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08/12/2003 | FRANCE | N°257669

France | France, Conseil d'État, Président de la section du contentieux, 08 décembre 2003, 257669


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 juin 2003, présentée par M. Miloud A, demeurant ... ; M. A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 16 avril 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 12 avril 2003 du préfet de l'Hérault ordonnant sa reconduite à la frontière, de la décision distincte fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit, et de la décision

prononçant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler pour...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 juin 2003, présentée par M. Miloud A, demeurant ... ; M. A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 16 avril 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 12 avril 2003 du préfet de l'Hérault ordonnant sa reconduite à la frontière, de la décision distincte fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit, et de la décision prononçant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et ces décisions ;

3°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (....) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (....) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 26 août 2002, de la décision du 22 août 2002 du préfet de l'Hérault lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sur la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué :

Considérant que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;

Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué :

Sur l'exception d'illégalité des décisions en date du 5 août 2002 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé le bénéfice de l'asile territorial à M. A et du 22 août 2002 par laquelle le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour :

Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. A excipe de l'illégalité de la décision en date du 5 août 2002 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé le bénéfice de l'asile territorial et de la décision du 22 août 2002 par laquelle le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que ces décisions ont été présentées le 26 août 2002 à l'adresse que M. A avait indiquée pour recevoir sa correspondance ; que cet envoi a été retourné à l'administration avec la mention non réclamé retour à l'envoyeur ; que les décisions contestées doivent, dans ces conditions, être regardées comme ayant été régulièrement notifiées à l'intéressé le 26 août 2002 ; que la circonstance que M. A ait formé un recours gracieux le 11 décembre 2002, soit après l'expiration du délai contentieux, n'a pas conservé le délai contentieux ; qu'il suit de là qu'à la date à laquelle M. A a excipé de l'illégalité desdites décisions devant le tribunal administratif de Montpellier, soit le 14 avril 2003, ces décisions étaient devenues définitives ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté les moyens tirés de l'illégalité des décisions de refus d'asile territorial et de refus de séjour comme étant irrecevables ;

Considérant que si, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. A soutient qu'il dispose d'une véritable vie privée en France où il concentre l'ensemble de ses attaches affectives et sociales, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, âgé de 33 ans à la date de l'arrêté attaqué, est célibataire et sans charge de famille ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant que, dans les termes où il est rédigé, l'arrêté du 12 avril 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. A doit être regardé comme comportant une décision distincte par laquelle le préfet de police a décidé que l'intéressé serait éloigné à destination de l'Algérie ;

Considérant que la décision distincte fixant le pays à destination duquel M. A doit être reconduit énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, et notamment des articles 22 et 22 bis qui ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ledit recours, et fixent les délais dans lesquels ces recours doivent être présentés et jugés, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des arrêtés de reconduite à la frontière ; que, par suite, l'obligation faite à l'administration, avant de prendre une décision qui doit être motivée en application de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations, obligation résultant de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, ne s'applique pas préalablement à la désignation du pays de renvoi dès lors que celle-ci a lieu, comme en l'espèce, à une date permettant à l'intéressé de la contester dans le cadre du recours suspensif exercé à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière ainsi que la possibilité en est ouverte par l'article 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Considérant que si M. A soutient qu'il court des risques personnels en cas de retour en Algérie et qu'il a fait l'objet, dans ce pays, de chantages, et qu'un attentat aurait causé la mort de son frère, il n'apporte pas d'élément de nature à établir la réalité des risques que comporterait pour lui son retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait contraire aux dispositions précitées doit être écarté ;

Considérant que, pour les raisons exposées ci-dessus, la décision distincte fixant le pays de renvoi n'est, en tout état de cause, pas contraire aux stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision prononçant le placement en rétention administrative de M. A :

Considérant qu'aux termes de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Peut être maintenu, s'il y a nécessité, par décision écrite motivée du représentant de l'Etat dans le département, dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pendant le temps strictement nécessaire à son départ, l'étranger qui : (...) 3° Soit, devant être reconduit à la frontière, ne peut quitter immédiatement le territoire français (...) ;

Considérant que la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a prononcé le maintien de M. A dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A, récemment entré en France, et qui faisait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière en date du 12 avril 2003, présentait des garanties de représentation suffisantes à la date de l'arrêté contesté ; que, par suite, le préfet de l'Hérault a pu, sans méconnaître les dispositions précitées, décider le placement de M. A dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. A la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Miloud A, au préfet de l'Hérault et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : Président de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 257669
Date de la décision : 08/12/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 déc. 2003, n° 257669
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Ducarouge
Rapporteur ?: M. Valéry Muller

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:257669.20031208
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