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30/12/2002 | FRANCE | N°223407

France | France, Conseil d'État, 8 / 3 ssr, 30 décembre 2002, 223407


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juillet et 13 novembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Roland X..., ; M. et Mme X... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 30 mai 2000 de la cour administrative d'appel de Bordeaux rejetant leur requête tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement du 24 avril 1997 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté le surplus de leurs conclusions en décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle ils

ont été assujettis au titre de l'année 1991 ;
2°) statuant au fond...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juillet et 13 novembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Roland X..., ; M. et Mme X... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 30 mai 2000 de la cour administrative d'appel de Bordeaux rejetant leur requête tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement du 24 avril 1997 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté le surplus de leurs conclusions en décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1991 ;
2°) statuant au fond, de leur accorder la décharge des impositions restant en litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bereyziat, Auditeur-;
- les observations de Me de Nervo, avocat de M. et Mme X...,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au cours de l'année 1980, M. Roland X... a constitué avec son épouse la société anonyme "Compagnie Roland X...", ayant pour activité le négoce de matériel agricole neuf ou d'occasion, dont ils détenaient conjointement 99 % du capital social et au sein de laquelle ils exerçaient respectivement les fonctions de président-directeur général et de directeur général ; que, le 13 décembre 1991, la société a déposé auprès du greffe du tribunal de commerce de Poitiers une déclaration de cessation de paiement ; que ce tribunal, par un premier jugement du 23 mars 1992, a prononcé la mise en redressement judiciaire de la société et fixé au 16 juin 1990 la date de sa cessation de paiement ; que, par un second jugement du 6 avril 1992, le même tribunal a ordonné sa mise en liquidation judiciaire ; que, dans le cadre d'une procédure pénale ouverte à l'encontre de M. et Mme X... du chef d'abus de biens sociaux, l'autorité judiciaire a notamment transmis à l'administration fiscale, sur le fondement de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, le procès-verbal de police établi le 17 juin 1992 lors d'une perquisition conduite au domicile des intéressés ; qu'à l'issue d'une vérification de la comptabilité de la société portant sur les exercices clos en 1989 et 1990, suivie, pour l'année 1991, d'un contrôle sur pièces des situations fiscales respectives de la société et des époux X..., ces derniers ont été assujettis à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 1991, assortie de pénalités ; qu'ils se pourvoient régulièrement en cassation contre l'arrêt du 30 mai 2000 de la cour administrative d'appel de Bordeaux rejetant leur requête tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement du 24 avril 1997 par lequel le tribunal administratif de Poitiers, après avoir réduit la base de l'imposition litigieuse, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande en décharge, relatif aux redressements opérés, d'une part, dans la catégorie des traitements et salaires, d'autre part, dans celle des revenus de capitaux mobiliers ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 12, 83 et 156 du code général des impôts que les sommes à retenir pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, au titre d'une année déterminée et dans la catégorie des traitements et salaires, sont celles qui, au cours de ladite année, ont été mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription à un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre ; qu'en outre, un revenu payé par chèque est réputé disponible à la date où le chèque a été remis à son bénéficiaire, sauf à ce que celui-ci établisse que l'établissement tiré a refusé d'en honorer le paiement ou, à défaut, que la situation financière du tireur, dont il avait connaissance, faisait nécessairement obstacle à ce que le paiement dudit chèque soit honoré au cours de l'année considérée ;

