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26/11/2003 | FRANCE | N°243517

France | France, Conseil d'État, 10eme sous-section jugeant seule, 26 novembre 2003, 243517


Vu la requête, enregistrée le 27 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement en date du 18 décembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 19 septembre 2001 par lequel il a décidé la reconduite à la frontière de Mlle Nacéra X ;

2°) de rejeter la requête présentée par Mlle X devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du do

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés f...

Vu la requête, enregistrée le 27 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement en date du 18 décembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 19 septembre 2001 par lequel il a décidé la reconduite à la frontière de Mlle Nacéra X ;

2°) de rejeter la requête présentée par Mlle X devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 novembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Larrivé, Auditeur,

- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le PREFET DE POLICE demande l'annulation du jugement en date du 18 décembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 septembre 2001, par lequel il a décidé la reconduite à la frontière de Mlle X, de nationalité algérienne ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête :

Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2001 ordonnant sa reconduite à la frontière, Mlle X a excipé de l'illégalité de la décision du 30 mars 2000 du ministre de l'intérieur refusant de lui accorder l'asile territorial, en ce qu'elle courrait des risques graves en Algérie, en raison de sa profession d'infirmière, de sa situation de célibataire, de son ascendance kabyle et d'un état de santé précaire qui serait lié aux faits dont elle a été le témoin avant son arrivée en France et, notamment, à la circonstance qu'elle a assisté à l'assassinat de l'un des membres de sa famille ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en lui refusant le bénéfice de l'asile territorial, le ministre de l'intérieur ait commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, se fondant sur l'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur refusant d'accorder à Mlle X le bénéfice de l'asile territorial, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, prononcé l'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle X devant le tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes des dispositions du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X, de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire plus d'un mois après la notification de la décision du 3 mai 2000 du PREFET DE POLICE lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire après le rejet, le 30 mars 2000, par le ministre de l'intérieur de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile territorial ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut ordonner la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que si Mlle X soutient que le PREFET DE POLICE s'est cru en situation de compétence liée pour ordonner sa reconduite à la frontière dès lors que le ministre de l'intérieur avait rejeté sa demande d'admission à l'asile territorial, il ressort des pièces du dossier que le PREFET DE POLICE a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de Mlle X avant d'ordonner sa reconduite à la frontière ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en s'estimant en situation de compétence liée pour prendre l'arrêté attaqué, doit être écarté ;

Considérant que le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision qui, par elle-même, n'implique pas le retour de l'intéressé dans son pays d'origine ;

Considérant qu'aux termes des dispositions du 8° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ne peut faire l'objet d'une reconduite à la frontière l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que si Mlle X soutient que son état de santé est précaire, il ne ressort pas des pièces du dossier que celui-ci nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, par suite, sa situation ne relève pas du champ d'application des dispositions précitées du 8° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations relatives aux risques que comporterait pour elle son retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2001 ordonnant sa reconduite à la frontière, ensemble la décision fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions de Mlle X tendant à ce qu'il soit ordonné au PREFET DE POLICE de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte :

Considérant que la présente décision qui rejette la demande de Mlle X n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions de Mlle X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mlle X la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Le recours de Mlle X devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions à fins d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées devant le Conseil d'Etat, sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mlle Nacéra X, au PREFET DE POLICE et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 10eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 243517
Date de la décision : 26/11/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 nov. 2003, n° 243517
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Guillaume Larrivé
Rapporteur public ?: Mme Mitjavile

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:243517.20031126
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