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23/03/2001 | FRANCE | N°231559

France | France, Conseil d'État, Ordonnance du juge des referes (m. genevois), 23 mars 2001, 231559


Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la Société LIDL, société en nom collectif, ayant son siège ..., prise en la personne de ses représentants légaux, représentée par la S.E./A.F.A. Magellan ; la société requérante demande que le juge des référés du Conseil d'Etat, statuant en application des articles L. 521-2 et L. 523-1 (alinéa 2) du code de justice administrative :
1°) Infirme l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Rouen le 26 février 2001 et dont elle a reçu

notification le 6 mars 2001 ;
2°) Constate que la décision du 8 février 200...

Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la Société LIDL, société en nom collectif, ayant son siège ..., prise en la personne de ses représentants légaux, représentée par la S.E./A.F.A. Magellan ; la société requérante demande que le juge des référés du Conseil d'Etat, statuant en application des articles L. 521-2 et L. 523-1 (alinéa 2) du code de justice administrative :
1°) Infirme l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Rouen le 26 février 2001 et dont elle a reçu notification le 6 mars 2001 ;
2°) Constate que la décision du 8 février 2001 du maire de la commune de Gruchet-le-Valasse qui refuse, d'une part, de prononcer la levée des scellés apposés sur la porte d'un bâtiment à usage de commerce dont elle est propriétaire et, d'autre part, de délivrer l'autorisation d'effectuer des travaux d'aménagement intérieurs sur le bâtiment, porte atteinte à une liberté fondamentale et est manifestement illégale ;
3°) Prononce la suspension de la décision du maire du 8 février 2001 ;
4°) Prononce la levée des scellés apposés sur la porte du bâtiment ;
5°) Suspende le refus de délivrance de l'autorisation de réaliser les travaux d'aménagement intérieurs ;
6°) Ordonne au maire de convoquer la Commission de sécurité en vue d'examiner la conformité des travaux d'aménagement intérieurs aux règles de sécurité ;
7°) Condamne la commune de Gruchet-le-Valasse à lui verser la somme de 10.000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son Préambule ;
Vu le code de l'urbanisme, notamment ses articles L. 421-1, L. 421-2, L. 421-3 (alinéa 2), L. 451-6, L. 480-1, L. 480-2, L. 480-3, L. 480-4, R. 421-1, R. 421-5.1, R. 421-53 et R. 600-1 ;
Vu le code de la construction et de l'habitation, notamment ses articles L. 111-8, L. 152-1, L. 152-2, L. 152-3, L. 152-4, R. 123-1 à R. 123-53 ;
Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat modifiée notamment par la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, en particulier son article 29-I (1°) et (8°) ;

Vu l'ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code du commerce ;
Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 modifié notamment par le décret n° 96-1018 du 26 novembre 1996 relatif à l'autorisation d'exploitation de certains magasins de commerce de détail et de certains établissements hôteliers, en particulier son article 40 ;
Vu l'article 1601-3 du code civil ;
Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2 (alinéa 2), L. 521-2, L. 522-1, L. 523-1, L. 761-1, R. 411-7, R. 522-6, R. 522-8, R. 522-11 et R. 522-13 ;
Après avoir convoqué à une audience publique la Société Lidl, la commune de Gruchet-le-Valasse et le ministre de l'intérieur ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 22 mars 2001 à 15 heures à laquelle ont été entendus :
- Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Société Lidl ;
- Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Gruchet-le-Valasse ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : "Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ..." ; que le respect de ces conditions revêt un caractère cumulatif ;
Considérant qu'à la date du 28 septembre 1995 le maire de la commune de Gruchet-le-Valasse (Seine-Maritime), a, après avoir recueilli l'avis de la commission de sécurité compétente pour les établissements recevant du public de deuxième catégorie (équipement de la personne), accordé à la société LV4 Promotion, un permis de construire pour un bâtiment d'une surface hors oeuvre nette de 1.400 mètres carrés, dont 998 mètres carrés affectés au commerce de l'habillement ; qu'alors que les travaux autorisés n'étaient pas complètement exécutés la société Lidl a, le 12 août 1997, acheté à la société titulaire du permis le bâtiment en l'état futur d'achèvement ; que l'acquéreur se proposait de substituer au commerce d'habillement initialement prévu un commerce de produits alimentaires ; qu'aucune autorisation de transfert du permis de construire n'a été demandée au maire ; qu'en outre, alors que la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996, dont les modalités d'application ont été précisées par le décret n° 96-1018 du 26 novembre 1996, a modifié la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat à l'effet de soumettre à une autorisation d'exploitation au titre de cette dernière loi la création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 300 mètres carrés résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant, la société Lidl n'a pas présenté auprès de la commission départementale d'équipement commercial de demande d'autorisation ; qu'enfin, nonobstant le fait que le maire de la commune ait, au vu d'un procès-verbal dressé le 5 janvier 1998 qui relevait une infraction tant à l'article R. 123-22 du code de la construction et de l'habitation qu'à la législation sur le permis de construire, ordonné par arrêté du 14 février 1998 l'interruption des travaux, une déclaration d'achèvement des travaux a été établie le 28 mai 1998 ;

