DES ULIS, de Me Blanc, avocat de la société Segex, de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la société Via-France, de Me Choucroy, avocat de la société Sobea Ile-de-France, de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de la société Beture, de Me Odent, avocat de la société Cochery-Bourdin-Chausse, de Me Le Prado, avocat de la société Screb Ile-de-France ouest,
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'après avoir constaté, dès 1978, que des désordres apparaissaient dans les ouvrages publics du réseau d'assainissement d'eau dont elle avait pris possession à partir de 1973, la COMMUNE DES ULIS a saisi, en 1979, le président du tribunal administratif de Versailles d'une demande en référé tendant à ce qu'un expert soit désigné afin de constater ces désordres, d'en déterminer l'origine et d'évaluer le coût des réparations nécessaires à leur disparition ; qu'après que l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a remis deux rapports, la COMMUNE DES ULIS a, en 1984, saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à obtenir, sur le terrain de la responsabilité décennale, la condamnation de divers constructeurs à réparer le préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de désordres affectant son réseau d'assainissement ; que, par un jugement du 19 mai 1994, le tribunal administratif de Versailles a condamné les société Via France, Segex, Cochery-Bourdin-Chausse, Joyeux Frères, Sogea et Beture à payer diverses sommes à la COMMUNE DES ULIS ; que, toutefois, par un arrêt du 20 mars 1997, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 19 mai 1994 du tribunal administratif de Versailles ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-20 du code des communes, dans sa rédaction alors applicable : "Le maire peut en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou en partie, et pour la durée de son mandat : ... 16° d'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal" ;
Considérant que si la délégation générale pour ester en justice au nom de la commune que le conseil municipal peut donner au maire ne peut être légalement accordée à celui-ci que pour la durée de son mandat, il appartient à tout moment au conseil municipal de régulariser, s'il en décide ainsi, une requête que le maire avait introduite, sans y être habilité, au nom de la commune ; que, dès lors, la cour administrative d'appel de Paris, qui s'est fondée, pour annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles, sur ce que la délibération du conseil municipal des Ulis en date du 24 mars 1989 autorisant le maire à ester en justice au nom de la commune, n'avait pu régulariser une action introduite par celui-ci en 1984, avant l'élection du conseil municipal qui avait adopté la délibération à fin de régularisation, a commis une erreur de droit ; que, par suite, son arrêt doit être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant que les requêtes des sociétés Segex, Via France, Sobea Ile-de-France, Cochery-Bourdin-Chausse et Beture sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'uneinstruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la recevabilité de l'action engagée par la COMMUNE DES ULIS :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus le conseil municipal de la COMMUNE DES ULIS a, par une délibération du 24 mars 1989, régularisé l'action engagée par le maire de cette commune en 1984 ; que, contrairement à ce que soutient la société Sobea, le mémoire introductif d'instance enregistré le 5 mars 1984 au greffe du tribunal administratif de Versailles indiquait que la commune entendait rechercher la responsabilité des constructeurs sur le terrain de leur responsabilité décennale ; qu'elle comportait également une description des circonstances de fait et de droit justifiant l'action de la commune ; qu'ainsi la demande présentée par la COMMUNE DES ULIS devant le tribunal administratif de Versailles était recevable ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les différents marchés passés, pour le compte de la COMMUNE DES ULIS, entre la société d'aménagement de Bures-Orsay et d'équipement en Essonne et les divers constructeurs ont fait l'objet de réceptions provisoires s'échelonnant entre 1973 et 1976, puis de réceptions définitives ; que, conformément aux stipulations de l'article 47 du cahier des clauses administratives générales applicables à ces marchés, le délai de dix ans pendant lequel le maître d'ouvrage peut faire jouer la garantie résultant des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil court à compter de la date de la réception provisoire des travaux ; qu'ainsi, l'action engagée le 5 mars 1984 par la COMMUNE DES ULIS n'était tardive qu'à l'égard des constructeurs dont les travaux avaient fait l'objet d'une réception provisoire avant le 5 mars 1974 ; que le moyen soulevé par la société Beture qui avait réalisé des travaux dont la réception était postérieure à cette date du 5 mars 1974 et tiré de ce que la commune ne pouvait plus, le 5 mars 1984, mettre en jeu la garantie décennale des constructeurs doit être écarté ;
Sur la régularité de l'expertise :
Considérant que les deux rapports réalisés par l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Versailles par deux ordonnances des 5 avril 1979 et 20 mai 1980 ont été remis au tribunal administratif de Versailles avant que la COMMUNE DES ULIS ne saisisse, par une requête enregistrée le 5 mars 1984, cette juridiction ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'expert n'aurait pas associé à sa mission les parties à l'instance engagée en 1984 et aurait, de ce fait, méconnu le principe du contradictoire ne peut qu'être écarté ;

