Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Menana ZY YX, représentée par son fils M. Mimoun Y, demeurant ... ; Mme ZY YX demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 12 septembre 2002 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Fès du 17 mai 2002 refusant de lui délivrer un visa d'entrée en France ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 signée le 19 juin 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Artaud-Macari, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre des affaires étrangères :
Considérant qu'il résulte des termes de l'article 1er du décret du 10 novembre 2000 que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant un recours formé contre un refus de visa se substitue au refus pris par les autorités diplomatiques ou consulaires ; que, par suite, la circonstance que l'auteur du recours devant cette commission n'aurait pas justifié de sa qualité à agir, si elle peut fonder le rejet du recours par ladite commission, est sans influence sur la recevabilité de la requête formée devant le Conseil d'Etat contre la décision de la commission rejetant le recours formé devant elle ; que, par suite, le ministre des affaires étrangères n'est pas fondé à soutenir que M. Y n'ayant pas justifié du mandat l'habilitant à agir au nom de sa mère devant la commission, la requête de Mme ZY YX devant le Conseil d'Etat serait irrecevable ;
Considérant que M. Y a produit devant le Conseil d'Etat un mandat régulier par lequel Mme ZY YX lui donne le pouvoir d'ester en justice en son nom ; qu'ainsi, le ministre des affaires étrangères n'est pas fondé à soutenir que M. Y n'aurait pas qualité pour agir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées à la requête par le ministre des affaires étrangères doivent être écartées ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du refus de visa :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 5 et 15 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990, les visas pour un séjour d'une durée d'au plus trois mois ne peuvent, en principe, être délivrés que si l'étranger dispose des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays de provenance ou le transit vers un Etat tiers dans lequel son admission est garantie ou s'il est en mesure d'acquérir légalement ces moyens ;
Considérant que, pour refuser à Mme ZY YX un visa de court séjour en France pour rendre visite à son fils, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'insuffisance de justification des ressources de M. Y pour assurer l'entretien de sa mère et sur le risque de détournement de l'objet du visa ; qu'il ressort des pièces du dossier que, si Mme ZY YX ne dispose ni d'un salaire ni d'une retraite, elle dispose d'un compte en banque créditeur d'une somme correspondant à 2 385 euros ; que son fils et sa belle-fille disposaient au moment du refus de visa d'un revenu annuel de 17 077 euros, dont un livret d'épargne faisant apparaître un solde de 7 268 euros ; que le cousin de M. Y, propriétaire d'une exploitation agricole, s'est engagé à prendre en charge les frais de voyage et de séjour de Mme ZY YX ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme ZY YX ne peut être regardée comme ne disposant pas de ressources suffisantes pour lui permettre d'assurer ses frais de voyage, d'entretien et d'hébergement pendant trois mois ; qu'ainsi, en se fondant sur l'insuffisance de ressources de l'intéressée, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des stipulations précitées de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme ZY YX, âgée de 65 ans et veuve depuis seize ans, a effectué régulièrement deux séjours en France ; qu'un de ses fils vit au Maroc, où se trouve le centre de sa vie privée et familiale ; que, par suite, en se fondant sur ce que la demande de visa dissimulait un projet d'installation durable en France, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme ZY YX est fondée à demander l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 12 septembre 2002 ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en date du 12 septembre 2002 statuant sur le recours de Mme ZY YX est annulée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Menana ZY YX et au ministre des affaires étrangères.