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09/05/2005 | FRANCE | N°255115

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 09 mai 2005, 255115


Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ; le PREFET DE LA SAVOIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 février 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 11 février 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Rabie X et la décision distincte du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administ

ratif de Grenoble ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européen...

Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ; le PREFET DE LA SAVOIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 février 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 11 février 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Rabie X et la décision distincte du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Sophie Liéber, Auditeur,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il est bien intégré en France, où il a séjourné à plusieurs reprises, que certains de ses frères et soeurs y résident et qu'il justifie de promesses d'embauche, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a séjourné en France entre 1970 et 1981, date à laquelle il est rentré en Algérie, qu'il a toujours résidé dans son pays d'origine depuis lors mis à part deux brefs séjours sur le territoire français ; que son épouse et ses cinq enfants, dont quatre sont encore mineurs, y résident également ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la durée du dernier séjour en France de M. X et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, le PREFET DE LA SAVOIE, en décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé, n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris cette décision et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le PREFET DE LA SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur une prétendue violation de ces stipulations pour annuler son arrêté du 11 février 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. X et, par voie de conséquence, la décision du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination à la mesure de reconduite ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le président du tribunal administratif de Grenoble ;

Sur l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :

Considérant qu'il n'est pas contesté par M. X que la décision du 4 octobre 2002 par laquelle le PREFET DE LA SAVOIE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a été notifiée, avec la mention des voies et délais de recours, à l'adresse qu'il avait indiquée à la préfecture, le 7 octobre 2002 ; qu'ainsi, faute d'avoir été contestée dans le délai de recours contentieux, cette décision était devenue définitive à la date du 20 février 2003 à laquelle le moyen tiré de son illégalité a été soulevé devant le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble ; que, par suite, le moyen tiré de l'illégalité de ladite décision est irrecevable ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que l'arrêté du 11 février 2003 comprend les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;

Considérant que si M. X fait valoir que l'arrêté du 11 février 2003 a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un tel moyen est inopérant à l'encontre d'un arrêté de reconduite à la frontière ;

Sur la décision distincte fixant l'Algérie comme pays de destination à la mesure de reconduite à la frontière :

Considérant que si M. X fait valoir qu'il règne en Algérie un climat général d'insécurité, il n'établit pas qu'il courrait des risques pour sa sécurité, à titre personnel, en cas de retour dans son pays d'origine ; que la décision distincte fixant l'Algérie comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 11 février 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. X et l'arrêté du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. Masmoui la somme qu'il demande pour les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble en date du 21 février 2003 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SAVOIE, à M. Rabie X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 255115
Date de la décision : 09/05/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 mai. 2005, n° 255115
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mlle Sophie Liéber
Rapporteur public ?: Mme de Silva

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:255115.20050509
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