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16/11/2005 | FRANCE | N°257532

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 16 novembre 2005, 257532


Vu le recours, enregistré le 6 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de l'arrêt du 10 avril 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a accordé à la S.C.I. Genty Immobilier une réduction, de 1 653 990 F, du complément de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17...

Vu le recours, enregistré le 6 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de l'arrêt du 10 avril 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a accordé à la S.C.I. Genty Immobilier une réduction, de 1 653 990 F, du complément de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Daniel Fabre, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la Société Genty Immobilier et Participations,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Lyon qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité qui, au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, a porté sur la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990, l'administration fiscale a assigné à la S.C.I. Genty Immobilier, aux droits de laquelle est aujourd'hui la S.A.S. Genty Immobilier et Participations, un rappel de taxe procédant principalement du rejet de l'imputation qu'avait opérée la société, sur la taxe dont elle s'était déclarée redevable, de celle ayant grevé l'acquisition ou la prise en crédit-bail de certains des immeubles nus qu'elle donnait en location ou sous-location, les loyers perçus correspondants étant, selon l'administration, exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée, et la société n'ayant pas, pour les locations ou sous-locations en cause, exercé l'option pour l'acquittement de la taxe prévue par l'article 260 du code général des impôts et qui, en vertu de l'article 193 de l'annexe II audit code, doit être distinctement formulée pour chaque immeuble par les personnes qui en donnent plusieurs en location ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit contre l'arrêt du 10 avril 2003 rendu par la cour administrative d'appel sur requête de la S.C.I. Genty Immobilier en tant que la cour, faisant droit à une partie des conclusions de celle-ci, lui a accordé la décharge de la fraction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée litigieux correspondant aux déductions effectuées au titre de deux immeubles que la société avait pris en crédit-bail et donnait en sous-location ; que, pour statuer ainsi, la cour administrative d'appel s'est fondée sur ce que ces sous-locations, consenties en vertu du droit de jouissance que la société tenait de contrats de crédit-bail, ne pouvaient être regardées comme exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée par application des dispositions de l'article 261 D du code général des impôts, et, notamment, de celles du 2° de cet article ;

Considérant qu'aux termes de l'article 261 D du code général des impôts, dont l'objet est de définir le champ d'application, en droit interne, des exonérations de la taxe sur la valeur ajoutée qu'en vertu des dispositions du B de l'article 13 de la sixième directive du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, les Etats membres sont autorisés à prévoir en ce qui concerne ... b) l'affermage et la location de biens immeubles... : Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : ... 2° les locations... de locaux nus ... ; que la location visée par ces dispositions s'entend de la concession faite à un preneur, pour une durée et moyennant une rémunération convenues, du droit d'occuper des locaux à titre exclusif, quelle que soit la qualité en laquelle le donneur a la faculté d'accorder ce droit ;

Considérant qu'il suit de là qu'en jugeant que la sous-location que le titulaire d'un contrat de crédit-bail consent en vertu du droit de jouissance dont il bénéficie sur un immeuble nu dont il est crédit-preneur ne peut être regardée comme une location de locaux nus au sens du 2° de l'article 261 D du code général des impôts, la cour administrative d'appel a, comme le soutient le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, commis une erreur de droit ; que le ministre, par suite, est fondé à demander que les articles 1er et 2 de l'arrêt attaqué soient annulés ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la S.A.S. Genty Immobilier et Participations n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a regardé comme des locations de locaux nus au sens du 2° de l'article 261 D du code général des impôts, exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de ce texte, les sous-locations de deux immeubles dont elle était crédit-preneuse consenties, durant la période d'imposition, par la S.C.I. Genty Immobilier ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que la S.C.I. Genty Immobilier n'avait pas adressé à l'administration de demandes en vue d'acquitter la taxe sur la valeur ajoutée sur les loyers provenant de ces sous-locations, par exercice de l'option prévue par l'article 260 du code général des impôts ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les dispositions de l'article 193 de l'annexe II au code général des impôts, qui exigent que cette option soit distinctement exercée pour chaque immeuble par les personnes qui en donnent plusieurs en location, ne sont pas incompatibles avec celles de la sixième directive du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, dont le C de l'article 13 prévoit que les Etats membres déterminent les modalités de l'exercice du droit d'opter pour la taxation de l'affermage et de la location de biens immeubles de plein droit exonérés ; qu'enfin, la S.C.I. Genty Immobilier ne saurait être regardée comme ayant exercé cette option du seul fait qu'elle facturait la taxe aux sous-locataires, dès lors qu'en vertu du 1° de l'article 286 du code général des impôts, auquel renvoient les articles 195 et 191 de l'annexe II audit code, l'option doit faire l'objet d'une déclaration expresse à l'administration ;

Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré par la S.A.S. Genty Immobilier et Participations de ce que la taxe facturée aux sous-locataires a effectivement été versée au Trésor est inopérant au regard du bien-fondé du rappel de la taxe dont la S.C.I. Genty Immobilier a opéré indûment la déduction ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A.S. Genty Immobilier et Participations n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 16 avril 1997, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de la S.C.I. Genty Immobilier tendant à la décharge de la fraction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assigné au titre de la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990 procédant du rejet des déductions de taxe opérées au titre des deux immeubles susmentionnés, objets de sous-locations non soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la S.A.S. Genty Immobilier et Participations demande en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 10 avril 2003 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la requête présentée devant la cour administrative d'appel de Lyon par la S.C.I. Genty Immobilier tendant à la décharge de la fraction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assigné au titre de la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990 correspondant au rejet des déductions de taxe opérées du chef de deux immeubles nus pris en crédit-bail et donnés en sous-location sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la S.A.S. Genty Immobilier et Participations tendant, devant le Conseil d'Etat, au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la S.A.S. Genty Immobilier et Participations.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 257532
Date de la décision : 16/11/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - FISCALITÉ - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - EXONÉRATIONS - RÉGIME D'EXONÉRATION DES LOCAUX NUS (ART - 261 D - 2° - DU CGI) - CHAMP D'APPLICATION - A) INCLUSION - SOUS-LOCATION D'UN IMMEUBLE NU CONSENTIE PAR LE TITULAIRE D'UN CONTRAT DE CRÉDIT-BAIL - B) CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE - TAXE FACTURÉE AU SOUS-LOCATAIRE ET EFFECTIVEMENT VERSÉE AU TRÉSOR.

15-05-11-01 a) La sous-location que le titulaire d'un contrat de crédit-bail consent en vertu du droit de jouissance dont il bénéficie sur un immeuble nu dont il est crédit-preneur constitue une location de locaux nus au sens du 2° de l'article 261 D du code général des impôts.,,b) Le moyen tiré par le contribuable de ce que la taxe facturée aux sous-locataires a effectivement été versée au Trésor est inopérant au regard du bien-fondé du rappel de la taxe dont il a opéré indûment la déduction.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - EXEMPTIONS ET EXONÉRATIONS - EXONÉRATION DES LOCAUX NUS (ART - 261 D - 2° - DU CGI) - CHAMP D'APPLICATION - A) INCLUSION - SOUS-LOCATION D'UN IMMEUBLE NU CONSENTIE PAR LE TITULAIRE D'UN CONTRAT DE CRÉDIT-BAIL - B) CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE - TAXE FACTURÉE AU SOUS-LOCATAIRE ET EFFECTIVEMENT VERSÉE AU TRÉSOR.

19-06-02-02 a) La sous-location que le titulaire d'un contrat de crédit-bail consent en vertu du droit de jouissance dont il bénéficie sur un immeuble nu dont il est crédit-preneur constitue une location de locaux nus au sens du 2° de l'article 261 D du code général des impôts.,,b) Le moyen tiré par le contribuable de ce que la taxe facturée aux sous-locataires a effectivement été versée au Trésor est inopérant au regard du bien-fondé du rappel de la taxe dont il a opéré indûment la déduction.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 nov. 2005, n° 257532
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Daniel Fabre
Rapporteur public ?: M. Vallée
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:257532.20051116
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