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18/03/2005 | FRANCE | N°261386

France | France, Conseil d'État, 10eme et 9eme sous-sections reunies, 18 mars 2005, 261386


Vu, enregistrée le 29 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ordonnance du 14 octobre 2003 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a renvoyé au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 341-3 du code de justice administrative, le jugement de la demande de M. Pierre X, demeurant ... ;

Vu, enregistrée le 10 février 2003 au greffe du tribunal administratif de Paris, la demande de M. X qui tend à :

1°) l'annulation de la décision par laquelle le consul général de France au Caire a décidé la vente d'un ensemble de onze ta

pis lui appartenant déposé au consulat ;

2°) l'annulation de la décisio...

Vu, enregistrée le 29 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ordonnance du 14 octobre 2003 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a renvoyé au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 341-3 du code de justice administrative, le jugement de la demande de M. Pierre X, demeurant ... ;

Vu, enregistrée le 10 février 2003 au greffe du tribunal administratif de Paris, la demande de M. X qui tend à :

1°) l'annulation de la décision par laquelle le consul général de France au Caire a décidé la vente d'un ensemble de onze tapis lui appartenant déposé au consulat ;

2°) l'annulation de la décision dudit consul de détruire quatre autres tapis lui appartenant ;

3°) l'annulation des lettres du ministre des affaires étrangères en date des 9 août, 23 octobre et 3 décembre 2001 ;

4°) la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 16 000 euros en réparation du préjudice lié à la perte de ces quatre tapis et une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

5°) ce que l'Etat lui verse la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret du 17 janvier 1936 sur les dépôts dans les chancelleries diplomatiques et consulaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Daussun, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le décret du 17 janvier 1936 sur les dépôts dans les chancelleries diplomatiques et consulaires dispose dans son article 1er : Les dépôts d'office et les séquestres judiciaires sont seuls reçus et conservés dans les chancelleries diplomatiques et consulaires, à l'exclusion des dépôts volontaires et des séquestres conventionnels./ Toutefois, dans des circonstances extraordinaires constituant un cas de force majeure laissé à la libre appréciation du chef de poste, celui-ci peut autoriser l'agent percepteur à recevoir des dépôts volontaires./ Les agents consulaires ne peuvent recevoir de dépôts et sont tenus de transmettre immédiatement au chef de poste dont ils relèvent, les sommes qui leurs seraient remises à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. ; qu'aux termes de son article 7 : Aucun dépôt ne sera conservé dans les chancelleries diplomatiques et consulaires au-delà d'un délai de cinq ans à compter du jour de sa réception. A l'expiration de ce délai, la valeur en sera mise à la disposition de la Caisse des dépôts et consignations pour le compte de qui de droit… ; que l'article 9 du même décret dispose : Les objets qui ne sont pas susceptibles d'être envoyés à la Caisse des dépôts et consignations, mais ont une valeur marchande, seront, à l'expiration du délai de cinq ans, vendus aux enchères publiques et le produit de cette vente donnera lieu à un dépôt en numéraire qui sera mis à la disposition de la caisse comme il est dit à l'article 8./ Les objets sans valeur marchande, ainsi que les actes ou documents, seront détruits après constatation de leur nature par procès-verbal…/ Ces dispositions seront portées sur les reçus délivrés aux déposants ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 18 janvier 1985, M. X a déposé au consulat général de France au Caire quinze tapis issus de la succession de son père dont il ne pouvait assurer le rapatriement immédiat ; que par courriers des 6 septembre 1988 et 27 février 1989 les services du consulat lui ont demandé de reprendre ses tapis mis en dépôt et l'ont informé de l'obligation dans laquelle, à défaut, ils se trouveraient de procéder à la vente de ces tapis ; que M. X n'ayant pas déféré à cette demande, le consul général de France au Caire a décidé le 20 novembre 1997 de procéder à la vente de onze des quinze tapis de M. X et de faire procéder à la destruction des quatre autres ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions du consul général au Caire de vendre ou de faire procéder à la destruction des tapis :

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 1er du décret du 17 janvier 1936 que le consul général avait compétence, en sa qualité de chef du poste consulaire, pour décider qu'il serait procédé à la vente ou à la destruction selon le cas des tapis de M. X déposés au consulat dès lors que le délai de cinq ans prévu par les dispositions de l'article 7 de ce texte était expiré ; qu'il devait toutefois procéder à cette vente aux enchères publiques conformément aux dispositions de l'article 9 de ce décret ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de sa décision du 20 novembre 1997 que les modalités de vente retenues par le consul général au Caire, qui n'avaient pas le caractère d'enchères publiques, n'étaient pas conformes aux dispositions précitées de l'article 9 du décret du 17 janvier 1936 ; que dès lors M. X est fondé à soutenir que la décision de vendre onze tapis est illégale et à en demander pour ce motif l'annulation ;

