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15/03/2002 | FRANCE | N°225276

France | France, Conseil d'État, 2 / 1 ssr, 15 mars 2002, 225276


Vu la requête enregistrée le 22 septembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES FNSA PTT, dont le siège est ... ; la fédération requérante demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'article 94 de la loi du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire, le décret n° 2000-694 du 24 juillet 2000 modifiant le décret du

11 février 1994, relatif aux commissions administratives paritaires d...

Vu la requête enregistrée le 22 septembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES FNSA PTT, dont le siège est ... ; la fédération requérante demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'article 94 de la loi du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire, le décret n° 2000-694 du 24 juillet 2000 modifiant le décret du 11 février 1994, relatif aux commissions administratives paritaires de France Télécom et la note de France Télécom fixant les modalités d'organisation des élections du 24 octobre 2000 aux commissions administratives paritaires et aux commissions consultatives paritaires ;
2°) d'ordonner l'exécution forcée de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 F par jour de retard à compter de la notification de la décision ;
3°) de condamner France Télécom à lui verser la somme de 3 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son article 34 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative au service public de la poste et des télécommunications ;
Vu la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996, notamment son article 94 ;
Vu le décret n° 82-450 du 28 mai 1982 ;
Vu le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;
Vu le décret n° 94-131 du 11 février 1994 relatif aux commissions administratives paritaires de France Télécom ;
Vu le décret n° 96-1179 du 27 décembre 1996 relatif au comité paritaire de France Télécom ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de France Télécom,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté la demande de la fédération requérante tendant à l'abrogation des dispositions du II de l'article 94 de la loi du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures statutaires :
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 37 de la Constitution, les textes de forme législative qui interviennent après l'entrée en vigueur de la Constitution "ne pourront être modifiés par décret que si le Conseil constitutionnel a déclaré qu'ils ont un caractère réglementaire ( ...)" ; que la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES FNSA-PTT a demandé au Premier ministre, en invoquant ces dispositions, d'abroger par la voie réglementaire le II de l'article 94 de la loi du 16 décembre 1996, au motif qu'il serait contraire aux articles 10 et 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux articles 22 et 24 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 14 de la loi du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction issue du II de l'article 94 de la loi du 16 décembre 1996, que seules les organisations syndicales de fonctionnaires représentatives peuvent présenter des listes de candidats au premier tour des élections aux commissions administratives paritaires sans avoir à faire la preuve de leur représentativité, tandis que les autres organisations doivent, pour présenter des listes au premier ou au second tour, remplir, dans le cadre où est organisée l'élection, les critères de représentativité définis à l'article L. 133-2 du code du travail ;
Considérant qu'une telle règle, qui est relative aux conditions dans lesquelles sont admises les candidatures aux élections professionnelles, relève des garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires et ne peut, en vertu de l'article 34 de la Constitution, être fixée que par la loi ; que, par suite, le Premier ministre était tenu de rejeter la demande d'abrogation présentée par la fédération requérante ;
Sur les conclusions dirigées contre le décret n° 2000-694 du 24 juillet 2000 relatif aux commissions administratives paritaires de France Télécom :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 2 du décret n° 82-450 du 28 mai 1982 relatif au conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat que ce conseil est saisi notamment des projets de décrets comportant des dispositions communes à plusieurs corps de fonctionnaires, sauf lorsque ces projets relèvent de la compétence d'un seul comité technique paritaire ministériel ou d'un seul comité technique paritaire central d'établissement public ; que, par application de l'article 6 du décret n° 96-1179 du 27 décembre 1996, le comité paritaire de France Télécom, qui peut être assimilé à un comité technique paritaire central d'établissement public, doit être saisi des projets de texte relatifs à l'organisation de l'entreprise ; que, par suite, le conseil supérieur de la fonction publique n'avait pas à donner son avis sur le projet de décret attaqué ;
Considérant que la Commission supérieure du personnel et des affaires sociales, instituée par l'article 36 de la loi du 2 juillet 1990 modifiée, était composée régulièrement lorsqu'elle a été consultée sur le projet de décret contesté ;
Considérant qu'il résulte des stipulations de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 22 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, que toute personne a le droit de fonder avec d'autres un syndicat, afin d'assurer la défense de ses intérêts ; que les dispositions de l'article 14 de la loi du 11 janvier 1984, qui se bornent à soumettre les listes de candidatures aux élections des représentants du personnel à une condition de représentativité syndicale, sont compatibles avec ces stipulations ; que ces dispositions législatives ne méconnaissent pas davantage les stipulations de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 24 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui portent respectivement sur la liberté d'expression et sur l'interdiction de toute discrimination ; que, par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soulever, par voie d'exception, à l'encontre du décret attaqué, l'incompatibilité des dispositions de l'article 14 de la loi du 11 janvier 1984 avec les conventions internationales invoquées ;
Considérant que les modalités d'organisation des élections des représentants du personnel aux commissions administratives paritaires, que fixe le décret attaqué, ne sauraient être regardées comme touchant à l'une des garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires dont les règles sont fixées par la loi ; que, dès lors, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué empièterait sur le domaine réservé à la loi par l'article 34 de la Constitution ;

