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19/05/2004 | FRANCE | N°250592

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 19 mai 2004, 250592


Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU RHONE ; le PREFET DU RHONE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 31 août 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 29 août 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Mohamed A, ainsi que de la décision du même jour désignant l'Algérie comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de

Lyon ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegar...

Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU RHONE ; le PREFET DU RHONE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 31 août 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 29 août 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Mohamed A, ainsi que de la décision du même jour désignant l'Algérie comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Lyon ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les parties peuvent présenter en appel, à l'appui de prétentions déjà formulées par elles en première instance, des justifications qui n'ont pas été fournies aux premiers juges ; que, par suite, la circonstance que l'arrêté de délégation de signature sur le fondement duquel a été pris l'arrêté attaqué n'a pas été produit devant le juge de première instance, n'est pas de nature à entacher la procédure d'irrégularité ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par arrêté n° 2002-1713 du 22 avril 2002, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône, M. Michel Besse, PREFET DU RHONE, a donné à MM. Gilbert Payet, secrétaire général, et Christian Léonardi, sous-préfet chargé de mission auprès du préfet, ainsi que, en cas d'empêchement de ces derniers, à M. Didier Leschi, sous-préfet chargé de mission pour la politique de la ville, délégation pour signer, tous actes, arrêtés, décisions et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département du Rhône, sous réserve des exceptions qu'il prévoit, au nombre desquelles ne figurent pas les actes relatifs à la reconduite à la frontière des étrangers ; qu'ainsi, M. Leschi pouvait légalement signer l'arrêté du 29 août 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. A, ressortissant de la République algérienne ; que, par suite, c'est à tort que pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur ce que cet arrêté avait été pris par une autorité qui ne disposait pas d'une délégation de signature à cet effet ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A ;

Sur l'exception tirée de l'illégalité du refus d'asile territorial :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952, relative au droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. / Les décisions du ministre n'ont pas à être motivées. (...) ;

Considérant qu'en application de ces dispositions, le ministre de l'intérieur n'avait pas à motiver sa décision de refus d'asile territorial ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 24 août 2001 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé d'octroyer à M. A l'asile territorial ne saurait être accueilli ;

Considérant que si M. A fait valoir qu'à l'époque où il exerçait la profession de marin en Algérie, il a été menacé puis violemment battu après avoir refusé de transporter clandestinement quatre individus en France, il n'établit pas qu'il courrait, à titre personnel, des risques pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine ; que la décision du 24 août 2001 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui octroyer l'asile territorial n'a dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'exception tirée de l'illégalité du refus de titre de séjour :

Considérant que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ; qu'aux termes des dispositions de l'article 9 dudit accord, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : Pour être admis à entrer et à séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis alinéa 4 (lettres a à d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ; que, dès lors, en se fondant sur les stipulations précitées pour refuser d'accorder à M. A le titre de séjour sollicité, le PREFET DU RHONE n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant que si M. A fait valoir qu'il vivait en France depuis deux ans à la date de la décision attaquée, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire, sans enfant, et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et ses frères et soeurs ; qu'ainsi, la décision du 11 septembre 2001 par laquelle le PREFET DU RHONE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux indiqués ci-dessus, le PREFET DU RHONE n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant à M. A le titre de séjour qu'il demandait ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DU RHONE ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur les autres moyens :

Considérant que si M. A fait valoir qu'il n'y avait pas urgence à le reconduire à la frontière, un tel moyen est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, l'arrêté attaqué n'a méconnu ni les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 29 août 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. A et fixant l'Algérie comme pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. A la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 31 août 2002 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Lyon ainsi que les conclusions qu'il a présentées devant le Conseil d'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU RHONE, à M. Mohamed A et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 250592
Date de la décision : 19/05/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 mai. 2004, n° 250592
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Catherine Chadelat
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:250592.20040519
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