Considérant que la société Lidl, estimant que l'exploitation du bâtiment à usage de commerce alimentaire était, du fait de l'existence du permis de construire délivré le 28 septembre 1995, uniquement subordonnée à l'obtention d'une autorisation au titre des dispositions du code de la construction et de l'habitation relatives aux établissements recevant du public, a contesté devant le tribunal administratif de Rouen la décision en date du 18 novembre 1997 par laquelle le maire lui a refusé cette autorisation ; que, tout en interjetant appel devant la cour administrative d'appel de Douai du jugement du 31 juillet 2000 ayant rejeté sa demande, la société a, après avoir modifié les aménagements intérieurs du bâtiment, saisi le maire le 25 octobre 2000, d'une demande d'autorisation en application de l'article R. 123-23 du code de la construction et de l'habitation ; qu'invoquant la double circonstance que la société Lidl n'était pas habilitée à réaliser les aménagements intérieurs sur le bâtiment à défaut d'autorisation de transfert à son profit du permis de construire et qu'un pareil transfert impliquait l'intervention de la commission départementale d'équipement commercial, le maire a rejeté la demande et a prescrit également, le 17 novembre 2000, l'apposition des scellés sur l'entrée principale du bâtiment commercial ; qu'il a, le 8 février 2001, rejeté le recours gracieux formé contre les décisions de refus d'autorisation et d'apposition des scellés ;

En ce qui concerne l'apposition des scellés :
Considérant que l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme prévoit dans son premier alinéa que dès qu'a été dressé un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4, au nombre desquelles figure l'exécution de travaux en méconnaissance de la législation sur le permis de construire, le maire peut, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux ; qu'il est spécifié que copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public ; que, selon le quatrième alinéa du même article, l'arrêté du maire cesse d'avoir effet en cas de décision de non-lieu ou de relaxe ; qu'aux termes du sixième alinéa de l'article L. 480-2, "lorsque aucune poursuite n'a été engagée, le Procureur de la République en informe le maire qui, soit d'office, soit à la demande de l'intéressé, met fin aux mesures par lui prises" ; que si le septième et huitième alinéas de l'article L. 480-2 autorisent le maire à prendre toutes les mesures de coercition nécessaires, y compris "l'apposition des scellés", c'est à seule fin de permettre "l'application immédiate de la décision judiciaire ou de son arrêté" ; que des dispositions analogues sont édictées par l'article L. 152-2 du code de la construction et de l'habitation en cas d'infraction aux dispositions de l'article L. 152-4 de ce dernier code, lesquelles visent notamment le non-respect de la réglementation sur les établissements recevant du public ;

