Vu la requête, enregistrée le 19 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Laurent X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à la modification des dispositions de l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre d'ajouter les juristes salariés des cabinets d'avocats à la liste des bénéficiaires des dispositions de l'article 98 du décret mentionné ci-dessus, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les notes en délibéré présentées par M. X ;
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
Vu le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Keller, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1971 : La formation professionnelle exigée pour l'exercice de la profession d'avocat comprend, sous réserve des dispositions réglementaires (...) concernant les personnes justifiant de certains titres ou ayant exercé certaines activités : 1° Un examen d'accès à un centre régional de formation professionnelle ; 2° Une formation théorique et pratique d'une année dans un centre, sanctionnée par le certificat d'aptitude à la profession d'avocat ;/ 3° Un stage de deux années, sanctionné par un certificat de fin de stage (...) ; qu'aux termes de l'article 53 de la même loi : Dans le respect de l'indépendance de l'avocat, de l'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, des décrets en Conseil d'Etat fixent les conditions d'application du présent titre - / Ils prévoient notamment : / 1° les conditions d'accès à la profession d'avocat (...) ; 11° Les modalités de dispense du diplôme et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (...) ; qu'aux termes de l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 : Sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat :/ 1° Les notaires, les huissiers de justice, les greffiers des tribunaux de commerce, les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises, les anciens syndics et administrateurs judiciaires, les conseils en propriété industrielle et les anciens conseils en brevet d'invention ayant exercé leurs fonctions pendant cinq ans au moins ;/ 2° Les maîtres de conférence, les maîtres assistants et les chargés de cours, s'ils sont titulaires du diplôme de docteur en droit, en sciences économiques ou en gestion, justifiant de cinq ans d'enseignement juridique en cette qualité dans les unités de formation et de recherche ;/ 3° Les juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises ;/ 4° Les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale ;/ 5° Les juristes attachés pendant huit ans au moins à l'activité juridique d'une organisation syndicale (...) ; que M. X défère au Conseil d'Etat la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de faire droit à sa demande tendant à ce que l'article 98 précité du décret du 27 novembre 1991 soit modifié en vue d'ouvrir aux juristes salariés des cabinets d'avocats le droit à la dispense prévue par cet article ;
Considérant que dans l'exercice du large pouvoir d'appréciation que lui a confié le législateur pour fixer les conditions dans lesquelles les personnes qui justifient de certains titres ou activités peuvent être dispensées de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, le pouvoir réglementaire a dressé, avec le double objectif de diversifier les modes d'accès à la profession d'avocat sans pour autant bouleverser les conditions générales de cet accès telles qu'elles sont précisées par l'article 12 précité de la loi du 31 décembre 1971, une liste de différentes catégories de personnes pouvant bénéficier d'une dispense, en définissant pour chacune d'elles des conditions spécifiques ; que si M. X invoque le principe d'égalité pour soutenir que les juristes salariés des cabinets d'avocats, qui ne figurent pas sur cette liste, auraient dû être traités comme les juristes d'entreprises et les juristes attachés à une organisation syndicale, qui peuvent bénéficier sous certaines conditions de la dispense, alors même que le décret exclut les salariés des autres professions juridiques énumérées au 1°, le pouvoir réglementaire, qui n'a pas, au regard du double objectif rappelé plus haut, commis d'erreur manifeste d'appréciation dans le choix des catégories de personnes pouvant bénéficier de la dispense, n'a pas non plus porté une atteinte illégale au principe d'égalité en décidant, pour établir la liste à partir de catégories très différentes, de rapprocher la situation des juristes salariés des cabinets d'avocats de celle des juristes salariés des autres professions juridiques et non de celle des juristes d'entreprises ou attachés à une organisation syndicale ; que le moyen tiré de la violation du principe d'égalité doit, par suite, être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice refusant de modifier le décret du 27 novembre 1991 sur le point contesté ; que ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Laurent X, au Premier ministre, au garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de l'outre-mer.