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19/06/2006 | FRANCE | N°268940

France | France, Conseil d'État, 8eme et 3eme sous-sections reunies, 19 juin 2006, 268940


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 juin et 15 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE MARNE-ET-CHAMPAGNE, devenue la SOCIETE LANSON INTERNATIONAL, dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE MARNE-ET-CHAMPAGNE, devenue la SOCIETE LANSON INTERNATIONAL, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 15 avril 2004 par laquelle le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendan

t à l'annulation du jugement du 14 octobre 2003 du tribunal administrat...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 juin et 15 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE MARNE-ET-CHAMPAGNE, devenue la SOCIETE LANSON INTERNATIONAL, dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE MARNE-ET-CHAMPAGNE, devenue la SOCIETE LANSON INTERNATIONAL, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 15 avril 2004 par laquelle le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 14 octobre 2003 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1990 et 1991 et sa requête tendant au sursis à l'exécution de ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE MARNE-ET-CHAMPAGNE, devenue LANSON INTERNATIONAL,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : … La requête (…) contient l'exposé des faits et moyens (…) / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la SOCIETE MARNE-ET-CHAMPAGNE a présenté, dans le délai de recours, devant la cour administrative d'appel de Nancy un mémoire d'appel qui ne constituait pas la seule reproduction littérale de son mémoire de première instance et énonçait à nouveau, de manière précise, les motifs de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 1990 à 1992 qu'elle avait présentée devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 précité du code de justice administrative ; que, par suite, en rejetant cette requête comme non recevable, le président de la deuxième chambre de la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ; que son ordonnance en date du 15 avril 2004 doit, par suite, être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE MARNE-ET- CHAMPAGNE avait déposé en 1974, en 1980 et en 1984 trois marques utilisant seul ou en combinaison le patronyme Y... ; que sous ces trois marques, elle commercialisait près de trois millions de bouteilles de vins de Champagne de sa production ; que la famille de Y... n'ayant pas accepté de céder l'usage de son nom patronymique, la société requérante s'est vue signifier en 1980 et 1984 quatre assignations à la suite de l'introduction d'instances contre cette utilisation par plusieurs membres de cette famille, par le groupement foncier agricole de la baronne de Y..., par la société civile Château Lafitte Y..., et par la société anonyme Baron X... de Y... ; que le tribunal de grande instance de Paris a, par jugement en date du 3 janvier 1986, annulé les marques irrégulièrement déposées, fait interdiction à la société requérante de faire usage de quelque manière que ce soit de la dénomination Y... et l'a condamnée à verser à l'ensemble des parties une somme à titre de réparation ; que, par un arrêt en date du 9 février 1988, la cour d'appel de Paris a annulé ce jugement sauf en ce qu'il prononçait l'annulation des marques en cause ; que, par un arrêt en date du 28 novembre 1989, la cour de cassation a annulé l'arrêt de la cour d'appel de Paris dans toutes ses dispositions à l'exception de celle relative à la marque Y... et renvoyé les parties devant la cour d'appel ; que ces parties ont conclu dans le courant de l'année 1991 une transaction aux termes de laquelle elles s'engageaient à se désister de toutes les instances, la SOCIETE MARNE-ET-CHAMPAGNE à renoncer aux effets du dépôt par elle des marques litigieuses et à verser aux consorts Y... une somme globale de quarante millions de francs à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis, et les consorts Y... à consentir à la société requérante une tolérance d'usage de la marque Alfred Y... et Cie jusqu'au 18 octobre 1998 ; que la société requérante a déduit des résultats de son exercice clos en 1991 le montant de l'indemnité due en application de cette transaction ; que l'administration fiscale a regardé cette indemnité comme rémunérant rétroactivement l'usage antérieur du patronyme Y... et par suite comme exposée pour l'acquisition d'un élément d'actif immobilisé et a remis en cause cette déduction ; que, par jugement en date du 14 octobre 2003 le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a notamment rejeté les conclusions de la société requérante dirigées contre ce redressement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête devant la cour administrative d'appel de Nancy :

Considérant qu'aux termes de l'article 38-2 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt. (…) L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du contenu de la transaction en cause que l'indemnité versée en 1991 par la SOCIETE MARNE-ET- CHAMPAGNE aux consorts Y... est la contrepartie de la renonciation par ces derniers aux instances judiciaires rappelées ci-dessus, qui visaient à mettre fin à l'utilisation qu'ils jugent abusive du nom de Y... dans les marques sous lesquelles étaient commercialisés les vins de champagne de la SOCIETE MARNE-ET-CHAMPAGNE et à obtenir réparation du préjudice causé par cet usage en termes d'image sur les activités économiques qu'ils développaient sous leur nom ; que, par suite, si la société requérante est autorisée par simple tolérance à faire usage de la seule marque Alfred Y... et Cie pendant une durée et pour des quantités limitées, l'indemnité transactionnelle en cause ne rémunère ni cet usage précaire ni l'usage passé des marques litigieuses mais correspond seulement à ce préjudice ; qu'elle n'a, dès lors, en tout état de cause, pas le caractère de contrepartie de l'acquisition d'un élément de l'actif immobilisé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE MARNE-ET-CHAMPAGNE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'année 1991 en tant qu'elles résultent de la réintégration de l'indemnité transactionnelle dans ses résultats ;

Sur les conclusions de la SOCIETE LANSON INTERNATIONAL devant la cour administrative d'appel de Nancy et devant le Conseil d'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros à la SOCIETE LANSON INTERNATIONAL au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du président de la deuxième chambre de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 15 avril 2004 est annulée.

Article 2 : La SOCIETE MARNE-ET-CHAMPAGNE, devenue LANSON INTERNATIONAL, est déchargée du supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 1991 du chef de la réintégration dans ses résultats de l'indemnité versée aux consorts Y... en application de la transaction conclue en 1991.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 14 octobre 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à la SOCIETE LANSON INTERNATIONAL une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE LANSON INTERNATIONAL et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8eme et 3eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 268940
Date de la décision : 19/06/2006
Sens de l'arrêt : Décharge de l'imposition
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2006, n° 268940
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Patrick Quinqueton
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:268940.20060619
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