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16/01/2006 | FRANCE | N°270083

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 16 janvier 2006, 270083


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juillet 2004 et 16 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société EUROTRADING CAPITAL MARKET, dont le siège est ... ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision en date du 17 mai 2004 par laquelle la Commission bancaire lui a infligé un blâme et une sanction pécuniaire de 40 000 euros et a ordonné la publication de ces sanctions ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761

-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juillet 2004 et 16 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société EUROTRADING CAPITAL MARKET, dont le siège est ... ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision en date du 17 mai 2004 par laquelle la Commission bancaire lui a infligé un blâme et une sanction pécuniaire de 40 000 euros et a ordonné la publication de ces sanctions ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré présentée le 2 novembre 2005 pour la société EUROTRADING CAPITAL MARKET ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le décret n° 91-160 du 13 février 1991 ;

Vu le règlement n° 97-02 du Comité de la réglementation bancaire et financière ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Maud Vialettes, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société EUROTRADING CAPITAL MARKET et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la commission bancaire et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, que la société EUROTRADING CAPITAL MARKET invoque l'article L. 613-3 du code monétaire et financier dans sa rédaction résultant de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière lequel inclut parmi les membres de la Commission bancaire le président de la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance ou son représentant et l'article L. 613-4 du même code qui précise que la Commission ne délibère valablement, comme en l'espèce, en qualité de juridiction administrative que lorsque la totalité de ses membres sont présents ou représentés ; que toutefois le président de la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance, nouvelle autorité administrative indépendante créée par cette loi, qui constitue au regard de sa composition et de ses fonctions une autorité différente de la commission de contrôle des assurances supprimée par la loi du 1er août 2003, n'a été désigné que par un décret du 17 juillet 2004, postérieur à la décision attaquée comme à la décision de notification des griefs à la société requérante ; que, dès lors, le moyen tiré d'une composition irrégulière de la Commission bancaire, faute d'avoir inclus le président de la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance, n'est pas fondé et doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aucun principe général du droit non plus que les stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne fait obstacle à ce que la Commission bancaire se saisisse elle-même des faits de nature à constituer des manquements ni n'impose la séparation des phases d'instruction et de jugement au sein d'un même procès ; que, de même, dès lors que ni le secrétariat général chargé des contrôles sur place et sur pièces de la Commission, ni les personnes qui procèdent pour lui à ces contrôles, ne prennent part à la décision de la Commission relative aux sanctions susceptibles d'être infligées à l'entreprise contrôlée, la procédure suivie par la Commission bancaire n'est pas contraire à l'exigence d'impartialité rappelée au premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces de la procédure que des observations du secrétariat général en réponse au mémoire en défense de la société aient été élaborées sans être transmises à la société requérante ; que, dès lors, le moyen tiré sur ce point d'un défaut du caractère contradictoire de la procédure manque en fait ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aucune règle ni aucun principe ne fait obstacle à ce que la même personne effectue le contrôle au nom du secrétariat général puis exerce, au sein de celui-ci, les fonctions du chef de service des entreprises d'investissement ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne ressort pas des termes de la décision par laquelle la Commission bancaire a décidé d'ouvrir une procédure disciplinaire à l'encontre de la société requérante que cette décision donne à penser que les faits visés auraient d'ores et déjà été établis ou que leur caractère répréhensible au regard des règles ou principes applicables aurait d'ores et déjà été reconnu ; que la Commission bancaire n'a donc pas méconnu le principe d'impartialité ;

Considérant, en dernier lieu, que la décision attaquée, en ce qu'elle relève des infractions aux dispositions de l'article L. 563-3 du code monétaire et financier et de l'article 32 du règlement n° 97-02 du comité de la réglementation bancaire et financière, est suffisamment motivée ;

Sur le bien-fondé de la décision attaquée :

En ce qui concerne les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux :

