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27/07/2006 | FRANCE | N°278005

France | France, Conseil d'État, 6eme sous-section jugeant seule, 27 juillet 2006, 278005


Vu l'ordonnance du 17 février 2005, enregistrée le 25 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a transmis, en application de l'article R. 341-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par M. Y... Ali A et X... Zakia B ;

Vu, 1°), sous le n° 278005, la requête enregistrée le 2 août 2004 au greffe du tribunal administratif de Nantes, présentée par M. Y... Ali A et X... Zakia B, demeurant ... ; les requérants demandent au juge administratif :

1°) d'annuler

pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle l'ambassadeur de F...

Vu l'ordonnance du 17 février 2005, enregistrée le 25 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a transmis, en application de l'article R. 341-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par M. Y... Ali A et X... Zakia B ;

Vu, 1°), sous le n° 278005, la requête enregistrée le 2 août 2004 au greffe du tribunal administratif de Nantes, présentée par M. Y... Ali A et X... Zakia B, demeurant ... ; les requérants demandent au juge administratif :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle l'ambassadeur de France à Moroni (Comores) a refusé un visa d'entrée en France à Mme B, ensemble la décision du 23 juin 2004 par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre ce refus ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de délivrer le visa demandé dans les huit jours suivant la décision de justice à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de leur séparation forcée ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°), sous le n° 280394, la requête enregistrée le 11 mai 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par M. Y... Ali A et X... Zakia B, demeurant ... ; les requérants demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle l'ambassadeur de France à Moroni (Comores) a refusé un visa d'entrée en France à Mme B, ensemble la décision du 23 juin 2004 par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre ce refus ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 mars 2005 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre ces décisions ;

3°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de délivrer le visa demandé, sous astreinte de 150 euros par jour à compter de la décision de justice à intervenir ;

4°) de condamner l'État au versement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de leur séparation forcée ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Richard Senghor, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les conclusions aux fins d'annulation présentées dans les requêtes n° 278005 et 280394 doivent être regardées comme dirigées, notamment, contre la même décision du 10 mars 2005 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; qu'ainsi, il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant que M. A et son épouse, Mme B, ressortissants comoriens, demandent au Conseil d'État d'annuler la décision implicite par laquelle l'ambassadeur de France à Moroni (Comores) a refusé un visa d'entrée en France à Mme B, ensemble la décision du 23 juin 2004 par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre ce refus, ainsi que la décision du 10 mars 2005 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre ces décisions ; qu'il résulte toutefois du décret du 10 novembre 2000 que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, instituée par ce décret, se substitue entièrement au refus initial opposé par les autorités diplomatiques ou consulaires ; qu'ainsi les conclusions des requérants dirigées contre les décisions de l'ambassadeur de France à Moroni et du ministre des affaires étrangères sont irrecevables et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

Considérant que si le visa litigieux a été demandé dans le cadre d'une procédure de regroupement familial, engagée en vue de permettre à Mme B de rejoindre son époux en France, qui a donné lieu le 7 juin 2002 à un avis favorable du préfet de Seine-Saint-Denis, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que l'autorité consulaire usât du pouvoir qui lui appartient de refuser l'entrée de la requérante en France, en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public ; qu'au nombre des motifs d'ordre public de nature à fonder légalement le refus de délivrance d'un visa sollicité dans le cadre de la procédure du regroupement familial, figure la circonstance que les documents produits pour établir le lien matrimonial et l'identité des époux seraient, notamment en raison de leur caractère frauduleux, dépourvus de valeur probante ;

Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que si l'extrait d'acte de mariage produit par les requérants comporte, ainsi que le soutient le ministre, une surcharge affectant la mention de « Moroni » comme lieu de naissance de M. A, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à mettre en cause l'existence d'un lien matrimonial entre ce dernier et Mme B ; que si la validité de l'acte de naissance du requérant, dressé en 1960, ne peut être vérifiée sur les registres de l'état civil des Comores, du fait de la destruction des documents correspondant aux années antérieures à 1977, il ressort des pièces du dossier que M. A produit également, à l'appui de sa demande, la copie d'un jugement supplétif du 16 octobre 1960 du cadi de Moroni, dont la validité n'est pas mise en cause par le ministre et dont le contenu corrobore l'extrait contesté ; qu'enfin, si l'acte de naissance dont la requérante produit une copie intégrale a été dressé, ainsi que le soutient le ministre, sur la base d'un jugement supplétif, rendu par le 11 mars 1996 par le cadi de Moroni, qui n'a pas été homologué par un tribunal de première instance, cette seule circonstance ne saurait dans les circonstances de l'espèce, permettre d'opposer à l'intéressée qu'elle se serait prévalue d'une fausse identité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en rejetant la demande des intéressés au motif que ni leur lien matrimonial, ni leur identité ne pouvaient être tenus pour établis, la commission a inexactement apprécié les faits de l'espèce ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que les requérants sont fondés à demander l'annulation de la décision attaquée du 10 mars 2005 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;

Considérant qu'eu égard à ses motifs, l'exécution de la présente décision implique normalement la délivrance d'un visa d'entrée en France à Mme B ; que, toutefois, il appartient au Conseil d'Etat, lorsqu'il est saisi, sur le fondement des dispositions précitées, de conclusions tendant à ce que soit prescrite une mesure d'exécution dans un sens déterminé, de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision ; qu'invités par lettre du président de la sixième sous-section de la section du contentieux du Conseil d'État à faire savoir si la situation de Mme B avait été modifiée, en fait ou en droit, depuis l'intervention de la décision litigieuse, dans des conditions telles que sa demande serait devenue sans objet, ou que des circonstances postérieures à la date de cette décision permettraient désormais de fonder légalement une nouvelle décision de rejet, les requérants et le ministre des affaires étrangères ont indiqué qu'aucune modification n'avait affecté la situation de l'intéressée ; que, par suite, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de prescrire à l'autorité compétente de délivrer à Mme B le visa demandé dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; que, dans les circonstance de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant que les conclusions des requérants tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer les préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision attaquée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, qui n'ont, en tout état de cause, pas fait l'objet d'une demande préalable à l'administration, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que doivent être rejetées les conclusions présentées par le ministre, tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de l'État le paiement à chacun des requérants de la somme de 1 500 euros au titre des frais que ceux-ci ont exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision du 10 mars 2005 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des affaires étrangères de délivrer un visa d'entrée en France à Mme B dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera d'une part à M. A et d'autre part à Mme B une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. A et Mme B et les conclusions présentées par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Y... Ali A, à X... Zakia B et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : 6eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 278005
Date de la décision : 27/07/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2006, n° 278005
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Bonichot
Rapporteur ?: M. Richard Senghor
Rapporteur public ?: M. Aguila

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:278005.20060727
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