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05/08/2005 | FRANCE | N°283472

France | France, Conseil d'État, 05 août 2005, 283472


Vu la requête, enregistrée le 4 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL, dont le siège est situé ..., représentée par ses représentants légaux en exercice ; la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1° sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail nouvelles embauches ;

2° de mettre à la charge de l'Etat une

somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice ad...

Vu la requête, enregistrée le 4 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL, dont le siège est situé ..., représentée par ses représentants légaux en exercice ; la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1° sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail nouvelles embauches ;

2° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que la condition d'urgence est remplie puisque l'entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance a été fixée au 4 août 2005 ; que, compte tenu des effets des dispositions du texte sur la rupture des contrats de travail et des atteintes graves qui en résultent pour les salariés, les délais nécessaires à l'instruction du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'ordonnance conduiraient, en cas d'annulation, à un bouleversement rétroactif de l'économie des contrats de travail qui doit être évité ; que plusieurs moyens sont de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'ordonnance ; que son article 2 méconnaît les stipulations des articles 24 de la Charte sociale européenne et 4 de la convention de l'Organisation internationale du travail en ce qu'il permet un licenciement sans motif, en dépit de la réserve formulée sur ce point par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2005-521 DC du 22 juillet 2005 relative à la loi habilitant le Gouvernement à prendre des mesures d'urgence pour l'emploi ; que cet article 2 méconnaît le principe de la liberté contractuelle, tel qu'il résulte de l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme, et son corollaire, le principe de réparation qui est un principe de valeur constitutionnelle, puisque cette disposition écarte l'application de l'article L. 122-14-5 du code du travail, en privant par conséquent le salarié d'un droit à réparation en cas de rupture fautive du contrat de travail ; que ce même article viole le principe du respect des droits de la défense, applicable en droit du travail, puisqu'il ne prévoit aucune procédure contradictoire préalable au licenciement ; que l'inapplication, prévue par l'article 2, des dispositions de l'article L. 122-14-12 alinéa 2 du code du travail, prive les salariés d'une garantie sans que l'embauchage en soit facilité et qu'ainsi, l'ordonnance méconnaît la loi d'habilitation, qui pose comme finalité à l'ordonnance de prendre des dispositions destinées à favoriser l'emploi ; que les auteurs du texte ont commis une erreur manifeste en déterminant un délai de carence de trois mois seulement entre la rupture d'un précédent contrat et un nouveau recrutement ; que le rapport au président de la République accompagnant l'ordonnance, en prévoyant que sera écartée l'application des règles résultant des conventions collectives qui pourraient être plus favorables que celles du code, d'une part empiète sur le domaine législatif en ignorant le principe de faveur applicable en droit du travail, d'autre part méconnaît ce principe qui est un principe général du droit ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de la décision ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la Charte sociale européenne, notamment son article 24 ;

Vu la convention internationale de l'OIT n°158 du 22 juin 1982, notamment son article 4 ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2005-846 du 26 juillet 2005 habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant que selon l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative... fait l'objet d'une requête en annulation... le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision... lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ;

Considérant que si la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL fait valoir que les atteintes portées par l'ordonnance aux droits des salariés sont graves et que les délais nécessaires à l'instruction de la requête en annulation qu'elle a présentée contre ce texte conduiraient, en cas d'annulation, à une remise en cause qui serait de nature à bousculer rétroactivement et de manière substantielle l'économie des contrats de travail, ces circonstances ne sont pas de nature à caractériser une situation d'urgence, au sens des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, alors que, d'une part, il résulte du droit commun des licenciements résultant de l'article L. 122-4 du code du travail que les règles définies par ce code ne sont pas applicables pendant la période d'essai et que celle-ci, définie usuellement par les conventions collectives, sont de l'ordre de plusieurs mois et qu'ainsi les avantages différentiels que les employeurs pourraient trouver dans l'application de l'ordonnance ne pourront intervenir avant ce délai de plusieurs mois ; que, d'autre part, une instruction accélérée de la requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'ordonnance permettra au Conseil d'Etat d'y statuer collégialement à bref délai ; qu'il en résulte que l'urgence de la suspension provisoire de l'ordonnance jusqu'à l'intervention d'une décision juridictionnelle statuant au fond n'étant, en l'espèce, pas établie, la demande de suspension ne peut qu'être rejetée, sans qu'il y ait lieu d'examiner si l'un ou l'autre des moyens invoqués est propre à créer un doute sérieux sur la légalité de cette ordonnance, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 283472
Date de la décision : 05/08/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 aoû. 2005, n° 283472
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:283472.20050805
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