Considérant qu'il résulte de l'article 17 de la loi du 11 janvier 1984 que les modalités de désignation des membres des commissions administratives paritaires sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; qu'eu égard au statut juridique particulier de France Télécom, le gouvernement pouvait légalement arrêter, par le décret attaqué qui est un décret en Conseil d'Etat, des modalités de désignation propres à cet organisme différentes de celles que prévoit le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 modifié relatif aux commissions administratives paritaires ; que le décret attaqué n'a introduit, ce faisant, aucune rupture d'égalité illégale entre les corps de fonctionnaires affectés à France Télécom et les autres corps de fonctionnaires ;
Considérant qu'en confiant au président du conseil d'administration de France Télécom, qui tient de la loi la mission de gérer le personnel, le pouvoir de prendre certaines décisions relatives au déroulement des élections aux commissions paritaires ou en vue de la formation de celles-ci, le décret attaqué n'a pas procédé à une délégation de compétence illégale ;
Considérant qu'aux termes du 8ème alinéa de l'article 14 de la loi du 11 janvier 1984, dans sa rédaction issue du II de l'article 94 de la loi du 16 décembre 1996 : "Les contestations sur la recevabilité des listes déposées sont portées devant le tribunal administratif dans les trois jours qui suivent la date limite du dépôt des candidatures ( ...)" ; que l'article 5 du décret attaqué prévoit que, lorsqu'une liste ne satisfait pas aux critères de représentativité énoncés par cette loi, l'exploitant public remet au délégué de liste une décision motivée déclarant l'irrecevabilité de la liste ; que s'il n'appartient pas à une autorité administrative de vérifier si une organisation présentant des candidats à une élection professionnelle possède les caractéristiques d'un syndicat professionnel, au sens de l'article L. 411-1 du code du travail, ni l'article 14 précité de la loi du 11 janvier 1984, ni aucune autre disposition ne s'opposent à ce que cette autorité apprécie, sous le contrôle du juge administratif, la représentativité de cette organisation au sens de l'article 9 bis de la loi du 13 juillet 1983 pour l'application de la réglementation relative aux élections professionnelles ; que, dès lors, le moyen tiré de l'illégalité dont seraient entachées les dispositions de l'article 5 du décret attaqué doit être écarté ;
Considérant que si l'article 40 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires dispose qu'en cas de difficultés dans le fonctionnement des commissions, le ministre intéressé en rend compte au Premier ministre, qui statue après avis du conseil supérieur de la fonction publique, les auteurs du décret attaqué pouvaient ne pas prendre la même disposition pour France Télécom, sans porter atteinte aux garanties fondamentales reconnues aux fonctionnaires ;

Considérant que le décret attaqué ne constitue pas une mesure d'application du décret n° 94-131 du 11 février 1994 relatif aux commissions administratives paritaires de France Télécom, qu'au contraire il modifie ; que, par suite, les moyens tirés de ce que le décret du 11 février 1994 serait lui-même illégal, pour avoir prévu des bureaux de vote en méconnaissance du code électoral et autorisé, dans ses articles 37 et 38, à siéger dans les commissions administratives paritaires, les supérieurs hiérarchiques de fonctionnaires dont le cas est soumis à examen, sont inopérants ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES FNSA-PTT n'est pas fondée à demander l'annulation du décret du 24 juillet 2000 relatif aux commissions paritaires de France Télécom ;
Sur les conclusions dirigées contre la note de France Télécom fixant les modalités d'organisation des élections du 24 octobre 2000 aux commissions administratives paritaires et aux commissions consultatives paritaires :
Considérant que, les élections ayant eu lieu le 24 octobre 2000, les conclusions susanalysées sont devenues sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative :
Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES FNSA-PTT tendant à l'annulation du décret du 24 juillet 2000, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susanalysées sont irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que France Télécom, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES FNSA-PTT la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES FNSA-PTT est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES FNSA-PTT, à France Télécom, au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 2 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 225276
Date de la décision : 15/03/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - LOI ET REGLEMENT - ARTICLES 34 ET 37 DE LA CONSTITUTION - MESURES RELEVANT DU DOMAINE DE LA LOI - REGLES CONCERNANT LES GARANTIES FONDAMENTALES ACCORDEES AUX FONCTIONNAIRES CIVILS ET MILITAIRES DE L'ETAT.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - CONSEILS SUPERIEURS DE LA FONCTION PUBLIQUE - CONSEIL SUPERIEUR DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L'ETAT.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - COMMISSIONS ADMINISTRATIVES PARITAIRES.

POSTES ET TELECOMMUNICATIONS - TELECOMMUNICATIONS - PERSONNEL DU SERVICE DE FRANCE TELECOM.


Références :

Code de justice administrative L911-1, L761-1
Code du travail L133-2, L411-1
Code électoral 37, 38
Constitution du 04 octobre 1958 art. 37
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 10
Décret 2000-694 du 24 juillet 2000 décision attaquée confirmation
Décret 82-450 du 28 mai 1982 art. 2
Décret 82-451 du 28 mai 1982 art. 40
Décret 94-131 du 11 février 1994
Décret 96-1179 du 27 décembre 1996 art. 6
Loi 83-634 du 13 juillet 1983 art. 9 bis
Loi 84-16 du 11 janvier 1984 art. 14, art. 17
Loi 90-568 du 02 juillet 1990 art. 36
Loi 96-1093 du 16 décembre 1996 art. 94


Publications
Proposition de citation : CE, 15 mar. 2002, n° 225276
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mary
Rapporteur public ?: Mme de Silva

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:225276.20020315
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