Considérant, en premier lieu, qu'en application de l'article L. 563-3 du code monétaire et financier toute opération d'un montant supérieur à 150 000 euros qui se présente dans des conditions inhabituelles de complexité et ne paraît pas avoir de justification économique ou d'objet licite doit faire l'objet de la part de l'organisme financier d'un examen particulier ; que la Commission a retenu que pendant une période inférieure à trois mois des centaines d'ordres avaient été passés notamment sur quatre titres par des clients proches d'une même personne pour des sommes se montant à des millions d'euros ; qu'en relevant à l'encontre de la société requérante que ce phénomène sans aucune justification apparente était de nature à révéler des conditions inhabituelles de complexité, elle n'a pas ajouté une nouvelle condition à celles posées par l'article L. 563-3 susmentionné ; qu'elle ne s'est pas, contrairement à ce qui est soutenu, bornée à déduire le caractère inhabituel des opérations litigieuses de leur seule nature mais s'est attachée au contexte dans lequel elles sont intervenues ; que ce faisant, elle n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en application de l'article L. 563-1 du code monétaire et financier et de l'article 3 du décret du 13 février 1991, les établissements financiers doivent s'assurer de l'identité de leurs clients par la présentation, lorsqu'il s'agit comme en l'espèce de personnes physiques, de documents d'identité portant la photographie de celles-ci et qu'ils doivent également conserver les références ou la copie de ces documents ; qu'il est constant qu'au moment du rapport d'inspection dont la société a été l'objet, il n'a pu être justifié du respect de ces exigences dans des cas représentant une proportion significative des vérifications effectuées ; que si la Commission peut, pour déterminer la nature et l'importance de la sanction, tenir compte de l'ensemble du comportement de la société mise en cause, la circonstance dont se prévaut celle-ci selon laquelle les pièces manquantes ont été ultérieurement produites ne faisait pas obstacle, dans les circonstances de l'espèce, à ce qu'une sanction lui soit infligée pour les manquements qu'elle a antérieurement commis ; que, dès lors, la décision de la Commission n'est pas sur ce point non plus entachée d'erreur de droit ;

Considérant, en troisième lieu, que pour mettre en cause des défauts de déclarations à Tracfin en méconnaissance de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier qui visent les sommes ou opérations qui pourraient provenir du trafic de stupéfiants ou d'activités criminelles organisées, la Commission s'est fondée sur l'existence de chèques et de virements, dans un sens puis en sens inverse, pour des montants très élevés, en provenance de territoires défiscalisés ; qu'elle a pu juger sans erreur de droit ni dénaturation des pièces du dossier que ces anomalies auraient dû inciter la société à entreprendre les vérifications nécessaires même si elle n'avait pas la responsabilité de la tenue des comptes et que l'absence de ces diligences était constitutive d'une infraction à l'article L. 562-2 du code monétaire et financier ;

En ce qui concerne le contrôle interne :

Considérant qu'en retenant, comme le rapport d'inspection, que le contrôle interne de la société requérante présentait des lacunes tant au stade de la réalisation des opérations qu'à celui de la vérification périodique des procédures et des dispositifs mis en oeuvre et qu'en particulier, l'usage d'écrans dits délocalisés mis à sa disposition par la société Forties Securities était affecté de graves incertitudes sur les opérations réalisées et les responsabilités qui pouvaient s'ensuivre, alors que le règlement n° 97-02 du Comité de la réglementation bancaire et financière imposait la mise en place de deux niveaux de contrôle, la Commission n'a pas commis d'erreur de droit ;

Sur le caractère disproportionné de la sanction infligée :

Considérant qu'il n'appartient pas au juge de cassation, en l'absence de dénaturation, d'apprécier la proportionnalité de la sanction par rapport aux manquements retenus ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société EUROTRADING CAPITAL MARKET n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme de 10 000 euros que demande la société requérante à ce titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société EUROTRADING CAPITAL MARKET est rejetée.

Article 2 :La présente décision sera notifiée à la société EUROTRADING CAPITAL MARKET, à la Commission bancaire et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 270083
Date de la décision : 16/01/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jan. 2006, n° 270083
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:270083.20060116
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