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30/03/2005 | FRANCE | N°258004

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 30 mars 2005, 258004


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juin et 27 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SNC MASSIAS LECHAUD, dont le siège est ... ; la SNC MASSIAS LECHAUD demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 2 avril 2003 en tant qu'il a, d'une part, annulé le jugement du 4 juillet 2002 du tribunal administratif de Versailles qui a annulé l'arrêté du 18 mai 1998 du préfet de l'Essonne accordant à MM. A... et B... une licence pour la création d'un

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juin et 27 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SNC MASSIAS LECHAUD, dont le siège est ... ; la SNC MASSIAS LECHAUD demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 2 avril 2003 en tant qu'il a, d'une part, annulé le jugement du 4 juillet 2002 du tribunal administratif de Versailles qui a annulé l'arrêté du 18 mai 1998 du préfet de l'Essonne accordant à MM. A... et B... une licence pour la création d'une officine de pharmacie à Dourdan et, d'autre part, rejeté les conclusions à fin d'annulation de cet arrêté ;

2°) statuant au fond, de rejeter l'appel formé par MM. A... et B... ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Anne Courrèges, Auditeur,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SNC MASSIAS LECHAUD et de Me Odent, avocat de M. A... et de M. B...,

- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 571 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : Aucune création d'officine ne peut être accordée dans les villes où la licence a déjà été délivrée à : / Une officine pour 3 000 habitants dans les villes d'une population de 30 000 habitants et au-dessus ; / Une officine pour 2 500 habitants dans les villes d'une population égale ou supérieure à 5 000 habitants et inférieure à 30 000 habitants. / Dans les communes d'une population inférieure à 5 000 habitants, il ne peut être délivré qu'une licence par tranche entière de 2 000 habitants recensés dans les limites de la commune (...) / Si les besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière l'exigent, des dérogations à ces règles peuvent être accordées par le préfet, après avis motivé du directeur régional des affaires sanitaires et sociales, du pharmacien inspecteur régional de la santé, du Conseil régional de l'Ordre des pharmaciens et des syndicats professionnels. / Les besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière mentionnés à l'alinéa précédent sont appréciés au regard, notamment, de l'importance de la population concernée, des conditions d'accès aux officines les plus proches et de la population que celles-ci resteraient appelées à desservir. Le préfet précise dans sa décision les populations prises en compte pour l'octroi des licences (...) ;

Considérant qu'après avoir censuré le motif par lequel le tribunal administratif de Versailles avait annulé l'arrêté du préfet de l'Essonne en date du 18 mai 1998 délivrant à MM. A... et B... une licence pour l'ouverture à titre dérogatoire d'une pharmacie à Dourdan, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté les demandes présentées par le syndicat des pharmaciens de l'Essonne, Mmes C... et X..., MM. Y... et Z..., la SNC MASSIAS LECHAUD et Mme E devant ce tribunal, qui tendaient à l'annulation de cet arrêté, sans répondre au moyen soulevé devant les premiers juges, tiré de ce que la population restant à desservir par les autres pharmacies après l'ouverture de cette officine serait insuffisante ; qu'ainsi, la cour a insuffisamment motivé son arrêt ; que, par suite, il y a lieu d'annuler les articles 1 et 3 de cet arrêt ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le jugement attaqué du tribunal administratif de Versailles, rendu le 4 juillet 2002, a été notifié à MM. A... et B... le 24 août 2002 ; que, par suite, leur requête d'appel, enregistrée au greffe de la cour le 11 octobre 2002, soit dans le délai de deux mois prévu à l'article R. 811-2 du code de justice administrative, n'est pas tardive ;

Considérant que, par un arrêt en date du 20 novembre 1997, la cour administrative d'appel de Paris avait, d'une part, déclaré non avenu le jugement du 14 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Versailles avait annulé l'arrêté du ministre délégué à la santé intervenu le 19 octobre 1994 annulant sur recours hiérarchique une précédente autorisation d'ouvrir une officine à Dourdan accordée le 31 mars 1994 à MM. A... et B... par voie dérogatoire, d'autre part, rejeté la demande de MM. A... et B... dirigée contre cet arrêté ministériel du 19 octobre 1994, estimant fondés les moyens tirés de ce que les conditions d'ouverture à titre dérogatoire d'une pharmacie n'étaient pas remplies à Dourdan à la date de cette dernière décision ; que ces circonstances ne faisaient pas obstacle à ce que, saisi en 1998 d'une nouvelle demande d'autorisation dérogatoire présentée par MM. A... et B... pour l'ouverture d'une pharmacie au même emplacement, le préfet de l'Essonne délivre cette autorisation en tenant compte de la situation de fait qui existait à la date à laquelle il s'est prononcé, soit le 18 mai 1998 ; que, dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur la méconnaissance par le préfet de la chose jugée par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 20 novembre 1997 pour annuler l'arrêté préfectoral du 18 mai 1998 ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le syndicat des pharmaciens de l'Essonne et les autres demandeurs devant le tribunal administratif de Versailles ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 18 mai 1998 doit être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement abrogé la licence qui avait été délivrée à MM. A... et B... le 25 avril 1996 pour tirer les conséquences du jugement en date du 14 décembre 1995 déclaré non avenu par l'arrêt de la cour administrative d'appel du 20 novembre 1997 ; que, dans ces conditions, la délivrance d'une nouvelle licence aux intéressés n'était pas sans objet ;