Considérant que, pour rejeter celles des conclusions en décharge de M. et Mme X... relatives au supplément d'imposition mis à leur charge au titre de l'année 1991 dans la catégorie des traitements et salaires, la cour, après avoir relevé qu'au cours de l'année en cause, des chèques avaient été émis au nom des contribuables par la société qu'ils dirigeaient et mentionnés dans les livres de salaires de cette société pour des montants supérieurs à ceux que les contribuables avaient déclarés au titre de la même année dans la catégorie des traitements et salaires, a jugé que l'administration avait réuni des éléments permettant d'établir que les intéressés étaient en situation de percevoir les sommes en cause, sans répondre à l'argumentation des époux X..., qui n'était pas inopérante, tirée de ce que la situation financière de la société émettrice faisait obstacle à ce que le paiement de ces chèques soit honoré ; qu'en statuant ainsi, la cour a insuffisamment motivé son arrêt ;
Considérant, en second lieu, que pour rejeter les conclusions des contribuables relatives au redressement de leurs revenus de capitaux mobiliers, la cour, après avoir relevé qu'il résultait d'un rapport d'enquête de police que Mme Y..., salariée de la compagnie Roland X..., était en réalité employée à temps plein au domicile de M. et Mme X..., a jugé que les attestations que ceux-ci ont fait établir par des tiers pour justifier, au contraire, la réalité du travail de Mme Y... au profit de la société, ne combattaient pas sérieusement la valeur probante du rapport de police, dès lors que ces attestations étaient postérieures à la notification de redressement ; qu'en statuant ainsi, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
Sur les traitements et salaires :
Considérant que pour soutenir qu'ils n'ont pas eu la disposition des sommes que la SA compagnie Roland X... a mentionnées dans ses livres de salaires comme leur ayant été payées par chèques libellés à leurs noms au titre des salaires qui leur étaient dus pour les mois d'avril à septembre 1991, M. et Mme X... allèguent, d'une part, qu'il n'est pas établi que les chèques en cause leur auraient été remis, d'autre part, que la situation financière de la société faisait obstacle à ce que celle-ci puisse les honorer ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte des constatations portées au procès-verbal de police du 17 juin 1992 susmentionné, qui ne sont pas contestées sur ce point par les requérants, que les chèques en cause, que les époux X... s'étaient abstenus de présenter à leur banque en vue de leur encaissement, étaient entre les mains des intéressés lors de la perquisition effectuée ce même jour à leur domicile ; que ni la circonstance qu'en vertu du jugement du 6 avril 1992 du tribunal de commerce de Poitiers susmentionné, la société émettrice des chèques litigieux, que les époux X... dirigeaient, a été réputée en cessation de paiement au 16 juin 1990, ni celle que les créances de salaires correspondant aux chèques émis à leurs noms et non encaissés ont fait l'objet, dès la clôture de l'exercice au cours duquel elles sont nées et avant même le commencement des opérations de contrôle fiscal, d'une déclaration de créance effectuée par les salariés entre les mains de l'administrateur nommé dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société débitrice, ne peuvent, en l'espèce, être regardées comme ayant fait obstacle au paiement des chèques en cause par la société tireuse, dès lors qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que d'autres chèques émis au nom des époux X... ont été honorés postérieurement à la date retenue par le juge judiciaire pour caractériser la cessation de paiement, d'autre part, que les contribuables se sont abstenus de fournir tout justificatif permettant d'apprécier la situation de trésorerie de leur entreprise à compter du mois d'avril 1991 ; que les époux X... ne sont, par suite, pas fondés à demander la décharge du supplément d'imposition auquel ils ont été assujettis à raison de la réintégration des sommes libellées sur les chèques litigieux dans leurs revenus imposables ;
Sur les revenus de capitaux mobiliers :
Considérant que l'administration fiscale est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de faire valoir, dans les limites des redressements régulièrement notifiés, tout moyen nouveau de nature à justifier l'imposition litigieuse, sous réserve que le contribuable ne soit pas de ce fait privé des garanties de procédure qu'il tient de la loi ; que le ministre est, dès lors, fondé, devant le Conseil d'Etat statuant comme juge d'appel à justifier, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, le supplément d'imposition mis à la charge de M. et Mme X... à raison du redressement de leurs revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, initialement fondé sur le a du même article ; qu'aux termes de l'article 111 dudit code : "Sont notamment considérés comme revenus distribués : ( ...) c. Les rémunérations et avantages occultes ( ...)" ;

Considérant que, s'ils admettent avoir bénéficié de l'avantage occulte constitué par l'emploi à leur domicile personnel d'une salariée de la société qu'ils dirigeaient, M. et Mme X... soutiennent que l'intéressée n'a consacré qu'un tiers de son temps de travail à leur service personnel ; que toutefois l'administration fiscale se prévaut des énonciations du rapport d'enquête de police établi dans le cadre de la procédure pénale diligentée contre les requérants, aux termes duquel la salariée dont s'agit consacrait tout son temps de travail au service personnel des contribuables et à leur domicile ; que, pour combattre ces énonciations, les requérants ont produit devant les premiers juges des attestations, établies par des employés de la société et des tiers pour les besoins du contentieux et dont le contenu ne permet pas, en tout état de cause, d'apprécier la proportion du temps de travail que la salariée en cause aurait effectivement consacrée au service de l'entreprise ; que, dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de ce que l'intégralité du salaire versé en 1991 par la compagnie Roland X... à sa "gouvernante salariée" constitue un revenu distribué par cette société au profit des contribuables ; que, par suite, ceux-ci ne sont fondés à demander ni la décharge totale, ni la réduction du supplément d'impôt sur le revenu mis à leur charge au titre de la réintégration de ce revenu distribué dans leur base d'imposition ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de M. et Mme X... devant la cour administrative d'appel de Bordeaux ne peut qu'être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. et Mme X... la somme que ceux-ci demandent au titre des frais qu'ils ont exposés devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 30 mai 2000 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La requête de M. et Mme X... devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et le surplus des conclusions de leur requête devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Roland X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 223407
Date de la décision : 30/12/2002
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

19-04-01-02-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LE REVENU - DETERMINATION DU REVENU IMPOSABLE


Références :

CGI 12, 83, 156, 111
CGI Livre des procédures fiscales L101
Code de justice administrative L821-2, L761-1
GENERALES - IMPOT SUR LE REVENU


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2002, n° 223407
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bereyziat
Rapporteur public ?: M. Collin

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:223407.20021230
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