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31/05/2006 | FRANCE | N°255390

France | France, Conseil d'État, 5eme sous-section jugeant seule, 31 mai 2006, 255390


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 mars 2003, présentée par M. Yannick A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 28 janvier 2003 par lequel le Président de la République lui a infligé la sanction de la mise à la retraite d'office ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à la reconstitution de sa carrière ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 93 300 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de

cette décision ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros en applicatio...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 mars 2003, présentée par M. Yannick A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 28 janvier 2003 par lequel le Président de la République lui a infligé la sanction de la mise à la retraite d'office ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à la reconstitution de sa carrière ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 93 300 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de cette décision ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 78 ;17 du 6 janvier 1978 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 ;

Vu le décret n° 84 ;961 du 25 octobre 1984 ;

Vu le décret n° 95-655 du 9 mai 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Campeaux, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que dans le dernier état de ses écritures, M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 28 janvier 2003 par lequel le Président de la République lui a infligé la sanction de la mise à la retraite d'office et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à la reconstitution de sa carrière ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

Considérant que la circonstance que les supérieurs hiérarchiques de M. A qui ont engagé la procédure disciplinaire à son encontre aient eu part aux évènements ayant motivé cet engagement n'a pu entacher, à elle seule, la régularité de la procédure suivie préalablement à la décision infligeant une sanction à l'intéressé ; que, contrairement à ce que soutient ce dernier, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n'imposait à ses supérieurs hiérarchiques de le mettre en mesure d'être assisté d'un conseil ou de l'informer qu'il pouvait conserver le silence lors de l'entretien qui s'est déroulé le 2 juillet 2002 au sujet de son refus de se rendre à la visite médicale de contrôle à laquelle il était convoqué, ni de le faire entendre par un autre service préalablement à l'engagement de la procédure disciplinaire proprement dite ;

Considérant que si M. A soutient que les mentions de date et d'heure figurant sur les documents transmis par l'autorité hiérarchique aux services compétents afin de déclencher la procédure disciplinaire sont erronées, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la régularité de la procédure disciplinaire ;

Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 : (…) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier (…) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a reçu communication de son dossier disciplinaire le 18 novembre 2002, soit deux semaines avant la séance du conseil de discipline ; que la circonstance qu'il n'ait eu communication de l'ensemble de son dossier disciplinaire que plusieurs mois après sa première demande est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie, dès lors qu'il a disposé d'un délai suffisant pour prendre connaissance des faits qui lui étaient reprochés, consulter son dossier et produire des observations en défense versées au dossier soumis au conseil de discipline ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les moyens tirés de ce que le dossier disciplinaire de M. A aurait comporté des éléments couverts par le secret médical et révélerait l'existence d'un traitement automatisé d'informations nominatives illégal manquent en fait ;

Considérant que la circonstance que le dossier de M. A ait mentionné une première sanction infligée en 1990 et ultérieurement annulée par décision juridictionnelle, ainsi qu'une deuxième sanction infligée en 1994 pour des faits désormais amnistiés, est sans incidence sur la régularité de la procédure disciplinaire suivie à son encontre dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la séance du conseil de discipline du 2 décembre 2002 ainsi que des motifs mêmes du décret attaqué, que la sanction disciplinaire contestée n'a été motivée que par les faits qui se sont produits le 2 juillet 2002 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix (…) ; que si M. A soutient que le conseil de discipline aurait irrégulièrement refusé d'entendre un témoin, il ne ressort pas des pièces du dossier, en tout état de cause, que l'intéressé ait clairement exprimé son intention de citer un tel témoin ;

Considérant que si M. A soutient que, faute pour l'administration de lui avoir accordé le bénéfice des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les droits de la défense ont été méconnus au cours de la procédure disciplinaire, ces dispositions, qui établissent une obligation de protection à la charge de la collectivité publique et au profit des fonctionnaires lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à l'occasion de leurs fonctions, ne lui étaient pas applicables ;

Considérant que M. A ne peut utilement soutenir que les procès-verbaux dressés lors de la procédure disciplinaire n'ont pas été établis conformément aux dispositions du code de procédure pénale ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des témoignages recueillis dans plusieurs procès-verbaux, que, le 2 juillet 2002, M. A a sans raison sérieuse refusé de déférer à une convocation du service médical de la police de Marseille alors qu'il avait cumulé 654 jours d'arrêt maladie en trois ans ; que lorsqu'il a été entendu, le même jour, par ses supérieurs hiérarchiques pour s'en expliquer, il a fait preuve à l'égard de ceux-ci d'un comportement grossier et violent ; que l'ensemble de ces faits, dont la matérialité est établie contrairement à ce que soutient le requérant, constitue un manquement aux obligations statutaires et déontologiques de respect dû à l'autorité hiérarchique, de dignité dans les fonctions et d'exemplarité qui s'imposent aux fonctionnaires de police, notamment aux fonctionnaires du corps de conception et de direction de la police nationale, de nature à justifier une sanction disciplinaire ; que la sanction de la mise à la retraite d'office de M. A, prononcée par le décret du 28 janvier 2003 à raison de ces faits, n'est pas manifestement disproportionnée ;

Considérant que le détournement de procédure allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Yannick A, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 5eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 255390
Date de la décision : 31/05/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mai. 2006, n° 255390
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hubac
Rapporteur ?: M. Thomas Campeaux
Rapporteur public ?: M. Chauvaux
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:255390.20060531
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