Considérant, en deuxième lieu, que pour accorder à titre dérogatoire l'autorisation litigieuse, le préfet a pu légalement prendre en compte l'accroissement démographique de la population de Dourdan intervenu depuis le recensement de 1990 alors même que les chiffres avancés résultaient d'une estimation et non d'un recensement publié ; qu'il résulte de ces évaluations, qui correspondent à celles indiquées par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales dans son rapport, qu'à cette date, la population résidant dans le quartier d'implantation, tel qu'il est défini dans l'arrêté, s'élevait à 1 150 habitants, auxquels s'ajoute une population saisonnière de plusieurs dizaines de personnes correspondant à un camping situé dans ce secteur ; qu'en prenant en compte la population de la commune voisine de Roinville, qui n'est desservie par aucune pharmacie et qui comptait 895 habitants, et en retenant, en conséquence, que la population concernée par l'ouverture de la nouvelle officine, pouvait être évaluée à plus de 2 000 habitants le préfet qui, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, n'a pas tenu compte de la population de passage dans le centre commercial ni de la population d'autres communes voisines de Dourdan, n'a pas fait une inexacte appréciation de la population susceptible d'être desservie par la pharmacie de MM. A... et B... ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces figurant au dossier qu'ainsi que le préfet l'a relevé, les pharmacies les plus proches situées en centre ville étant distantes de 900 mètres et de 1,2 kilomètre du lieu d'implantation et les populations résidentes de Dourdan et de Roinville réunies pouvant être évaluées à près de 11 000 habitants à la date de l'arrêté en litige, il resterait, après l'ouverture de la nouvelle officine, plus de 2 000 habitants à desservir par chacune des quatre pharmacies qui existaient déjà à Dourdan ; qu'ainsi, le préfet, qui n'a pas omis d'examiner les conséquences de la délivrance de la licence attaquée sur les conditions d'accès aux officines les plus proches et la population que celles-ci resteraient appelées à desservir, a exactement apprécié la situation en estimant que la délivrance de cette licence ne compromettrait pas le fonctionnement des pharmacies existantes ;

Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en estimant que les besoins réels de la population résidente et saisonnière de Dourdan justifiaient l'autorisation d'ouvrir, à titre dérogatoire, une cinquième pharmacie à Dourdan, le préfet de l'Essonne a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 571 du code de la santé publique ; que, par suite, MM. A... et B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté préfectoral en date du 18 mai 1998 portant octroi d'une licence pour la création d'une officine de pharmacie au ... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de MM. A... et B..., qui ne sont pas dans les présentes instances les parties perdantes, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la SNC MASSIAS LECHAUD ainsi que, en première instance et en appel, par le syndicat des pharmaciens de l'Essonne, Mme Danièle C..., Mme Chantal X..., M. Bruno Y..., M. Jean-Philippe Z... et Mme E ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SNC MASSIAS LECHAUD, le versement d'une somme globale de 3 000 euros à MM. A... et B..., en application des mêmes dispositions, au titre des frais exposés par eux dans la présente instance et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 2 avril 2003 et le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 4 juillet 2002 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SNC MASSIAS LECHAUD et les conclusions des demandes présentées devant le tribunal administratif de Versailles par le syndicat des pharmaciens de l'Essonne, la SNC MASSIAS LECHAUD, Mme Danièle C..., Mme Chantal X..., M. Bruno Y..., M. Jean-Philippe Z... et Mme sont rejetés.

Article 3 : La SNC MASSIAS LECHAUD versera à MM. A... et B... la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SNC MASSIAS LECHAUD, à M. A..., à M. B..., au syndicat des pharmaciens de l'Essonne, à Mme Danièle C..., à Mme Chantal X..., à M. Bruno Y..., à M. Jean-Philippe Z..., à Mme E et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.


Synthèse
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 258004
Date de la décision : 30/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 mar. 2005, n° 258004
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: Mlle Anne Courrèges
Rapporteur public ?: M. Stahl
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:258004.20050330
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