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07/02/2003 | FRANCE | N°223882

France | France, Conseil d'État, 5eme et 7eme sous-sections reunies, 07 février 2003, 223882


Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août et 4 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le SECRETAIRE D'ETAT AU LOGEMENT qui demande l'annulation de l'arrêt en date du 6 juin 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a réformé le jugement en date du 6 juillet 1995 du tribunal administratif de Nice et a déclaré la commune du Rayol Canadel et l'Etat solidairement responsables des deux tiers des préjudices subis par la SNC Empain Graham à la suite de la création illégale de la zone d'aménagement c

oncerté de la Tessonnière ;

Vu les autres pièces du dossier ;

V...

Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août et 4 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le SECRETAIRE D'ETAT AU LOGEMENT qui demande l'annulation de l'arrêt en date du 6 juin 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a réformé le jugement en date du 6 juillet 1995 du tribunal administratif de Nice et a déclaré la commune du Rayol Canadel et l'Etat solidairement responsables des deux tiers des préjudices subis par la SNC Empain Graham à la suite de la création illégale de la zone d'aménagement concerté de la Tessonnière ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Logak, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Choucroy, avocat de la SNC Empain Graham et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la commune du Rayol Canadel,

- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 26 mai 1987 le conseil municipal de la commune du Rayol Canadel (Var) a approuvé le plan d'occupation des sols de la commune qui classait en zone NAb le secteur du Haut-Rayol puis a, par délibérations des 16 juin et 21 juillet 1988, créé la zone d'aménagement concerté de la Teissonnière et approuvé son plan d'aménagement ; que, par une décision du 14 janvier 1994, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a confirmé l'annulation partielle du plan d'occupation des sols prononcée par le tribunal administratif de Nice, le 14 mars 1991, en tant qu'il créait la zone NAb, au motif que celle-ci s'inscrivait dans un site remarquable dans lequel aucune construction ne pouvait être légalement autorisée en application des dispositions de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ; que le tribunal administratif de Nice a déclaré la commune du Rayol Canadel responsable des deux tiers du préjudice subi par la SNC Empain Graham, responsable de l'aménagement de la zone, et a écarté la responsabilité de l'Etat ; que, saisie par la commune du Rayol Canadel, la cour administrative d'appel de Lyon, réformant ce jugement, a déclaré la commune du Rayol Canadel et l'Etat solidairement responsables des deux tiers du préjudice subi par la SNC Empain Graham ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage (...) doit être justifiée et motivée, dans le plan d'occupation des sols, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma directeur ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. / En l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord du représentant de l'Etat dans le département. Cet accord est donné après que la commune a motivé sa demande et après avis de la commission départementale des sites appréciant l'impact de l'urbanisation sur la nature. (...) Le plan d'occupation des sols ou le plan d'aménagement de zone doit respecter les dispositions de cet accord ;

Considérant qu'en jugeant que, eu égard à la nature des compétences ainsi conférées au préfet par les dispositions précitées de la loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, afin de veiller au respect de ces dispositions par les opérations d'urbanisme, la responsabilité de l'Etat peut être engagée pour toute faute commise dans l'exercice de ces compétences, et pas seulement en cas de faute lourde, la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le préjudice subi par la SNC Empain Graham résulte des décisions illégales prises successivement par l'Etat et par la commune du Rayol Canadel dans le cadre de la procédure prévue au II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; qu'en jugeant que les auteurs de ces décisions fautives devaient être condamnés solidairement à en réparer les conséquences dommageables, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant que la cour administrative d'appel, en relevant l'imprudence fautive de la SNC Empain Graham, au motif qu'elle avait poursuivi l'aménagement et la commercialisation de la zone d'aménagement concerté, dans un secteur particulièrement sensible du littoral varois, sans s'assurer de la régularité du projet au regard notamment des règles introduites par la loi du 3 janvier 1986, a exactement qualifié les pièces du dossier ; qu'en fixant la part de responsabilité imputable à la SNC Empain Graham au tiers du préjudice, elle s'est livrée à une appréciation souveraine qui, exempte de dénaturation, n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;

Considérant qu'en jugeant que la responsabilité de l'aménagement de la zone d'aménagement concerté de la Teissonnière, antérieurement confiée à M. X, avait été transférée à la SNC Empain Graham par avenant passé entre celle-ci et la commune le 19 juin 1989, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier qui lui était soumis ;

