La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2003 | FRANCE | N°262471

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 17 décembre 2003, 262471


Vu la requête, enregistrée le 8 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'E.U.R.L. ECOSPHERE, dont le siège est ... et la S.A.R.L GÉNÉRAL SERVICES X..., dont le siège est ..., représentées par leur gérant en exercice M. Norbert Y... ; elles demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, dans le dernier état de leurs conclusions :

1°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture de ne pas appliquer, à titre provisoire, la note de service du 1er août 2003 en ce qu'ell

e réserve aux seuls fabricants et réparateurs d'emballages en bois le dro...

Vu la requête, enregistrée le 8 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'E.U.R.L. ECOSPHERE, dont le siège est ... et la S.A.R.L GÉNÉRAL SERVICES X..., dont le siège est ..., représentées par leur gérant en exercice M. Norbert Y... ; elles demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, dans le dernier état de leurs conclusions :

1°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture de ne pas appliquer, à titre provisoire, la note de service du 1er août 2003 en ce qu'elle réserve aux seuls fabricants et réparateurs d'emballages en bois le droit de marquer les emballages pour attester de leur traitement par fumigation ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elles soutiennent qu'une part importante de leur activité consiste à traiter par fumigation des emballages en bois mais qu'elles ne fabriquent ni ne réparent ces emballages ; que le traitement n'a d'utilité pour celui qui y fait procéder que s'il est attesté par un marquage ; que la note contestée, qui les placent donc dans l'impossibilité de poursuivre leur activité de traitement, porte une atteinte grave à leur liberté d'entreprendre ; que cette atteinte est manifestement illégale dès lors que le ministre était incompétent pour prendre une telle mesure ; qu'en tout état de cause, la mise en ouvre de la directive NIMP15 de la commission de la convention internationale pour la protection des végétaux n'impliquait pas nécessairement l'exclusion des sociétés non fabricantes de l'activité de marquage ; qu'eu égard à la date de cessation d'activité des sociétés requérantes, prévue au 1er janvier 2004, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ;

Vu la note de service contestée ;

Vu, enregistré le 11 décembre 2003, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ; il conclut au rejet de la requête en soutenant que l'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative n'est pas justifié ; que la note de service du 1er août 2003, qui, signée par une autorité incompétente, institue un mode de certification pour attester de la conformité à la norme NIMP 15 des emballages destinés à l'exportation vers les pays ayant choisi d'imposer cette norme, n'est pas manifestement illégale ; que seul le Canada ayant fait ce choix, la liberté d'entreprendre des sociétés requérantes n'est pas atteinte et a fortiori de manière grave, cela d'autant plus que l'activité de fumigation elle-même n'est pas affectée par la note de service ;

Vu, enregistré le 12 décembre 2003, le mémoire en réplique présenté pour l'E.U.R.L. ECOSPHERE et la S.A.R.L. GENERAL SERVICES X..., qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu, enregistré le 16 décembre 2003, le nouveau mémoire présenté pour l'E.U.R.L. ECOSPHERE et la S.A.R.L. GENERAL SERVICES X... en réponse à la production du décret du 22 décembre 1961 prescrivant la publication de la convention internationale pour la protection des végétaux ; elles soutiennent qu'il n'est pas établi que les stipulations, relatives aux normes, introduites lors de modifications de la convention, étaient en vigueur en France et opposables aux administrés le 1er avril 2003 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale pour la protection des végétaux, signée par la France le 6 décembre 1951 et publiée par le décret n° 61-1533 du 22 décembre 1961 ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, les sociétés requérantes et, d'autre part, le ministre de l'agriculture, de la pêche et des affaires rurales ;

Vu le procès verbal de l'audience publique du lundi 15 décembre 2003 à 10 h 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Z..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des entreprises requérantes ;

- le représentant des sociétés requérantes ;

- les représentants du ministre de l'agriculture, de la pêche et des affaires rurales ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ;

Considérant que si la liberté d'entreprendre, qui s'entend comme celle d'exercer une activité économique dans le respect de la législation et de la réglementation en vigueur et conformément aux prescriptions qui lui sont légalement imposées, constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, il appartient d'abord au juge des référés saisi sur le fondement de ces dernières, pour apprécier si une atteinte est portée à cette liberté, de tenir compte, eu égard aux caractéristiques de l'activité économique en cause, de l'ensemble des prescriptions qui peuvent, dans l'intérêt général, en encadrer l'exercice ; qu'il lui revient ensuite de rechercher si cette atteinte est d'une gravité suffisante pour justifier, indépendamment des autres conditions exigées par l'article L. 521-2 précité, qu'une mesure de sauvegarde soit ordonnée ; que dans le cas où l'atteinte invoquée trouve son origine dans la mise en ouvre d'une nouvelle réglementation technique, la condition de gravité ne pourra être remplie que si cette réglementation fait obstacle, en droit ou en fait, à la poursuite par l'agent économique de l'activité en cause ou a un effet équivalent ;

