La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/10/2002 | FRANCE | N°219663

France | France, Conseil d'État, 8 / 3 ssr, 23 octobre 2002, 219663


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 avril et 26 juillet 2000, présentés pour la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 1er février 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé les articles 2 et 4 du jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 21 octobre 1998, a annulé l'arrêté du 30 juin 1998 par lequel le maire de CHAMONIX MONT-BLANC avait délivré à la commune le permis de co

nstruire un hangar supplémentaire et des locaux techniques et d'héber...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 avril et 26 juillet 2000, présentés pour la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 1er février 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé les articles 2 et 4 du jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 21 octobre 1998, a annulé l'arrêté du 30 juin 1998 par lequel le maire de CHAMONIX MONT-BLANC avait délivré à la commune le permis de construire un hangar supplémentaire et des locaux techniques et d'hébergement sur le site de l'héliport de Chamonix ;
2°) de condamner les consorts X... et l'Association pour la sauvegarde de la vallée de Chamonix à lui verser une somme de 20 000 F (3 048,98 euros) au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;
Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. El Nouchi, Maître des Requêtes ;
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC et de Me Foussard, avocat M. X... et autres,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêté en date du 30 juin 1998, le maire de Chamonix Mont-Blanc a autorisé la commune à construire un hangar pour hélicoptères ainsi que des locaux techniques et d'hébergement sur l'emprise de l'hélistation à usage restreint implantée au lieu-dit "Les Bois" sur le territoire de la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC ; que, par arrêt en date du 1er février 2000, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé les articles 2 et 4 du jugement rendu en première instance par le tribunal administratif de Grenoble qui avait rejeté les conclusions à fin d'annulation de ce permis de construire, a prononcé l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ; que la requête de la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC tend à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon ;
Considérant qu'aux termes de l'article UY 11 du règlement du plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC : "Les pentes de toitures seront comprises entre 35% et 50%. Toutefois, la pente et le type de toiture des bâtiments publics (culturels, scolaires, administratifs, hospitaliers et sportifs) pourront être différents afin de permettre une diversité et une identité architecturales" ; qu'il résulte de ces dispositions que si, en principe, les bâtiments à construire dans la zone UY doivent comporter une toiture dont les pentes sont comprises en 35% et 50%, il peut être dérogé à cette règle pour les bâtiments publics tant en ce qui concerne la pente que le type de toiture, pour des motifs tirés de considérations de diversité ou d'identité architecturales ; que ces dispositions n'ont pas pour effet d'interdire de manière générale la construction de toitures en terrasses pour ces bâtiments publics ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit en jugeant, pour annuler l'arrêté du maire de Chamonix Mont-Blanc en date du 30 juin 1998, que les dispositions précitées de l'article UY 11 avaient pour effet de prohiber les toitures en terrasse, même à l'égard des bâtiments publics ; que, dès lors, la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur l'intervention :
Considérant que Mme Y..., et autres ont intérêt à l'annulation de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi leur intervention est recevable ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes alors en vigueur de l'article 432-12 du code pénal : "Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une
opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende" ; qu'aux termes de l'article L. 421-2-5 du code de l'urbanisme : "Si le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est intéressé à la délivrance du permis de construire, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, le conseil municipal de la commune ou l'organe délibérant de l'établissement public désigne un autre de ses membres pour délivrer le permis de construire" ;
Considérant que l'arrêté attaqué a pour objet d'autoriser la construction, par la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC, d'installations nouvelles sur l'hélistation des Bois appartenant au domaine communal et utilisée, pour les besoins des secours en montagne, par les services de la sécurité civile et de la gendarmerie et par l'Association chamoniarde de secours en montagne ; que si le maire de Chamonix Mont-Blanc a délivré à la commune le permis de construire litigieux, cette circonstance à elle seule ne saurait le faire regarder comme ayant un intérêt quelconque dans l'opération de construction au sens de l'article précité du code pénal ; que cette circonstance ne saurait davantage le faire regarder comme intéressé, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, à la délivrance de ce permis au sens de l'article L. 421-2-5 du code de l'urbanisme ; qu'ainsi les moyens tirés de ce que le permis de construire aurait été accordé en méconnaissance des dispositions des articles L. 432-12 du code pénal et de l'article L. 421-2-5 du code de l'urbanisme ne peuvent qu'être écartés ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu du 8° du A de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte "l'étude d'impact, lorsqu'elle est exigée" ; qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1976 susvisée alors en vigueur : "Les études préalables à la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages qui, par l'importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d'impact permettant d'en apprécier les conséquences. Un décret en Conseil d'Etat à fixe à la liste limitative des ouvrages qui, en raison de la faiblesse de leurs répercussions sur l'environnement, ne sont pas soumis à la procédure d'étude d'impact" ; qu'il résulte des dispositions du B de l'article 3 et de l'annexe II du décret du 12 octobre 1977, pris pour l'application de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1976, que sont dispensées d'étude d'impact, sous réserve des catégories d'aménagement visées à l'annexe I, toutes les constructions, à l'exception de celles visées au 7° et aux b, c, et d du 9° de l'annexe III, soumises au permis de construire dans les communes dotées d'un plan d'occupation des sols ;
