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05/07/2004 | FRANCE | N°243484

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 05 juillet 2004, 243484


Vu la requête, enregistrée le 22 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT (FNE), dont le siège est ... Chevreul-Muséum national d'histoire naturelle, à Paris (75231), représentée par M. Boyer et par l'association EAU ET RIVIERES DE BRETAGNE (ERB), dont le siège est ..., représentée par M. Boyer ; l'association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT et l'association EAU ET RIVIERES DE BRETAGNE demandent que le Conseil d'Etat :

1°) annule pour excès de pouvoir le décret n° 2001-1220 du 20 décembre 2001 re

latif aux eaux destinées à la consommation humaine, à l'exclusion des ea...

Vu la requête, enregistrée le 22 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT (FNE), dont le siège est ... Chevreul-Muséum national d'histoire naturelle, à Paris (75231), représentée par M. Boyer et par l'association EAU ET RIVIERES DE BRETAGNE (ERB), dont le siège est ..., représentée par M. Boyer ; l'association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT et l'association EAU ET RIVIERES DE BRETAGNE demandent que le Conseil d'Etat :

1°) annule pour excès de pouvoir le décret n° 2001-1220 du 20 décembre 2001 relatif aux eaux destinées à la consommation humaine, à l'exclusion des eaux minérales naturelles ;

2°) enjoigne au Premier ministre d'édicter, dans le délai de 6 mois, sous astreinte de 2000 euros par jour de retard, les dispositions réglementaires nécessaires à la transposition des directives communautaires intéressées et au principe d'action préventive ;

3°) mette à la charge de l'Etat, et pour chacune d'entre elles, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 75/440/CE, du Conseil, du 16 juin 1975 ;

Vu la directive 98/83/CE, du Conseil, du 3 novembre 1998 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Maud Vialettes, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Francis Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, que selon l'article 9 de la directive 98/83/CE, du Conseil, du 3 novembre 1998, des dérogations aux valeurs limites de la qualité de l'eau destinée à la consommation humaine peuvent, dans certaines conditions, et notamment, dans certains cas, sous réserve de l'information ou de l'approbation préalables de la Commission européenne, être autorisées ; que l'article 24 du décret attaqué, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises aux articles R. 1321-31 à R. 1321-36 du code de la santé publique, prévoit le cadre général de ces dérogations et renvoie à un arrêté le soin de préciser leurs modalités d'application au nombre desquelles figurent les conditions dans lesquelles la directive prévoit l'intervention de la Commission européenne dans la mise en oeuvre de ces procédures de dérogation ; que, dès lors, compte tenu notamment de ce renvoi, le pouvoir réglementaire pouvant, pour satisfaire à l'obligation qui lui incombait d'édicter des dispositions soit identiques soit d'effet équivalent à celles posées par cette directive, se borner à définir avec une précision suffisante, dans le décret attaqué, les principes qu'il entendait retenir pour atteindre le résultat exigé et renvoyer à des arrêtés ministériels les modalités d'application de ces principes, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que cet article aurait méconnu les objectifs de l'article 9 de la directive pour ne pas avoir prévu lui-même l'intervention de la Commission européenne dans la procédure de dérogation, ni le contenu du dossier que l'Etat membre lui adresse dans cette hypothèse ;