Considérant qu'en raison des risques d'introduction et de dissémination d'organismes nuisibles, les matériaux d'emballage en bois brut, tels que les caisses, conteneurs ou palettes, sont soumis, en vertu des articles L. 251-12 et suivants du code rural, à un contrôle sanitaire, notamment lorsqu'ils sont destinés à l'exportation ; que ce contrôle a pour objet, dans ce dernier cas, de vérifier que ces emballages sont conformes à la réglementation phytosanitaire des pays importateurs et donne lieu à la délivrance par l'administration d'un certificat phytosanitaire ;

Considérant qu'à la suite de l'adoption, dans le cadre de la convention internationale de la protection des végétaux à laquelle la France est partie, d'une norme internationale relative à la réglementation des matériaux d'emballage à base de bois, dite norme NIMP N°15, qui exige d'une part que les emballages en bois soient traités, d'autre part qu'ils fassent l'objet d'un marquage attestant de ce traitement, le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales a adressé à ses services le 1er août 2003 une note de service instituant un programme de conformité phytosanitaire des emballages en bois destinés à l'exportation et précisant notamment les modalités selon lesquelles le respect par les professionnels qui souhaitent exporter vers des pays tiers imposant la conformité des emballages en bois à la norme NIMP N° 15 pourra être attestée ; que si cette note laisse aux fabricants la liberté de recourir, pour le traitement des emballages, à une entreprise de leur choix, dès lors que celle-ci dispose de l'agrément exigé compte tenu de la nature des produits utilisés, elle réserve aux fabricants et aux réparateurs la possibilité d'apposer sur l'emballage le marquage attestant que le traitement a été effectué ; que les entreprises ECOSPHERE et GENERAL SERVICES X..., qui exercent une activité de traitement par fumigation des emballages, à l'exclusion de toute activité de fabrication ou de réparation, dans l'enceinte portuaire de Marseille avant l'embarquement, font valoir que l'impossibilité dans laquelle elles se trouveront d'apposer elles-mêmes le marquage privera d'intérêt le recours à leur prestation de traitement de la part de leurs clients exportateurs ou transitaires et leur interdira donc, de fait, de poursuivre une activité qui représente respectivement 69 % et 80 % de leur chiffre d'affaires ; qu'elles demandent au juge des référés d'ordonner au ministre, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de ne pas mettre en application, à titre provisoire, cette note de service dont l'entrée en vigueur est normalement prévue pour le 1er janvier 2004 ;

Considérant qu'il ressort cependant des termes mêmes de la note de service contestée que, comme le mentionne d'ailleurs l'avis aux exportateurs publié au Journal officiel le 23 août 2003, ce nouveau procédé de marquage, attestant de la conformité à la norme NIMP N° 15, ne sera exigé que pour l'exportation vers des Etats contractants à la Convention internationale de protection des végétaux qui ont choisi d'imposer cette norme ; que, comme l'a indiqué le ministre dans son mémoire en défense et l'ont confirmé les explications recueillies au cours de l'audience publique, seul le Canada a fait un tel choix, avec effet au 1er janvier 2004, les Etats-Unis et le Mexique ayant manifesté une intention de le faire sans évoquer une date précise ; que, dans ces conditions, l'application de la note de service au 1er janvier 2004 n'est pas susceptible de faire obstacle à la poursuite de l'activité économique des deux sociétés requérantes et donc de créer une atteinte grave à leur liberté d'entreprendre ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de rechercher si le ministre de l'agriculture avait compétence pour substituer dans certains cas à la délivrance d'un certificat phytosanitaire par l'administration, qui est le seul mode de certification prévu par le code rural, un nouveau mode de certification par marquage réservé à certaines catégories d'entreprises, l'une des conditions exigées par l'article L. 521-2 précité pour ordonner la mesure de sauvegarde demandée ne peut être regardée comme satisfaite ; qu'il y a lieu en conséquence de rejeter les conclusions aux fins d'injonction présentées par les sociétés requérantes ainsi que leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de l'E.U.R.L. ECOSPHERE et de la S.A.R.L GÉNÉRAL SERVICES X... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'E.U.R.L. ECOSPHERE, à la S.A.R.L GÉNÉRAL SERVICES X... et au ministre de l'agriculture, de la pêche et des affaires rurales.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 262471
Date de la décision : 17/12/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-035-03-03-01-02 PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ TENDANT AU PRONONCÉ DE MESURES NÉCESSAIRES À LA SAUVEGARDE D'UNE LIBERTÉ FONDAMENTALE (ARTICLE L 521-2 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - CONDITIONS D'OCTROI DE LA MESURE DEMANDÉE - ATTEINTE GRAVE ET MANIFESTEMENT ILLÉGALE À UNE LIBERTÉ FONDAMENTALE - ATTEINTE GRAVE ET MANIFESTEMENT ILLÉGALE - NOUVELLE RÉGLEMENTATION TECHNIQUE - LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE - ATTEINTE GRAVE - EXISTENCE - OBSTACLE À LA POURSUITE DE L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE.

54-035-03-03-01-02 Lorsque l'atteinte à la liberté d'entreprendre trouve son origine dans la mise en oeuvre d'une nouvelle réglementation technique, la condition de gravité n'est remplie que si cette réglementation fait obstacle, en droit ou en fait, à la poursuite par l'agent économique de l'activité en cause ou a un effet équivalent.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 17 déc. 2003, n° 262471
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: M. Bruno Lasserre
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:262471.20031217
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award