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11/01/2007 | FRANCE | N°293941

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 11 janvier 2007, 293941


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai 2006 et 15 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Denis A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 21 avril 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 2 février 2006 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a réintégré dans ses fonctions de surveillant principal au centre p

énitentiaire de Marseille et l'a autorisé à exercer ses fonctions à mi-te...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai 2006 et 15 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Denis A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 21 avril 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 2 février 2006 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a réintégré dans ses fonctions de surveillant principal au centre pénitentiaire de Marseille et l'a autorisé à exercer ses fonctions à mi-temps thérapeutique pour une période de trois mois valable du 2 janvier 2006 au 1er avril 2006 et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder à sa réintégration à la maison d'arrêt de Nice et au rétablissement de son plein traitement à compter du 2 janvier 2006 ;

2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 2 février 2006 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A, alors surveillant d'établissement pénitentiaire à la maison d'arrêt de Nice, a fait l'objet, par une décision en date du 29 septembre 2000, confirmée par un arrêté du 3 octobre suivant du garde des sceaux, ministre de la justice, d'une mutation d'office au centre de détention d'Argentan, à l'encontre de laquelle il a formé un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Nice, assorti d'une demande de suspension ; que le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, par une décision du 3 décembre 2001, annulé l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice avait rejeté la demande de suspension dont il était saisi et a suspendu l'exécution de l'arrêté du 3 octobre 2000 ; que, par un arrêté en date du 27 août 2002, qui n'a pas fait l'objet de recours, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rapporté l'arrêté du 3 octobre 2000 et affecté M. A au centre pénitentiaire de Marseille à compter du 9 septembre 2002 ; que le tribunal administratif de Nice, par un jugement en date du 27 février 2004 devenu définitif, après avoir considéré que l'arrêté du 27 août 2002 avait entendu non pas faire disparaître rétroactivement l'arrêté du 3 octobre 2000, mais seulement mettre fin à ses effets pour l'avenir, a prononcé son annulation et a estimé que ce jugement impliquait que M. A soit réaffecté à la maison d'arrêt de Nice, alors même qu'il avait fait l'objet en cours d'instance d'une nouvelle mutation au centre pénitentiaire de Marseille ; qu'il a d'ailleurs, par voie de conséquence, enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder à cette réintégration dans un délai de deux mois ; que M. A, qui avait été placé, depuis le 2 janvier 2001, en congé de longue maladie, puis en congé de longue durée, a été réintégré dans ses fonctions de surveillant principal au centre pénitentiaire de Marseille par un arrêté du 2 février 2006 ; que l'intéressé se pourvoit en cassation contre l'ordonnance en date du 21 avril 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de suspension de l'arrêté du 2 février 2006 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) » ;

Considérant qu'en estimant que n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 2 février 2006 réintégrant M. A, à l'issue de son congé de longue durée, au centre pénitentiaire de Marseille, le moyen tiré de ce que cet arrêté méconnaissait l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 27 février 2004 du tribunal administratif de Nice, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a entaché l'ordonnance attaquée d'erreur de droit ; que M. A est fondé à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit, le tribunal administratif de Nice, par un jugement du 27 février 2004 devenu définitif, a jugé que l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2000 impliquait que l'administration procède à la réintégration de M. A à la maison d'arrêt de Nice ; que, par suite, en l'état de l'instruction, est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 2 février 2006 le moyen tiré de ce que le garde des sceaux, ministre de la justice, en procédant à la réintégration de M. A au centre pénitentiaire de Marseille, a méconnu l'autorité de chose jugée attachée à ce jugement ;

Considérant, d'autre part, qu'en raison de la situation familiale et médicale de l'intéressé et des conséquences qu'aurait l'exécution de l'arrêté sur ses conditions d'existence, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme remplie ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à demander la suspension de l'arrêté du 2 février 2006 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a réintégré dans ses fonctions de surveillant principal au centre pénitentiaire de Marseille ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;

Considérant que la suspension de l'exécution de l'arrêté du 2 février 2006 du garde des sceaux, ministre de la justice, réintégrant M. A dans ses fonctions au centre pénitentiaire de Marseille implique nécessairement que celui-ci soit réintégré administrativement à la maison d'arrêt de Nice ; qu'en revanche, elle n'implique pas qu'il soit fait droit aux conclusions de M. A tendant à ce que le ministère de la justice le place dans une position d'activité assortie d'un plein traitement ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille en date du 21 avril 2006 est annulée.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 2 février 2006 du garde des sceaux, ministre de la justice, réintégrant M. A dans ses fonctions de surveillant principal au centre pénitentiaire de Marseille est suspendue jusqu'à l'intervention du jugement au fond du tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder à la réintégration administrative de M. A à la maison d'arrêt de Nice.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Denis A et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 293941
Date de la décision : 11/01/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jan. 2007, n° 293941
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Aguila
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:293941.20070111
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