Considérant que la circonstance qu'un rapport d'expertise traite de questions dépassant le cadre de la mission impartie à l'expert, si elle est de nature à entacher d'irrégularité l'expertise, ne fait toutefois pas obstacle à ce que ce rapport soit retenu à titre d'information par le juge administratif, dès lors que ce rapport a été versé au dossier et soumis, de ce fait, au débat contradictoire des parties ; qu'ainsi, la circonstance que les conclusions des rapports d'expertise remis au tribunal administratif de Versailles en 1979 et 1980 excèdent le cadre de la mission confiée à l'expert par le président du tribunal administratif n'est pas de nature à vicier la procédure contentieuse engagée par la COMMUNE DES ULIS ;
Sur la responsabilité des constructeurs :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, que les désordres affectant le quartier des Millepertuis sont dus, d'une part, à un manquement aux règles de l'art des entreprises étant intervenues sur le chantier et, d'autre part, à un défaut de surveillance de la société Beture ; qu'ainsi le moyen soulevé par la société Cochery-Bourdin-Chausse et tiré de ce que les rapports d'expertiseattribueraient la responsabilité exclusive des désordres intervenus au quartier des Millepertuis à la société Beture manque en fait ; que le moyen soulevé par la société Beture et tiré de ce que cette société ne serait en rien responsable de ces désordres doit également être écarté ;
Considérant que si la société Beture soutient que les désordres apparus sur les ouvrages qu'elle a contribué à construire résultent de travaux ultérieurs réalisés par d'autres entreprises, elle n'apporte au soutien de ces allégations aucun élément probant ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sociétés Via France et Sobea ne sont intervenues que pour la construction des ouvrages du quartier des Millepertuis ; que, dès lors, comme le précise le jugement attaqué, leur responsabilité ne peut être engagée qu'au titre des désordres apparus dans ce quartier ; que la circonstance qu'elles ne seraient ni liées entre elles ni liées aux autres entreprises étant intervenues pour la construction des ouvrages du quartier de Millepertuis ne fait pas obstacle à ce qu'elles soient condamnées solidairement avec celles-ci à payer à la COMMUNE DES ULIS la somme représentant le coût de réparation des désordres apparus dans ce quartier dès lors que la COMMUNE DES ULIS a formé des conclusions en ce sens et qu'il résulte de l'instruction que l'imputabilité de ces désordres est commune à l'ensemble des entreprises intervenues sur le chantier ;
Sur la réparation :

Considérant que, pour déterminer le coût des travaux qu'avait dû engager la COMMUNE DES ULIS pour rendre conforme à leur destination les ouvrages en cause et pour évaluer le prix des travaux de réparation restant à réaliser, le tribunal administratif de Versailles s'est fondé aussi bien sur les factures présentées tant par la commune des Ulis que la société d'aménagement de Bures-Orsay et d'équipement en Essonne, lesquelles précisent les ouvrages pour lesquels ces dépenses ont été engagées, que sur les éléments d'information contenus dans les deux rapports d'expertise ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que, pour déterminer les sommes dues par les constructeurs au titre de leur responsabilité, le tribunal administratif de Versailles se serait exclusivement fondé sur les estimations globales contenues dans les rapports d'expertise, manque en fait ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'afin de pallier les désordres apparus dans son système d'assainissement d'eau et de rendre à nouveau conformes à leur destination ces ouvrages, la COMMUNE DES ULIS a dû procéder à de nombreuses opérations de curages et de dégorgements ; qu'elle est donc fondée à demander aux constructeurs l'indemnisation des dépenses qu'elle a été tenue d'engager pour ces opérations ; qu'ainsi le moyen soulevé par la société Beture et tiré de ce que l'indemnisation de ces dépenses n'entrait pas dans le champ de la garantie résultant des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Segex, Beture, Sobea, Cochery-Bourdin-Chausse et Via France ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles les a condamné à verser à la COMMUNE DES ULIS les sommes de 255 932 F, 103 009 F, 1 132 580 F, 497 449 F, 15 926 F et 10 000 F ;
Sur les conclusions incidentes de la COMMUNE DES ULIS :
Considérant que si la COMMUNE DES ULIS soutient que la réception provisoire des travaux réalisés par la société Cochery-Bourdin-Chausse dans le quartier des Amonts est intervenue le 7 mars 1974 et non, comme l'a jugé le tribunal administratif, le 7 mars 1973, elle n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation ; qu'ainsi ses conclusions tendant àl'annulation du jugement du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a déclaré irrecevable l'action engagée par elle contre les sociétés Beture et Cochery-Bourdin-Chausse à raison des désordres apparus dans ce quartier doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la commune des Ulis, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser aux sociétés Via France, Screg Ile-de-France, Cochery-Bourdin-Chausse, Sobea Ile-de-France, Segex et Beture la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 20 mars 1997 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : Les requêtes des sociétés Via France, Sobea Ile-de-France, Cochery-Bourdin-Chausse, Segex et Beture devant la cour administrative d'appel de Paris sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions incidentes de la commune des Ulis sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions des sociétés Via France, Screg Ile-de-France, Cochery-Bourdin-Chausse, Sobea Ile-de-France, Segex et Beture tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DES ULIS, aux sociétés Segex, Via France, Sobea Ile-de-France, Beture, Cochery-Bourdin-Chausse, Screg Ile-de-France, à la Samboe et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 7 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 187961
Date de la décision : 29/11/2000
Sens de l'arrêt : Annulation rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

COLLECTIVITES TERRITORIALES - COMMUNE - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - AUTRES REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - CARégularisation par le Conseil municipal d'une action introduite par le maire sans habilitation - Possibilité - Existence - même en cas de renouvellement du Conseil municipal.

135-02-05-02, 54-01-05-005 Un conseil municipal peut à tout moment régulariser, s'il en décide ainsi, une requête en justice que le maire a introduite, sans y être habilité, au nom de la commune. La circonstance que le conseil municipal a été renouvelé entre la date d'introduction de la requête et celle à laquelle la délibération autorisant le maire à ester au nom de la commune a été adoptée ne fait pas obstacle à une telle régularisation.

PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - QUALITE POUR AGIR - REPRESENTATION DES PERSONNES MORALES - CAAction intentée au nom de la commune par le maire - Nécessité d'une habilitation par le Conseil municipal - Possibilité de régularisation - Existence - même en cas de renouvellement du Conseil municipal.


Références :

Code civil 1792, 2270
Code des communes L122-20
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 29 nov. 2000, n° 187961
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Fouquet
Rapporteur ?: M. Edouard Philippe
Rapporteur public ?: M. Savoie

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:187961.20001129
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