Considérant qu'en décidant, pour assurer l'exécution de son arrêté du 14 février 1998 ordonnant l'interruption des travaux de construction du bâtiment, de faire apposer des scellés sur la porte principale de ce bâtiment alors que, saisi d'une plainte de la commune le Procureur de la République l'avait classée sans suite le 23 octobre 2000 et qu'au surplus, les travaux étaient achevés, le maire a entaché sa décision d'une illégalité manifeste ;
Considérant qu'en raison de ses effets sur la libre disposition par la société Lidl du bâtiment dont elle est propriétaire, cette décision porte une atteinte grave à une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; qu'il n'est pas nécessaire de rechercher si, eu égard au fait que la société requérante ne s'est pas conformée à la législation sur l'urbanisme commercial, une atteinte de même gravité affecte également la liberté du commerce ;
Mais considérant que la mise en oeuvre de la protection juridictionnelle particulière prévue par l'article L. 521-2 du code de justice administrative implique que soit établie une situation d'urgence justifiant le prononcé de la mesure d'injonction sollicitée ; qu'à cet égard, la société requérante aussi bien en première instance qu'en appel s'est bornée à faire état "d'une situation particulièrement dommageable" sans apporter, en particulier au cours de l'audience du 22 mars 2001, le moindre élément concret d'appréciation ; qu'en outre, il y a lieu de relever que le préjudice commercial allégué n'est qu'éventuel dès lors que la société ne s'est pas conformée à ce jour à la législation sur l'urbanisme commercial ;

En ce qui concerne le refus d'accorder l'autorisation exigée par le code la construction et de l'habitation :
Considérant que faute pour la société requérante d'être en règle au regard des dispositions de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, le prononcé des injonctions sollicitées, en ce qui concerne l'usage fait par le maire de ses attributions en matière d'établissements recevant du public, n'est, en tout état de cause, pas justifié par l'urgence ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'injonctions présentées par la société requérante doivent, en l'état, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Gruchet-le-Valasse, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à la société Lidl la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'au surplus, il y a lieu de relever que lorsque le maire d'une commune fait usage des dispositions de l'article L. 48-2 du code de l'urbanisme, il agit en tant qu'autorité administrative de l'Etat qui, à ce dernier titre se trouve partie à l'instance ; que la société n'a présenté aucune conclusion aux fins de condamnation de l'Etat ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de la commune de Gruchet-le-Valasse tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens qu'elle a elle-même exposés ;
Article 1er : La requête susvisée de la société Lidl est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Société LIDL, à la commune de Gruchet-le-Valasse, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : Ordonnance du juge des referes (m. genevois)
Numéro d'arrêt : 231559
Date de la décision : 23/03/2001
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

PROCEDURE - PROCEDURES D'URGENCE - Référé tendant au prononcé de mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale (article L - 521-2 du code de justice administrative) - a) Liberté fondamentale - Notion - Existence - Libre disposition d'un bien - Atteinte - Existence - b) Condition d'urgence - Notion - Absence - Absence d'élément concret à l'appui de la demande et caractère éventuel du préjudice allégué - Absence.

54-03 Société ayant acheté un bâtiment ayant fait l'objet d'un permis de construire envisageant de substituer au commerce initialement prévu un commerce alimentaire et procédant à des travaux d'aménagement intérieur sans demander au maire d'autorisation de transfert du permis de construire. Maire ordonnant l'interruption des travaux et décidant de faire apposer des scellés sur la porte principale du bâtiment. Le Procureur de la République ayant classé sans suite la plainte de la commune dont il était saisi et les travaux étant achevés, cette décision est entachée d'une illégalité manifeste.

54-03 a) En raison de ses effets sur la libre disposition par la société du bâtiment dont elle est propriétaire, cette décision porte une atteinte grave à une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

54-03 b) En revanche, n'est pas établie la situation d'urgence de nature à justifier le prononcé de la mesure d'injonction sollicitée, la société se bornant à faire état d'une "situation particulièrement dommageable" sans apporter aucun élément concret d'appréciation et le préjudice commercial allégué n'étant qu'éventuel dès lors que la société ne s'est pas conformée à la législation sur l'urbanisme commercial.


Références :

Arrêté du 14 février 1998
Code de justice administrative L521-2, L761-1
Code de l'urbanisme L480-2, L480-4
Code de la construction et de l'habitation R123-22, R123-23, L152-2, L152-4
Décret 96-1018 du 26 novembre 1996
Loi 73-1193 du 27 décembre 1973
Loi 96-603 du 05 juillet 1996


Publications
Proposition de citation : CE, 23 mar. 2001, n° 231559
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois, juge des référés

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:231559.20010323
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