La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/12/2005 | FRANCE | N°268084

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 12 décembre 2005, 268084


Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 22 avril 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 29 mars 2004 en tant qu'il fixe les Comores comme pays à destination duquel Mlle X... Y sera reconduite ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par Mlle Y devant le tribunal administratif de

Cergy-Pontoise et tendant à l'annulation de la mesure distincte fixant les C...

Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 22 avril 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 29 mars 2004 en tant qu'il fixe les Comores comme pays à destination duquel Mlle X... Y sera reconduite ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par Mlle Y devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et tendant à l'annulation de la mesure distincte fixant les Comores comme pays de destination ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Martine Jodeau-Grymberg, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Mlle Y,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'appel du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS :

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger qui fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, de s'assurer, sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que, si Mlle Y allègue qu'en cas de retour dans son pays d'origine, elle serait contrainte de se marier contre sa volonté, elle ne conteste pas, toutefois, être retournée aux Comores à plusieurs reprises, depuis son entrée en France et n'apporte aucun élément permettant d'apprécier la réalité du risque allégué ; qu'ainsi, les circonstances qu'elle invoque ne permettent pas d'estimer qu'elle pourrait, en cas de retour aux Comores, être soumise à des traitements inhumains ou dégradants au sens des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est, par conséquent, fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté en date du 29 mars 2004 en tant qu'il fixe les Comores comme pays de destination de la reconduite de Mlle Y ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué annulant l'arrêté du 29 mars 2004 en tant qu'il fixe les Comores comme pays de destination ;

Sur l'appel incident de Mlle Y :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Y, ressortissante de la République fédérale islamique des Comores, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 28 février 2004, de la décision du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS du 27 février 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le cas prévu au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans lequel le préfet peut ordonner la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été pris par une autorité régulièrement habilitée à cet effet ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cet acte ne peut qu'être écarté ;

Considérant que l'arrêté litigieux indique les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est ainsi suffisamment motivé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Y, qui s'est inscrite deux années consécutives en première année de DEUG AES à l'Université d'Angers, puis deux autres années consécutives en DEUG d'histoire à l'Université Paris VII-Denis Diderot, ne justifie pas du suivi d'études sérieuses, ni de raisons médicales l'ayant empêchée de suivre ses études pendant ces quatre années ; qu'ainsi, en lui refusant, le 27 février 2004, le renouvellement de son titre de séjour, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'a pas commis d'erreur d'appréciation ; que, par suite, l'exception d'illégalité du refus de séjour soulevée par l'intéressée à l'encontre de la décision de reconduite à la frontière ne peut qu'être écartée ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Y est entrée sur le territoire français en 1999 à l'âge de vingt-trois ans, qu'elle est célibataire et sans charge de famille et est retournée, depuis lors, à plusieurs reprises aux Comores, où vivent ses parents et ses quatre frères et soeurs ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour de Mlle Y, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris l'arrêté attaqué et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle Y n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, qui n'est pas entaché de contradiction de motifs, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2004 en tant qu'il ordonne sa reconduite à la frontière ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 du jugement du 22 avril 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : L'appel incident ainsi que les conclusions de Mlle Y présentées devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2004 en tant qu'il fixe les Comores comme pays de la reconduite sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, à Mlle X... Y et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 268084
Date de la décision : 12/12/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 déc. 2005, n° 268084
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Martine Jodeau-Grymberg
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:268084.20051212
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award