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11/05/2005 | FRANCE | N°269150

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 11 mai 2005, 269150


Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA GIRONDE ; le PREFET DE LA GIRONDE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du 10 mai 2004 par lesquels le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 26 avril 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme Mathilde X..., épouse Y et lui a enjoint de régulariser la situation de l'intéressée dans un délai d'un mois ;

2°) de rejeter la demande présen

tée par Mme X..., épouse Y devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

Vu le...

Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA GIRONDE ; le PREFET DE LA GIRONDE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du 10 mai 2004 par lesquels le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 26 avril 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme Mathilde X..., épouse Y et lui a enjoint de régulariser la situation de l'intéressée dans un délai d'un mois ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X..., épouse Y devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Béatrice Bourgeois, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., épouse Y, de nationalité congolaise, est entrée irrégulièrement en France en juillet 2002 ; qu'elle s'est mariée le 15 février 2003 avec un compatriote résidant régulièrement sur le territoire français et a donné naissance à un enfant le 1er janvier 2004 ; que, dans ces circonstances et eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, l'arrêté du 26 avril 2004 par lequel le PREFET DE LA GIRONDE a décidé sa reconduite à la frontière n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et méconnu, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, le PREFET DE LA GIRONDE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 26 avril 2004 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X..., épouse Y devant le tribunal administratif de Bordeaux et devant le Conseil d'Etat ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3°) Si l'étranger auquel la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusé (...), s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., épouse Y s'est vu opposer le 20 novembre 2003 par le PREFET DE LA GIRONDE un refus de titre de séjour qui lui a été notifié le 25 novembre suivant ; que la circonstance qu'une décision de refus ait été opposée à la demande de regroupement familial présentée par l'époux de l'intéressée ne saurait avoir eu pour effet de substituer à la décision du 20 novembre 2003 une nouvelle décision de refus de séjour ; qu'ainsi, Mme X..., épouse Y se trouvait dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance précitée, le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté litigieux soit entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure de reconduite sur la situation personnelle et familiale de l'intéressée ;

Considérant que l'arrêté contesté a été pris sur le seul fondement de la décision du 20 novembre 2003 refusant à l'intéressée le titre de séjour qu'elle sollicitait ; que, par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de regroupement familial sollicité par l'époux de la requérante est inopérant à l'égard de la légalité de la mesure d'éloignement ; que la circonstance que l'intéressée puisse, le cas échéant, bénéficier d'une mesure de regroupement familial ne faisait pas obstacle à ce que le PREFET DE LA GIRONDE prenne à son encontre l'arrêté contesté décidant sa reconduite à la frontière ;

Considérant que la circonstance que des mineurs de 18 ans ne puissent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ne fait pas obstacle à ce que les parents d'enfants mineurs fassent l'objet d'une telle mesure ;

Considérant que l'article 9 de la convention signée à New York le 26 janvier 1990 et publiée au Journal officiel de la République française par décret du 8 octobre 1990 crée seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux particuliers ; qu'ainsi, Mme X..., épouse Y ne peut utilement se prévaloir de ses stipulations ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA GIRONDE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 26 avril 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X..., épouse Y, et lui a enjoint de régulariser la situation de l'intéressée dans le délai d'un mois ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme X..., épouse Y demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux en date du 10 mai 2004 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par Mme X..., épouse Y devant le tribunal administratif de Bordeaux sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme X..., épouse Y devant le Conseil d'Etat et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA GIRONDE, à Mme Mathilde X..., épouse Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 269150
Date de la décision : 11/05/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 mai. 2005, n° 269150
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mlle Béatrice Bourgeois
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:269150.20050511
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