Considérant qu'en jugeant que ni la circonstance que les terrains à aménager avaient été acquis par la SNC Empain Graham en indivision avec deux autres sociétés, ni l'allégation de la commune selon laquelle l'avenant du 19 juin 1989 serait entaché de nullité ne faisaient obstacle à ce que la SNC Empain Graham se prévale d'un préjudice propre résultant de l'illégalité des décisions créant la zone d'aménagement concerté et approuvant son plan d'aménagement, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SECRETAIRE D'ETAT AU LOGEMENT et, par la voie de pourvois incidents, la commune du Rayol Canadel et la SNC Empain Graham ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt en date du 6 juin 2000 de la cour administrative d'appel de Lyon ;

Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat et la SNC Empain Graham à payer à la commune du Rayol Canadel la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le recours du SECRETAIRE D'ETAT AU LOGEMENT et les pourvois incidents de la commune du Rayol Canadel et de la SNC Empain Graham sont rejetés.

Article 2 : Les conclusions de la commune du Rayol Canadel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, à la SNC Empain Graham et à la commune du Rayol Canadel.


Synthèse
Formation : 5eme et 7eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 223882
Date de la décision : 07/02/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITÉ - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITÉ - RESPONSABILITÉ POUR FAUTE - APPLICATION D'UN RÉGIME DE FAUTE SIMPLE - FAUTE COMMISE DANS L'EXERCICE DES COMPÉTENCES DÉVOLUES À L'ETAT PAR LE II DE L'ARTICLE L - 146-4 DU CODE DE L'URBANISME.

60-01-02-02-02 Eu égard à la nature des compétences conférées au préfet par les dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme issues de la loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, afin de veiller au respect de ces dispositions par les opérations d'urbanisme, la responsabilité de l'Etat peut être engagée pour toute faute commise dans l'exercice de ces compétences.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROBLÈMES D'IMPUTABILITÉ - PERSONNES RESPONSABLES - PRÉJUDICE RÉSULTANT DES DÉCISIONS ILLÉGALES PRISES SUCCESSIVEMENT PAR L'ETAT ET PAR LA COMMUNE DANS LE CADRE DE LA PROCÉDURE PRÉVUE AU II DE L'ARTICLE L - 146-4 DU CODE DE L'URBANISME - CONDAMNATION SOLIDAIRE DES AUTEURS DE CES DÉCISIONS.

60-03-02 Le préjudice subi par l'intéressé résultant des décisions illégales prises successivement par l'Etat et par la commune dans le cadre de la procédure prévue au II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, les auteurs de ces décisions fautives doivent être condamnés solidairement à en réparer les conséquences dommageables.

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - PROCÉDURES D'INTERVENTION FONCIÈRE - OPÉRATIONS D'AMÉNAGEMENT URBAIN - ZONES D'AMÉNAGEMENT CONCERTÉ (ZAC) - EXERCICE DES COMPÉTENCES DÉVOLUES À L'ETAT PAR LE II DE L'ARTICLE L - 146-4 DU CODE DE L'URBANISME - RESPONSABILITÉ - A) APPLICATION D'UN RÉGIME DE FAUTE SIMPLE - EXISTENCE - B) PRÉJUDICE RÉSULTANT DES DÉCISIONS ILLÉGALES PRISES SUCCESSIVEMENT PAR L'ETAT ET PAR LA COMMUNE DANS LE CADRE DE LA PROCÉDURE PRÉVUE AU II DE L'ARTICLE L - 146-4 DU CODE DE L'URBANISME - CONDAMNATION SOLIDAIRE DES AUTEURS DE CES DÉCISIONS.

68-02-02-01 a) Eu égard à la nature des compétences conférées au préfet par les dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme issues de la loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, afin de veiller au respect de ces dispositions par les opérations d'urbanisme, la responsabilité de l'Etat peut être engagée pour toute faute commise dans l'exercice de ces compétences.,,b) Le préjudice subi par l'intéressé résultant des décisions illégales prises successivement par l'Etat et par la commune dans le cadre de la procédure prévue au II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, les auteurs de ces décisions fautives doivent être condamnés solidairement à en réparer les conséquences dommageables.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 07 fév. 2003, n° 223882
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Philippe Logak
Rapporteur public ?: M. Olson
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY ; CHOUCROY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:223882.20030207
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