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15/12/2004 | FRANCE | N°257460

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 15 décembre 2004, 257460


Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 mars 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 29 novembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Alim X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de

sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 52-893 du 2...

Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 mars 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 29 novembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Alim X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée, notamment l'article 10 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Sophie Liéber, Auditeur,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. X :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au PREFET DE POLICE le 5 mai 2003 ; que, par suite, l'appel du PREFET DE POLICE, introduit le 5 juin 2003, soit dans le délai d'un mois prévu par le IV de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, repris à l'article R. 776-20 du code de justice administrative, n'est pas tardif ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par M. X doit être écartée ;

Sur le fond :

Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998, alors applicable : ... Sous réserve du respect des dispositions de l'article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 précitée, modifiée par le protocole de New York du 31 janvier 1967, l'admission en France d'un demandeur d'asile ne peut être refusée que si : ... 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes... ; qu'aux termes de l'article 12 de la même loi : ... L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article 10 bénéficie du droit à se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office de protection des réfugiés et des apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée aux articles 19, 22, 23 ou 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office ;

Considérant que si les visas du jugement attaqué ne font pas mention de l'article 10 précité de la loi du 25 juillet 1952 modifiée, le motif de ce jugement comporte la reproduction textuelle de l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui a été repris par cet article 10 ; qu'ainsi, il a été satisfait aux prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

Considérant que M. X, de nationalité bangladaise, et dont la demande d'admission au statut de réfugié avait été rejetée le 21 août 2001 par l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis en appel, le 30 novembre 2001, par la commission de recours des réfugiés, a saisi de nouveau l'OFPRA d'une demande de réexamen de son dossier de réfugié ; que cette dernière, déclarée recevable par l'office, a été rejetée par une décision du 31 juillet 2001, que M. X a contestée, le 21 août 2002, devant la commission de recours des réfugiés ; que les dispositions précitées de l'article 12 de la loi du 25 juillet 1952 autorisaient dès lors le préfet à prendre une mesure d'éloignement à l'égard de l'intéressé sur le fondement du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que M. X avait saisi la commission de recours des réfugiés d'un recours à l'encontre de la décision de l'office, faisant état de faits nouveaux portés à sa connaissance postérieurement à la décision initiale de la commission ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 29 novembre 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. X à l'appui de sa demande ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 29 novembre 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X a été signé par M. Bruno Triquenaux, qui disposait à cet effet d'une délégation régulière de signature en application d'un arrêté du 7 octobre 2002 publié le 8 octobre 2002 au bulletin municipal officiel de la ville de Paris ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté ;

Considérant que l'arrêté attaqué comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels il est fondé ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée ;

Considérant que, dans les termes où il est rédigé, l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X doit être regardé comme fixant le Bangladesh comme pays de destination, contrairement à ce que soutient le PREFET DE POLICE ; que, si M. X fait valoir qu'il courrait des risques dans son pays d'origine en raison de son appartenance à la communauté biharie, les pièces qu'il produit font état d'un climat général d'insécurité sans permettre d'établir qu'il serait lui-même personnellement menacé au Bangladesh ; que, par suite, l'arrêté du PREFET DE POLICE n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 29 novembre 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 21 mars 2003 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Alim X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 257460
Date de la décision : 15/12/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 déc. 2004, n° 257460
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mlle Sophie Liéber
Rapporteur public ?: Mme de Silva

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:257460.20041215
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