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14/01/2005 | FRANCE | N°241701

France | France, Conseil d'État, 2eme et 7eme sous-sections reunies, 14 janvier 2005, 241701


Vu la requête et les mémoires, enregistrés les 7 janvier 2002, 20 janvier 2004 et 19 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DE BERIVE, dont le siège est ...Ecole Bérive au Tampon (97430) ; la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DE BERIVE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 11 octobre 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 20 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion a rejeté sa demande d'annulation

de l'arrêté du 5 septembre 1997 du préfet de la Réunion déclarant d...

Vu la requête et les mémoires, enregistrés les 7 janvier 2002, 20 janvier 2004 et 19 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DE BERIVE, dont le siège est ...Ecole Bérive au Tampon (97430) ; la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DE BERIVE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 11 octobre 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 20 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 septembre 1997 du préfet de la Réunion déclarant d'utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires à l'aménagement du site de Terre Rouge , situé sur le territoire de la commune de Saint-Pierre, et déclarant cessibles les terrains au profit du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DE BERIVE,

- les conclusions de Mme X... de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté du 5 septembre 1997, le préfet de la Réunion a déclaré d'utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires à l'opération d'aménagement du littoral de Terre-Rouge , sur le territoire de la commune de Saint-Pierre ;

Considérant que, pour écarter le moyen soulevé par la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DE BERIVE et tiré de ce que le dossier de l'enquête publique aurait manifestement sous-évalué le coût des travaux nécessaires à l'opération d'aménagement, la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est fondée sur le fait qu'une telle sous-évaluation était sans influence sur la régularité de la procédure suivie, dès lors que la déclaration d'utilité publique ne portait que sur l'acquisition de terrains ; que, ce faisant, et alors que l'arrêté du 5 septembre 1997 portait aussi sur des travaux, la cour a dénaturé les pièces du dossier ; que, par suite, la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DE BERIVE est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Sur la compétence du préfet :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Lorsque les conclusions du commissaire ou de la commission chargée de l'enquête sont favorables, l'utilité publique peut... être déclarée : .../ 3° Par arrêté du préfet du lieu des immeubles concernés (...) ;

Considérant que, si le commissaire enquêteur a formulé des observations relativement à deux terrains dont l'acquisition ne lui apparaissait pas nécessaire, il a, à l'issue de l'enquête publique, émis un avis favorable à l'opération projetée ; qu'au demeurant, ces terrains ont été retirés de l'emprise par la suite ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du préfet de la Réunion pour déclarer d'utilité publique l'opération en cause ne saurait être accueilli ;

Sur l'ouverture de la procédure d'enquête publique :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, dans sa rédaction alors en vigueur : L'expropriant adresse au préfet, pour être soumis à l'enquête, un dossier qui comprend obligatoirement : / I. Lorsque la déclaration d'enquête publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le plan général des travaux ; / 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; / 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; / 6° L'étude d'impact... ; / II. Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagements ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ; / 4° L'estimation sommaire des acquisitions à réaliser... ; qu'il résulte de ces dispositions que la mise en oeuvre de la procédure d'expropriation doit être demandée à l'autorité administrative par son bénéficiaire sans que celui-ci soit tenu de procéder à cette saisine dans un délai déterminé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Réunion a été saisi par l'effet d'une délibération en date du 24 octobre 1990 du conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres portant décision d'acquisition, par voie amiable ou d'expropriation, de divers terrains, dont certains situés à Terre-Rouge ; que la lettre en date du 4 février 1997, du directeur régional de l'environnement, invoquée par la société requérante, ne constitue pas l'acte de transmission au préfet de cette demande et du dossier d'enquête publique ; que la réduction, au regard de la superficie initiale de l'opération, de l'emprise de l'expropriation par l'arrêté attaqué n'a pas eu pour effet de bouleverser l'économie générale du projet et de rendre caduque la délibération du conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ; qu'ainsi, la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DE BERIVE n'est pas fondée à soutenir que le préfet n'aurait pas été saisi dans les conditions prévues par l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Sur les consultations préalables :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 243-1 du code rural, alors en vigueur, devenu l'article L. 322-1 du code de l'environnement : Un établissement public de l'Etat à caractère administratif a pour mission de mener, après avis des conseils municipaux intéressés, une politique foncière de sauvegarde de l'espace littoral, de respect des sites naturels et de l'équilibre écologique... ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres de consulter chaque commune concernée par les opérations qu'il mène en application de cet article ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'opération d'aménagement du littoral décidée par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, le 24 octobre 1990, a été engagée à la demande du conseil municipal de Saint-Pierre ; qu'en l'espèce, cette demande vaut consultation au sens des dispositions précitées ; qu'en outre, le conseil municipal de Saint-Pierre a été à nouveau consulté le 9 septembre 1994 ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le conseil municipal de la commune intéressée n'aurait pas été préalablement consulté ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 243-28 du code rural, alors en vigueur, devenu l'article R. 243-28 du code de l'environnement : Les conseils de rivage : / Donnent leur avis sur les orientations de la politique de l'établissement public et font toute suggestion à cet égard ; / Proposent un programme d'acquisitions relatif au littoral de leur compétence ; que la délibération par laquelle le conseil des rivages français de l'océan Indien s'est prononcé sur le projet, le 14 novembre 1989, est antérieure à la modification de la composition de cet organisme par le décret du 5 avril 1995, modifiant et complétant les dispositions du code rural relatives au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et les étendant à la collectivité territoriale de Mayotte ; que, par suite, la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DE BERIVE n'est pas fondée à soutenir que ce conseil aurait dû se prononcer dans sa composition issue de ce décret ;

Sur la composition du dossier d'enquête publique :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la décision du juge de l'expropriation de Saint-Denis de la Réunion du 14 octobre 1998, que l'évaluation des acquisitions foncières aurait été manifestement insuffisante ; qu'il n'est pas établi que les dépenses d'aménagement auraient été sous-évaluées de manière manifeste, alors que le projet ne porte que sur la réhabilitation du site et sa conservation dans son état naturel ; que, par suite, le moyen tiré de la sous-estimation de l'état sommaire des dépenses doit être écarté ;

Sur l'erreur manifeste d'appréciation :

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que l'acquisition d'une parcelle située dans le lotissement loué à M. Y..., participe de l'objectif de préservation du site ; que, par suite, le préfet de la Réunion n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en incluant cette parcelle dans l'emprise ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DE BERIVE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 septembre 1997 du préfet de la Réunion portant déclaration d'utilité publique ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DE BERIVE une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 11 octobre 2001 est annulé.

Article 2 : La requête de la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DE BERIVE devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejetée.

Article 3 : La SOCIETE CIVILE AGRICOLE DE BERIVE versera au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DE BERIVE, au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et au ministre de l'écologie et du développement durable.


Synthèse
Formation : 2eme et 7eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 241701
Date de la décision : 14/01/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 jan. 2005, n° 241701
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: Mme Catherine Chadelat
Rapporteur public ?: Mme de Silva
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:241701.20050114
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