Considérant que la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC est dotée d'un plan d'occupation des sols approuvé ; que les constructions autorisées par le permis de construire litigieux ne sont pas au nombre des aménagements visés par l'annexe I ou par les 7° et b, c, d du 9° de l'annexe III du décret du 12 octobre 1977 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'une étude d'impact aurait dû être jointe au dossier de demande de permis de construire en vertu du 8° du A de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme ne peut être accueilli ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article UY 1 du règlement du plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC : "Sont notamment admises les occupations et utilisations du sol ci-après : les constructions à usage d'activités artisanales et de petite industrie ainsi que les dépôts et entrepôts, / les aires de jeux, de sports et de stationnement ouvertes au public, / les affouillements et exhaussements du sol indispensables à la construction et aux travaux publics, / les installations d'utilité publique et d'intérêt général (les cabines de transformation électrique, les abris à ordures ménagères, les mazots destinés à recevoir des distributeurs de billets bancaires, les abri-bus.)" ; que les constructions autorisées par le permis de construire litigieux sont au nombre des installations d'utilité publique et d'intérêt général visées par ces dispositions ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué a pu légalement autoriser leur édification dans un secteur relevant de la zone UY du plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article UY 3 du règlement du plan d'occupation des sols : "Les constructions et installations doivent être desservies par des voies publiques ou privées dont les caractéristiques correspondent à leur destination, notamment en ce qui concerne la commodité de la circulation, des accès et des moyens d'approche permettant une lutte efficace contre l'incendie, le ramassage aisé des ordures ménagères ainsi qu'un déneigement commode" ; qu'aux termes de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme : "Le permis de construire peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie" ;
Considérant que, pour soutenir que le permis de construire litigieux aurait été délivré en méconnaissance des dispositions précitées de l'article UY 3 et de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme, les requérants se prévalent des caractéristiques, à leurs yeux insuffisantes, de la route des Gaudenays qui dessert le secteur dans lequel est implanté l'hélistation des Bois ; que, toutefois, un refus de permis de construire ne peut être fondé sur les conditions générales de la circulation dans le secteur, dès lors que les conditions dans lesquelles les constructions envisagées sont directement desservies apparaissent suffisantes ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions d'accès direct aux installations dont la construction a été autorisée par l'arrêté attaqué seraient insuffisantes eu égard à la nature et à l'importance des travaux envisagés ; que, par suite, les moyens tirés de ce que le maire de Chamonix Mont-Blanc, en délivrant le permis contesté, aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article UY 3 et commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R 111-4 du code de l'urbanisme doivent être écartés ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit précédemment les dispositions de l'article UY 11 du règlement du plan d'occupation des sols n'ont pas pour effet d'interdire de manière générale la construction de toitures en terrasse pour les bâtiments
publics, dès lors que l'usage de ce type de toiture est justifié par des considérations de diversité ou d'identité architecturale ; qu'en l'espèce, les installations en cause doivent être regardées comme des bâtiments publics au sens de ces dispositions ; que le parti qui a été retenu d'une toiture en terrasse pour le nouveau hangar dont la construction a été autorisée par le permis litigieux est motivé par la circonstance que le hangar existant, lequel doit être conservé sans que son aspect soit modifié sur ce point par les travaux autorisés, est couvert par une toiture en terrasse ; que le maire de Chamonix Mont-Blanc a pu se fonder sur un tel motif, qui repose sur des considérations architecturales, pour délivrer le permis litigieux sans méconnaître les dispositions de l'article UY 11 du plan d'occupation des sols ;
Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : "Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique" ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Chamonix Mont-Blanc aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 précité en délivrant le permis de construire litigieux ;
Considérant, enfin, qu'en vertu de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme, le permis de construire peut être refusé "si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales" ; qu'il ressort des pièces du dossier que si le permis litigieux a pour objet et pour effet d'autoriser la construction d'installations nouvelles sur le site de l'hélistation des Bois, il n'a pas pour effet d'en changer la destination ni de modifier, de manière substantielle, l'impact de ces installations sur le site environnant ; que dans ces conditions, et compte-tenu des prescriptions dont le permis de construire est assorti, l'appréciation à laquelle s'est livré le maire de Chamonix Mont-Blanc pour estimer que les constructions envisagées ne sont pas de nature à porter atteinte au caractère des lieux avoisinants n'est pas entachée d'erreur manifeste ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts X... et l'Association pour la sauvegarde de la vallée de Chamonix ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Chamonix Mont-Blanc en date du 30 juin 1998 ;
Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser aux consorts X... et à l'Association pour la sauvegarde de la vallée de Chamonix la somme qu'ils demandent au titre des sommes exposées et non comprises dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner les consorts X... et l'Association pour la sauvegarde de la vallée de Chamonix à verser à la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC une somme de 3 000 euros au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 1er février 2000 est annulé.
Article 2 : L'intervention formée devant la cour administrative d'appel de Lyon par Mme Y..., et autres est admise.
Article 3 : La requête présentée devant la cour administrative d'appel de Lyon par les consorts X... et par l'Association pour la sauvegarde de la vallée de Chamonix et leurs conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les consorts X... et l'Association pour la sauvegarde de la vallée de Chamonix verseront à la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à l'Association pour la sauvegarde de la vallée de Chamonix, M. et Mme Jean-Marc X..., et autres, à la COMMUNE DE CHAMONIX MONT-BLANC et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 8 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 219663
Date de la décision : 23/10/2002
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

68-03-03-02 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - LEGALITE INTERNE DU PERMIS DE CONSTRUIRE - LEGALITE AU REGARD DE LA REGLEMENTATION LOCALE


Références :

Arrêté du 30 juin 1998
Code de justice administrative L821-2, L761-1
Code de l'urbanisme R421-2, R111-4, R111-2, R111-21
Code pénal 432-12, 3, annexe I, annexe III, R111-2
Décret 77-1141 du 12 octobre 1977 annexe II, annexe III
Loi 76-629 du 10 juillet 1976 art. 2


Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 2002, n° 219663
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. El Nouchi
Rapporteur public ?: M. Collin

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:219663.20021023
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award