Considérant, en deuxième lieu, que selon l'article 15 de la même directive, des dérogations au délai de mise en conformité avec elle peuvent être accordées, sous réserve, dans certains cas, de l'approbation préalable de la Commission européenne ; que l'article 51 du décret attaqué prévoit la possibilité de ces dérogations, tout en se référant à l'article 24 pour leurs modalités, lequel renvoie, ainsi qu'il vient d'être dit, à un arrêté ministériel ; que, dès lors, compte tenu notamment de ce renvoi et eu égard à ce qui a été indiqué plus haut, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que cet article serait illégal au regard des objectifs de l'article 15 de la directive pour ne pas avoir prévu lui-même l'intervention de la Commission européenne dans la procédure de seconde dérogation ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 3. de l'article 4 de la directive 75/440/CE, du Conseil, du 16 juin 1975, concernant la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire dans les Etats membres : les eaux superficielles qui ont des caractéristiques physiques, chimiques et microbiologiques inférieures aux valeurs limites impératives correspondant au traitement type A3 ne peuvent être utilisées pour la production d'eau alimentaire. Toutefois, une eau d'une telle qualité inférieure peut être exceptionnellement utilisée s'il est employé un traitement approprié - y compris le mélange - permettant de ramener toutes les caractéristiques de qualité de l'eau à un niveau conforme aux normes de qualité de l'eau alimentaire. Les justifications d'une telle exception, fondée sur un plan de gestion des ressources en eau à l'intérieur de la zone intéressée, doivent être notifiées dans les délais les plus brefs à la Commission en ce qui concerne les installations existantes et au préalable en cas de nouvelles installations (...) ; que selon l'article 28 du décret attaqué, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article R. 1321-42 du code de la santé publique, l'utilisation pour la production d'eau alimentaire d'eaux superficielles dont les caractéristiques ne satisfont pas aux valeurs limites peut être exceptionnellement autorisée par le préfet, en application des articles 5 et 7 du décret, et sur le fondement d'un plan de gestion des ressources en eau à l'intérieur de la zone intéressée ; qu'il en résulte que, contrairement à ce qu'indiquent les requérantes, le décret attaqué, dont l'article 28 renvoie notamment à l'article 5 du même décret pour la procédure d'autorisation, lequel renvoie lui-même à un arrêté pour le contenu du dossier de demande d'autorisation, prévoit les conditions dans lesquelles l'emploi d'une telle eau peut être admis, au regard des objectifs fixés par l'article 4 de la directive du 16 juin 1975 ;

Considérant, en quatrième lieu, que le 3° de l'annexe I du décret attaqué, relatif aux limites de qualité des eaux douces superficielles utilisées ou destinées à être utilisées pour la production d'eau destinée à la consommation humaine, fixe des valeurs limites notamment pour les pesticides et précise, par une note de bas de page, que ces valeurs ne concernent que les eaux superficielles utilisées directement, sans dilution préalable ; que si cette note mentionne également qu' en cas de dilution, il peut être fait appel à des eaux de qualités différentes, le taux de dilution devant être calculé au cas par cas , cela ne saurait avoir pour signification, compte tenu des termes mêmes des articles 26 et 28 du décret attaqué, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises aux articles R. 1321-38, R. 1321-39 et R. 1321-42 du code de la santé publique, qu'afin de vérifier la conformité des eaux superficielles aux limites de qualité, les échantillons d'eaux soient prélevés après traitement ou après mélange ;

Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en distinguant les eaux superficielles des autres eaux, dont les eaux souterraines, tant à son annexe III pour fixer la valeur limite en nitrates, qu'à l'annexe II pour déterminer les fréquences d'échantillonnage, et en ne prévoyant, à son article 28, des plans de gestion que dans le cas d'une dégradation de la qualité des eaux brutes superficielles, et non dans celui d'une dégradation de la qualité des eaux souterraines, le décret soit entaché d'erreur manifeste d'appréciation ou méconnaisse, en tout état de cause, l'article L. 110-1 du code de l'environnement ou les principes mentionnés à l'article L. 210-1 du même code ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT et l'association EAU ET RIVIERES DE BRETAGNE ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret attaqué ; que par suite, leurs conclusions à fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser aux requérantes la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT et de l'association EAU ET RIVIERES DE BRETAGNE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT, à l'association EAU ET RIVIERES DE BRETAGNE, au Premier ministre, au ministre de la santé et de la protection sociale, au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales et au ministre de l'écologie et du développement durable.


Synthèse
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 243484
Date de la décision : 05/07/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2004, n° 243484
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: Mlle Maud Vialettes
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:243484.20040705
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