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11/06/2004 | FRANCE | N°259960

France | France, Conseil d'État, 7eme sous-section jugeant seule, 11 juin 2004, 259960


Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 3 juillet 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 mai 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme X... A épouse B ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention europ

éenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n...

Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 3 juillet 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 mai 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme X... A épouse B ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lenica, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B est entrée régulièrement en France le 15 septembre 1998 ; qu'elle s'est mariée le 17 octobre 1998 avec un ressortissant yougoslave titulaire d'une carte de séjour temporaire ; que, depuis plusieurs années, elle suit, conjointement avec son mari, un traitement médical contre la stérilité, dans un hôpital parisien ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, et alors même que l'intéressée peut bénéficier du regroupement familial, le préfet de police, en décidant la reconduite à la frontière de l'intéressée, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris cette décision ; que, par suite, il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 mai 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme B ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme B :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ; que le III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée dispose que : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues à l'article 35 bis et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant que la présente décision prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme B et non pas d'une décision refusant de délivrer à celle-ci une carte de séjour temporaire ; qu'ainsi, elle n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressée doit être examinée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au PREFET DE POLICE de se prononcer sur la situation de Mme B dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette prescription d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au PREFET DE POLICE de statuer sur la situation de Mme B dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme X... A et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 7eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 259960
Date de la décision : 11/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2004, n° 259960
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. Frédéric Lenica
Rapporteur public ?: M. Le Chatelier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:259960.20040611
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