Vu la requête, enregistrée le 1er septembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 21 juillet 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 15 mai 2003 décidant la reconduite à la frontière de M.Yili X ;
2°) de rejeter la demande de M. X devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Danièle Burguburu, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Carbonnier, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée en vigueur à la date de l'arrêté contesté : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité chinoise, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification le 31 janvier 2003 de la décision du PREFET DE POLICE du 28 janvier 2003 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant, toutefois, qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X produit de nombreux documents ou convocations officiels et des témoignages suffisamment diversifiés, de nature à établir qu'il a séjourné en France depuis 1991 et qu'à la date de l'arrêté ordonnant sa reconduite, le 15 mai 2003, il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, le PREFET DE POLICE ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué sans méconnaître le 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à se plaindre du jugement du tribunal administratif de Paris du 21 juillet 2003 annulant son arrêté de reconduite à la frontière du 15 mai 2003 et lui enjoignant de délivrer à M. X, dans le délai d'un mois, un titre de séjour provisoire ;
Sur les conclusions de Me Carbonnier tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à payer à Me Carbonnier, avocat de M. X, et qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que cet avocat renonce à la perception de l'indemnité prévue par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Carbonnier, avocat de M. X, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat pour l'aide juridictionnelle.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Yili X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.