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30/06/2006 | FRANCE | N°284859

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 30 juin 2006, 284859


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 septembre 2005 et 9 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE LABASTIDE DE VIRAC (Ardèche), représentée par son maire ; la COMMUNE DE LABASTIDE DE VIRAC demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 7 juillet 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, à la demande de l'association FRAPNA Ardèche, a annulé, d'une part, le jugement du 17 octobre 2001 du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande d'annulation de la délibération

du 26 octobre 1999 du conseil municipal de Labastide de Virac décidan...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 septembre 2005 et 9 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE LABASTIDE DE VIRAC (Ardèche), représentée par son maire ; la COMMUNE DE LABASTIDE DE VIRAC demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 7 juillet 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, à la demande de l'association FRAPNA Ardèche, a annulé, d'une part, le jugement du 17 octobre 2001 du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande d'annulation de la délibération du 26 octobre 1999 du conseil municipal de Labastide de Virac décidant l'application anticipée de certaines dispositions du plan d'occupation des sols en cours de révision et, d'autre part, cette délibération ;

2°) statuant au fond, de rejeter la requête présentée par l'association FRAPNA Ardèche devant la cour administrative d'appel de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de l'association FRAPNA Ardèche le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Anne Courrèges, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Haas, avocat de la COMMUNE DE LABASTIDE DE VIRAC,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le juge d'appel, auquel est déféré un jugement ayant rejeté au fond des conclusions sans que le juge de première instance ait eu besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées devant lui, ne peut faire droit à ces conclusions qu'après avoir écarté expressément ces fins de non ;recevoir, dès lors que le défendeur ne les a pas abandonnées en appel ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la COMMUNE DE LABASTIDE DE VIRAC avait opposé devant le tribunal administratif de Lyon deux fins de non ;recevoir tirées, l'une, de l'absence d'intérêt pour agir de l'association FRAPNA Ardèche, l'autre, du défaut d'habilitation du signataire de la demande de première instance ; que la cour administrative d'appel de Lyon a fait droit aux conclusions de l'association tendant à l'annulation de la délibération du 26 octobre 1999 du conseil municipal de Labastide de Virac décidant l'application anticipée de certaines dispositions du plan d'occupation des sols en cours de révision sans avoir au préalable écarté ces fins de non ;recevoir qui n'avaient pas été abandonnées par la commune ; que, par suite, son arrêt a été rendu dans des conditions irrégulières et doit, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative ;

Sur les fins de non ;recevoir opposées en première instance et en appel par la COMMUNE DE LABASTIDE DE VIRAC :

Considérant, en premier lieu, que l'association FRAPNA Ardèche, en sa qualité d'association de protection de l'environnement agréée au sens de l'article L. 141 ;1 du code de l'environnement, justifie, en application des dispositions de l'article L. 142 ;1 du même code, d'un intérêt pour demander l'annulation de la délibération attaquée ;

Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de l'absence d'habilitation donnée, en vertu des statuts de l'association FRAPNA Ardèche, par le conseil d'administration de cette association à son vice ;président pour signer la demande de première instance et la requête d'appel manque en fait ;

Considérant, en troisième lieu, que l'association FRAPNA Ardèche a contesté devant le tribunal administratif de Lyon la légalité tant de la délibération du 26 octobre 1999 du conseil municipal de Labastide de Virac décidant l'application anticipée de certaines dispositions du plan d'occupation des sols en cours de révision que de la délibération du 8 février 2000 de ce conseil municipal approuvant la révision globale du plan d'occupation des sols ; que le tribunal administratif a rejeté ses contestations par deux jugements en date du 17 octobre 2001 ; que, par une requête unique, l'association a formé appel de ces deux jugements devant la cour administrative d'appel de Lyon ; que si les conclusions d'une requête qui sont dirigées contre plusieurs décisions juridictionnelles sont recevables dans leur totalité si elles présentent entre elles un lien suffisant, il ressort, en tout état de cause, des pièces du dossier que les conclusions présentées par l'association contre chacun des deux jugements ont été enregistrées séparément par le greffe de la cour administrative d'appel de Lyon et ont fait l'objet d'une instruction distincte ; que, d'ailleurs, les conclusions dirigées contre le jugement se prononçant sur la légalité de la délibération du 8 février 2000 ont été accueillies par un arrêt de cette cour en date du 7 juillet 2005, qui n'est pas en cause en l'espèce ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'appel de l'association serait irrecevable comme visant deux jugements distincts ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que si l'appel de l'association FRAPNA Ardèche n'a été enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon que le jeudi 10 janvier 2002, alors que le délai d'appel expirait le mercredi 9 janvier 2002, il ressort des pièces du dossier que cette requête avait été postée dès le samedi 5 janvier 2002 ; que, dans ces conditions et même en prenant en considération la période à laquelle cet envoi est intervenu, le pli contenant la requête doit être regardé comme ayant été remis au service postal en temps utile pour parvenir à la juridiction compétente dans le délai d'appel ;

Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance que l'envoi postal comportant la notification de la requête d'appel de l'association, en application de l'article R. 600 ;1 du code de l'urbanisme, ait également contenu la notification d'une autre demande contentieuse n'est pas de nature à entacher d'irrégularité cette notification ;

Considérant, enfin, que, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE LABASTIDE DE VIRAC, la requête de l'association FRAPNA Ardèche contient l'énoncé des moyens sur lesquels est fondé l'appel dans des conditions satisfaisant aux exigences de l'article R. 411 ;1 du code de justice administrative ;

Sur la légalité de la délibération du 26 octobre 1999 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 123 ;4 du code de l'urbanisme alors en vigueur : « (…) A compter de la décision prescrivant la révision d'un plan d'occupation des sols, le conseil municipal peut décider de faire application anticipée des nouvelles dispositions du plan en cours d'établissement dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, dès lors que cette application : / (...) c) n'a pas pour objet ou pour effet (...) de réduire de façon sensible une protection édictée en raison de la valeur agricole des terres, des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels » ;

Considérant que, par la délibération attaquée du 26 octobre 1999, le conseil municipal de la COMMUNE DE LABASTIDE DE VIRAC a décidé l'application anticipée de trois dispositions du projet de plan d'occupation des sols en cours de révision consistant, d'une part, dans la création de deux sous ;secteurs classés NDt au lieu ;dit Combe Regord et au lieu ;dit Mas de Serret, anciennement classés en zone ND, d'une superficie respective de 4,50 hectares et 5,22 hectares, d'autre part, dans le reclassement en zones ND avec protection complète de 11,80 hectares de zones NDt disséminées sur l'ensemble du territoire ;

Considérant que si, aux termes du règlement du plan d'occupation des sols mis en révision, le règlement de la zone ND tend à assurer la protection des zones naturelles en raison de la qualité des sites, des milieux naturels et des paysages et ne permet que l'extension limitée des bâtiments existants, le déclassement en zone NDt autorise l'implantation de terrains de camping assortie de la possibilité de réaliser des constructions nouvelles et les installations nécessaires à leur exploitation, y compris les piscines et les aires de stationnement ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en raison notamment de la situation des zones concernées au sein d'un ensemble naturel de grande valeur, notamment de celle du Mas de Serret à proximité du rebord du plateau dominant les gorges de l'Ardèche, et de leurs caractéristiques propres ayant en particulier conduit à retenir la zone du Mas de Serret dans l'inventaire des ZNIEFF de type I, la révision du plan d'occupation des sols, par les aménagements qu'elle rend possibles, aura pour effet de réduire sensiblement les protections édictées pour les secteurs considérés par le plan d'occupation des sols mis en révision, sans que la COMMUNE DE LABASTIDE DE VIRAC puisse se prévaloir de la faible superficie des surfaces en cause par rapport à celle de l'ensemble des zones ND, ni de ce que, du fait du reclassement concomitant de zones NDt disséminées sur le territoire communal en zone ND, la superficie des zones dont la protection se trouve ainsi accrue est supérieure à celle des zones dont la protection est réduite ; qu'ainsi et alors même qu'il s'agirait de prendre en compte l'existence d'un terrain de camping déjà existant, la délibération attaquée de mise en application anticipée des dispositions du plan d'occupation des sols en cours de révision relatives aux zones NDt, y compris en ce qu'elle reclasse en zones ND avec protection complète des zones NDt disséminées et dès lors que les dispositions litigieuses forment un ensemble indivisible, a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 123 ;4 du code de l'urbanisme et doit, pour ce motif, être annulée ;

Considérant que, pour l'application de l'article L. 600 ;4 ;1 du code de l'urbanisme, les autres moyens, tirés des insuffisances des documents accompagnant la mise en application anticipée du plan d'occupation des sols et du détournement de pouvoir, n'apparaissent pas de nature à justifier l'annulation de la délibération attaquée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association FRAPNA Ardèche est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre la délibération du conseil municipal de Labastide de Virac du 26 octobre 1999 décidant l'application anticipée de dispositions du plan d'occupation des sols en cours de révision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association FRAPNA Ardèche la somme demandée par la COMMUNE DE LABASTIDE DE VIRAC au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune une somme de 500 euros à verser à l'association appelante au même titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 7 juillet 2005 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 17 octobre 2001 et la délibération du conseil municipal de Labastide de Virac en date du 26 octobre 1999 portant application anticipée du plan d'occupation des sols en cours de révision, sont annulés.

Article 3 : La COMMUNE DE LABASTIDE DE VIRAC versera une somme de 500 euros à l'association FRAPNA Ardèche au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE LABASTIDE DE VIRAC est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE LABASTIDE DE VIRAC, à l'association FRAPNA Ardèche et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 284859
Date de la décision : 30/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2006, n° 284859
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mlle Anne Courrèges
Rapporteur public ?: M. Devys
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:284859.20060630
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