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08/07/2002 | FRANCE | N°216578

France | France, Conseil d'État, 8 / 3 ssr, 08 juillet 2002, 216578


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 janvier et 5 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SA FORCE LIMAGRAIN, dont le siège est 23, boucle de la Ramée à Saint-Quentin-Fallavier (38291), représentée par ses dirigeants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège ; la SA FORCE LIMAGRAIN demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 12 novembre 1999 en tant que par cet arrêt la cour administrative d'appel de Paris : 1°) a annulé le jugement du 28 avril 1998 du tribunal administratif de Versa

illes en tant qu'il subordonne à une condition la légalité de la dé...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 janvier et 5 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SA FORCE LIMAGRAIN, dont le siège est 23, boucle de la Ramée à Saint-Quentin-Fallavier (38291), représentée par ses dirigeants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège ; la SA FORCE LIMAGRAIN demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 12 novembre 1999 en tant que par cet arrêt la cour administrative d'appel de Paris : 1°) a annulé le jugement du 28 avril 1998 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il subordonne à une condition la légalité de la décision du 7 juin 1994 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle retirant une précédente décision ministérielle du 25 mars 1994 et annulant l'autorisation de licenciement de Mme Marinette X... et 2°) a déclaré légale la décision du 7 juin 1994 précitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sauron, Maître des Requêtes ;
- les observations de Me Le Prado, avocat de la SA FORCE LIMAGRAIN, de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la société Hexatech et de Me Foussard, avocat de Mme X...,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SA FORCE LIMAGRAIN avait obtenu l'autorisation de licencier pour motif économique Mme X..., déléguée du personnel suppléante, employée dans son établissement de Bonnétable sur le site duquel s'est ensuite installée, le 1er octobre 1993 la société Hexatech ; que pour confirmer cette autorisation, par sa décision du 25 mars 1994, le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle s'était notamment fondé sur ce que la société avait satisfait à son obligation de reclassement ; que cependant, par une nouvelle décision en date du 7 juin 1994, le ministre retirait sa décision du 25 mars 1994 et refusait l'autorisation de licencier Mme X... ; que par un jugement du 24 janvier 1996, le conseil des Prud'hommes du Mans, saisi par Mme X... d'une demande de réintégration, a ordonné le renvoi de la procédure devant le juge administratif pour qu'il soit statué, à titre préjudiciel, sur la légalité de la décision ministérielle du 7 juin 1994 ; que, par son jugement du 28 avril 1998, le tribunal administratif de Versailles a déclaré que la décision du ministre du travail du 7 juin 1994 était légale "pour autant que la société Hexatech puisse être regardée comme ayant repris l'exploitation de l'activité exercée par l'ancien établissement de Bonnétable de la SOCIETE FORCE LIMAGRAIN" ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens du pourvoi :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1987 susvisée alors en vigueur : ''Il est créé des cours administratives d'appel compétentes pour statuer sur les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs, à l'exception de ceux portant sur les recours en appréciation de légalité" ; qu'il résulte de ces dispositions que le Conseil d'Etat était seul compétent pour connaître de l'appel formé par la SA FORCE LIMAGRAIN contre le jugement en date du 28 avril 1998 du tribunal administratif de Versailles qui statuait sur une question préjudicielle en appréciation de validité ; qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 12 novembre 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a statué sur le jugement du tribunal administratif de Versailles et de statuer en qualité de juge d'appel sur la requête de la SA FORCE LIMAGRAIN ;
Sur la requête de la SA FORCE LIMAGRAIN :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision ministérielle du 7 juin 1994 :
Considérant que le moyen tiré de ce que la décision attaquée ne comporterait pas de date manque en fait ;
En ce qui concerne la légalité interne de la décision ministérielle du 7 juin 1994 :
Considérant que si le ministre, dans les motifs de ladite décision, a évoqué l'établissement de "Bonneville" au lieu de l'établissement de "Bonnétable", cette erreur matérielle est sans incidence sur la légalité de l'acte ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 425-1 du code du travail relatives aux conditions de licenciement des délégués du personnel, les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;
Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision explicite individuelle créatrice de droit, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ;
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 122-12 du code du travail : "S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise" ; que, par suite, il appartenait à l'autorité administrative de vérifier les conditions dans lesquelles s'est effectuée la cessation d'activité de l'établissement de Bonnétable appartenant à la SA FORCE LIMAGRAIN et l'installation sur le même site de la société Hexatech ;
Considérant que, dans ces conditions, le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle n'a pas entaché d'erreur de droit sa décision 7 juin 1994 en relevant, pour justifier tant le retrait de sa précédente décision en date du 25 mars 1994, que le refus de l'autorisation de licenciement sollicitée par la SA FORCE LIMAGRAIN, qu'un poste de la compétence de Mme X... était maintenu dans l'entreprise demeurant, après modification dans la situation juridique de l'employeur, sur le site de Bonnétable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA FORCE LIMAGRAIN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles, saisi de la question préjudicielle que lui avait soumise le conseil des Prud'hommes, a, dans les limites de la compétence de la juridiction administrative, déclaré légale la décision du ministre du travail du 7 juin 1994 "pour autant que la société Hexatech puisse être regardée comme ayant repris l'exploitation de l'activité exercée par l'ancien établissement de Bonnétable de la SA FORCE LIMAGRAIN" ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions susvisées et de condamner la SA FORCE LIMAGRAIN à payer à Mme X... la somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 12 novembre 1999 est annulé.
Article 2 : La requête de la SA FORCE LIMAGRAIN est rejetée.
Article 3 : La SA FORCE LIMAGRAIN versera une somme de 4 000 euros à Mme X... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SA FORCE LIMAGRAIN, à la société Hexatech, à Mme X... et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 8 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 216578
Date de la décision : 08/07/2002
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

COMPETENCE - COMPETENCE A L'INTERIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPETENCE D'APPEL DU CONSEIL D'ETAT.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE - OBLIGATION DE RECLASSEMENT.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code du travail L425-1, L122-12
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 1


Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2002, n° 216578
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sauron
Rapporteur public ?: M. Collin

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:216578.20020708
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