Considérant en revanche qu'il ne résulte pas des pièces du dossier qu'en estimant que quatre des tapis déposés n'avaient aucune valeur marchande compte tenu de leur état et en décidant par voie de conséquence qu'il serait procédé à leur destruction le consul, qui a fait dresser procès verbal de leur retrait du dépôt et de leur destruction, ait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que le détournement de pouvoir invoqué n'est pas établi ;

Considérant que M. X est seulement fondé à demander l'annulation de la décision du consul général de procéder à la vente de onze des tapis déposés ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions contenues dans les courriers du 9 août, 23 octobre et 3 décembre 2001 :

Considérant que les courriers par lesquels le ministre des affaires étrangères a informé M. X des conditions de la vente et de la destruction des tapis que celui-ci avait déposés au consulat ne contiennent aucune décision ; que par suite les conclusions de M. X dirigées contre ces courriers sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à verser les sommes de 16 000 et 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la destruction des quatre tapis :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la destruction de ces tapis n'est pas fautive ; que, si M. X fait valoir à l'appui de sa demande d'indemnisation que les services du consulat ont commis une faute en omettant de mentionner sur le récépissé de dépôt qui lui a été délivré en 1985 les dispositions des articles 7 et 9 du décret du 17 janvier 1936 précisant les conséquences de l'expiration du délai de cinq ans auquel sont soumis les dépôts dans les chancelleries, cette circonstance n'est pas la cause directe du préjudice lié à la destruction des tapis dont le requérant demande réparation dès lors que ce dernier a été à deux reprises invité à récupérer ses biens et informé de ce que, à défaut, les services du consulat procéderaient à leur vente et n'a pas déféré à cette invitation ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le mauvais état des tapis détruits ait eu pour cause un défaut de surveillance des services du consulat ;

Considérant qu'il suit de là et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa demande d'expertise que les conclusions indemnitaires de M. X doivent être rejetées ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros demandée par M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 20 novembre 1997 du consul général de France au Caire de procéder à la vente de onze tapis déposés au consulat par M. X est annulée.

Article 2 : L'Etat versera à M. X la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre X et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : 10eme et 9eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 261386
Date de la décision : 18/03/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPÉTENCE - LOI ET RÈGLEMENT - CARACTÈRE RÉGLEMENTAIRE DES DISPOSITIONS DU DÉCRET DU 17 JANVIER 1936 SUR LES DÉPÔTS DANS LES CHANCELLERIES DIPLOMATIQUES ET CONSULAIRES (SOL - IMPL - ) [RJ1].

01-02-01 Ont conservé un caractère réglementaire les dispositions du décret du 17 janvier 1936 sur les dépôts dans les chancelleries diplomatiques et consulaires.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - DROIT DE PROPRIÉTÉ - DÉPÔTS VOLONTAIRES DANS LES CHANCELLERIES DIPLOMATIQUES ET CONSULAIRES - A) CARACTÈRE RÉGLEMENTAIRE DU DÉCRET DU 17 JANVIER 1936 (SOL - IMPL - ) [RJ1] - B) VENTE DES OBJETS DÉPOSÉS PAR L'AUTORITÉ CONSULAIRE - FORMALITÉ SUBSTANTIELLE - VENTE AUX ENCHÈRES PUBLIQUES.

26-04 a) Ont conservé un caractère réglementaire les dispositions du décret du 17 janvier 1936 sur les dépôts dans les chancelleries diplomatiques et consulaires.,,b) Lorsque l'autorité consulaire décide, après l'expiration du délai de garde de cinq ans prévu par l'article 7 du décret du 17 janvier 1936 sur les dépôts dans les chancelleries diplomatiques et consulaires, de procéder à la vente des objets déposés, il doit le faire en recourant à une procédure d'enchères publiques, à peine de nullité de la décision de procéder à la vente en question.


Références :

[RJ1]

Rappr. Commission de la fonction publique, 6 février 1953, avis n°60.497.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 mar. 2005, n° 261386
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Agnès Daussun
Rapporteur public ?: Mme Mitjavile

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:261386.20050318
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