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10/11/2006 | FRANCE | N°271520

France | France, Conseil d'État, 10eme et 9eme sous-sections reunies, 10 novembre 2006, 271520


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 25 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 24 juin 2004, en tant que, faisant partiellement droit à l'appel formé par la société anonyme d'économie mixte locale Sovameuse contre le jugement du 28 décembre 1999 du tribunal administratif de Nancy rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplém

entaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie ...

Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 25 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 24 juin 2004, en tant que, faisant partiellement droit à l'appel formé par la société anonyme d'économie mixte locale Sovameuse contre le jugement du 28 décembre 1999 du tribunal administratif de Nancy rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1991 et 1992, il a réformé ledit jugement et accordé à la société une décharge de l'imposition litigieuse correspondant au régime d'exonération prévu par les dispositions de l'article 44 sexies du code général des impôts ;

2°) statuant au fond, de rejeter la requête présentée par la SAEML Sovameuse devant la cour administrative d'appel de Nancy ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la société SAEML Sovameuse,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : «I. Les entreprises créées à compter du 1er octobre 1988 soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. Les bénéfices ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié ou les trois quarts de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la seconde ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération... /III. les entreprises créées dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activités préexistantes ou qui reprennent de telles activités ne peuvent pas bénéficier du régime défini au paragraphe I. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société anonyme d'économie mixte locale (SAEML) Sovameuse a été créée en 1989, notamment par la commune de Verdun, le département de la Meuse et des entreprises privées, afin de mettre en place un dispositif de traitement des ordures ménagères conforme aux normes en vigueur ; que l'administration fiscale lui a refusé le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 sexies précité du code général des impôts au titre des exercices clos en 1991 et 1992, au motif que, son activité consistant en la reprise et l'extension d'activités préexistantes, elle ne pouvait être regardée comme une entreprise nouvelle au sens de cet article ; que, par les articles 1er, 2 et 4 de son arrêt en date du 24 juin 2004, la cour administrative d'appel de Nancy, faisant partiellement droit à l'appel formé par la SAEML Sovameuse contre le jugement du 28 décembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1991 et 1992, a accordé à la société le bénéfice du régime d'exonération prévu par l'article 44 sexies du code général des impôts, prononcé dans cette mesure la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés assignées à la société et réformé en conséquence le jugement du tribunal administratif de Nancy ; que le ministre demande l'annulation des articles 1er, 2 et 4 de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il ne ressort pas des dispositions précitées de l'article 44 sexies du code général des impôts, eu égard à leur objet, que le législateur ait entendu limiter aux seules activités économiques exercées par une entreprise, celles dont la restructuration, l'extension ou la reprise par une entreprise nouvellement créée exclut celle-ci du bénéfice des avantages fiscaux consentis aux entreprises nouvelles ; que c'est, dès lors, au prix d'une erreur de droit que la cour administrative d'appel de Nancy a jugé que les activités préexistantes au sens de l'article 44 sexies précité du code général des impôts ne peuvent être que des activités économiques exercées par une entreprise en tant que telle, à l'exclusion de celles exercées par une collectivité publique ; que les articles 1er, 2 et 4 de l'arrêt attaqué doivent, par suite, être annulés ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant en premier lieu, qu'en excluant du champ d'application de l'exonération instituée par l'article 44 sexies du code général des impôts les entreprises « créées dans le cadre … d'une extension d'activités préexistantes », le législateur n'a entendu refuser le bénéfice de cet avantage fiscal qu'aux entreprises qui, eu égard à la similarité ou à la complémentarité de leur objet par rapport à celui d'entités préexistantes et aux liens de dépendance qui les unissent à ces dernières, sont privées de toute autonomie réelle et constituent de simples émanations de ces entités préexistantes ; qu'il résulte de l'instruction que la SAEML Sovameuse, créée ainsi qu'il a été dit pour mettre en place un dispositif de traitement des déchets, a, afin de créer les conditions d'une exploitation rentable de l'usine de tri et d'incinération qu'elle projetait de construire, conclu des contrats d'importation de déchets avec des sociétés allemandes, créé une station de transit pour le compactage de ces déchets et fait procéder à leur traitement dans une déchetterie ; que ces activités ne sauraient être regardées comme la simple extension ni des activités de collecte réalisées par les collectivités publiques actionnaires de la SAEML, ni de celles de la société Dectra, entreprise spécialisée dans le traitement des déchets à laquelle la SAEML a confié, par voie de sous-traitance, la gestion opérationnelle des équipements mentionnés ci-dessus ;

Considérant en second lieu, que la restructuration d'une activité préexistante est caractérisée par l'identité au moins partielle de l'activité, l'existence de liens privilégiés entre les deux entités concernées et le transfert de moyens d'exploitation de l'activité préexistante vers l'entreprise créée ; qu'il ne résulte en tout état de cause pas de l'instruction que des transferts de moyens d'exploitation aient été opérés au profit de la SAEML ni de la part des collectivités territoriales, ni de la part de la société Dectra ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAEML Sovameuse est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de NANCY a, par son jugement du 28 décembre 1999, refusé de lui reconnaître le droit à l'avantage fiscal prévu par l'article 44 sexies du code général des impôts et rejeté sa demande de décharge des impositions correspondantes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3000 euros au titre des frais exposés par la SAEML Sovameuse et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 24 juin 2004 sont annulés.

Article 2 : La SAEML Sovameuse est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés correspondant au refus de lui accorder le régime d'exonération défini à l'article 44 sexies du code général des impôts au titre des exercices clos en 1991 et 1992.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 28 décembre 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 3000 euros à la SAEML Sovameuse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la SAELM Sovameuse.


Synthèse
Formation : 10eme et 9eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 271520
Date de la décision : 10/11/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2006, n° 271520
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Jean-Claude Hassan
Rapporteur public ?: Mlle Verot
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:271520.20061110
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