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28/04/2004 | FRANCE | N°256832

France | France, Conseil d'État, 3eme sous-section jugeant seule, 28 avril 2004, 256832


Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU NORD ; le PREFET DU NORD demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 28 mars 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 26 mars 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. M'Hamed X ;

2°) de rejeter la demande de M. M'Hamed X devant le tribunal administratif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits

de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord relatif à la réadmission des pers...

Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU NORD ; le PREFET DU NORD demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 28 mars 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 26 mars 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. M'Hamed X ;

2°) de rejeter la demande de M. M'Hamed X devant le tribunal administratif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière signé à Bruxelles le 29 mars 1991 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Burguburu, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (... ) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité marocaine, ne disposait pas d'un titre de séjour et n'a pas été en mesure de présenter les documents justifiant de son entrée régulière en France ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si l'arrêté de reconduite à la frontière contesté en date du 26 mars 2003 a été pris à l'encontre de M. X après que les services préfectoraux ont été informés de son projet de mariage avec une ressortissante française, ce mariage, qui ne devait en tout état de cause pas avoir lieu avant plusieurs mois, avait à cette date, fait l'objet d'une opposition du procureur de la République fondée sur ce qu'il avait été arrangé par les deux familles à partir du Maroc à fin de permettre à M. X d'obtenir un titre de séjour, et était ainsi entaché d'un vice du consentement ; que, dans ces circonstances, cet arrêté n'a pas le caractère d'une décision prise avec précipitation dans le but déterminant de faire obstacle au mariage de l'intéressé ; qu'il n'est dès lors pas entaché de détournement de pouvoir ; que, par suite, le PREFET DU NORD est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille a annulé pour ce motif son arrêté du 26 mars 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif de Lille ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. X énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

Considérant que si M. X fait valoir qu'il a noué une relation avec une ressortissante française et a formé avec elle un projet de mariage, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment du fait que l'ensemble de la famille de l'intéressé réside au Maroc ainsi que du caractère très récent de la relation dont M. X se prévaut, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale et privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ; que cet arrêté n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. X ;

Considérant que si M. X fait valoir que le PREFET DU NORD a commis une erreur de fait en relevant dans l'arrêté attaqué qu'il n'avait jamais effectué de démarches en vue de régulariser sa situation, contrairement à ce que mentionne une attestation des autorités néerlandaises, cette erreur, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit ; que l'arrêté attaqué n'a eu ni pour objet ni pour effet de priver M. X de son droit à se marier et à fonder une famille ; que, par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière est contraire aux dispositions précitées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU NORD est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 26 mars 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le Maroc comme pays de destination :

Considérant que si l'article 2 de l'accord signé à Bruxelles le 29 mars 1991 permet à la France d'obtenir la réadmission d'une personne en situation irrégulière sur le territoire du pays signataire par la frontière extérieure duquel est entrée cette personne, cet article n'interdit toutefois pas à la France de fixer le pays d'origine d'un étranger en situation irrégulière comme pays de destination d'une mesure d'éloignement prise à l'encontre de cet étranger ; que, dès lors, le PREFET DU NORD pouvait fixer le Maroc comme pays à destination duquel M. X doit être reconduit ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille en date du 28 mars 2003 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU NORD, à M. M'Hamed X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 3eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 256832
Date de la décision : 28/04/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 avr. 2004, n° 256832
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: Mme Danièle Burguburu
Rapporteur public ?: M. Glaser

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:256832.20040428
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