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15/02/2007 | FRANCE | N°300968

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 15 février 2007, 300968


Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le siège est 3, villa Marcès à Paris (75011), représenté par sa présidente en exercice, Mme , mandataire unique, l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES DROITS DES ETRANGERS, dont le siège est 2-4 rue de Harlay à Paris (75001), représentée par sa présidente en exercice et la LIGUE DES DROITS DE L'HOMME, dont le siège est 138, rue Marcadet à Paris (75018) représentée par son président en exercice ; les association

s requérantes demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°...

Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le siège est 3, villa Marcès à Paris (75011), représenté par sa présidente en exercice, Mme , mandataire unique, l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES DROITS DES ETRANGERS, dont le siège est 2-4 rue de Harlay à Paris (75001), représentée par sa présidente en exercice et la LIGUE DES DROITS DE L'HOMME, dont le siège est 138, rue Marcadet à Paris (75018) représentée par son président en exercice ; les associations requérantes demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la circulaire du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire en date du 22 décembre 2006, concernant l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 24 juillet 2006 relatives à l'obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'enjoindre au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire de prendre de nouvelles instructions conformes à la loi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elles soutiennent que la condition d'urgence est remplie dès lors que des étrangers qui ont fait l'objet d'une décision soit de refus de délivrance ou de renouvellement soit de retrait d'un titre de séjour continuent de se voir notifier des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière alors qu'en vertu des articles 52 et 118 de la loi du 24 juillet 2006, une telle procédure n'est plus applicable depuis le 29 décembre 2006 ; que la circulaire dont la suspension est demandée porte donc une atteinte grave et immédiate aux intérêts qu'elles défendent comme aux droits des étrangers ; elles ajoutent que cette circulaire méconnaît les dispositions législatives qu'elle entend interpréter en indiquant que les étrangers qui ne se trouvent que dans les cas mentionnés par le 3° et le 6° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peuvent, après l'abrogation de ces dernières dispositions, faire l'objet d'une arrêté de reconduite à la frontière pris sur le fondement du 1° ou du 2° de cet article ; que l'ensemble de ces moyens est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la circulaire dont la suspension est demandée ;

Vu la circulaire dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation présentée à l'encontre de cette circulaire ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 février 2007, présenté par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que la circulaire dont la suspension est demandée ne porte pas atteinte aux intérêts que les associations requérantes défendent et que ces associations sont donc sans qualité pour la contester ; que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que les personnes concernées par la circulaire ne se trouvent pas, du fait de celle-ci, dans une situation aggravée au regard du droit de séjour et de la mise en oeuvre des procédures d'éloignement ; que la circulaire contestée ne fait qu'indiquer sur quelle disposition plutôt qu'une autre fonder la mesure d'éloignement ; il ajoute que la circulaire demande légalement aux préfectures de procéder à une appréciation au cas par cas de la situation de chaque étranger ; que l'étranger qui s'est vu notifier un refus de délivrance ou de renouvellement de titre, de récépissé ou d'autorisation provisoire peut entrer dans le champ d'application des 1° et 2° du II de l'article L. 511-1 ; qu'une telle interprétation est conforme aux règles d'application de deux textes législatifs se succédant dans le temps ; qu'il n'y a aucune atteinte au principe d'égalité dès lors que les intéressés sont placés dans une situation identique et disposent d'un délai d'un mois pour organiser leur retour volontaire, que le refus de titre ait été prononcé avant ou après le 29 décembre ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2006-911du 24 juillet 2006 ;

Vu le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, les associations requérantes et d'autre part, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 12 février 2007 à 14 heures au cours de laquelle ont été endendus :

- le représentant du GISTI ;

- Me Odent, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;

- les représentants du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. » ;

Considérant qu'eu égard à leur objet social, les associations requérantes justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir à l'encontre de la circulaire contestée ;

Considérant que l'article 52 de la loi du 24 juillet 2006 a introduit à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un I qui prévoit que « l'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français » et précise que l'étranger dispose, pour satisfaire à cette obligation d'un délai d'un mois ; que ce même article abroge les 3° et 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, dans leur rédaction antérieure à la loi du 24 juillet 2006, prévoyaient qu'un étranger pouvait être reconduit à la frontière s'il s'était maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant une décision qui soit avait refusé de lui délivrer un titre de séjour, de renouveler un tel titre ou qui avait retiré le titre dont il bénéficiait, soit avait retiré ou refusé de renouveler un récépissé de demande de carte de séjour ou une autorisation provisoire de séjour précédemment délivrés ; que, conformément à l'article 118 de la loi du 24 juillet 2006, ces dispositions sont entrées en vigueur le 29 décembre 2006, jour de la publication du décret en Conseil d'Etat pris pour leur application ;

Considérant que, par la circulaire contestée, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a donné aux préfets des instructions de caractère impératif sur les modalités d'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 24 juillet 2006 relatives à l'obligation de quitter le territoire français ; que le ministre rappelle dans cette circulaire qu'à compter du 1er janvier 2007, les décisions de refus de séjour pourront être assorties d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire à l'expiration du délai d'un mois ; qu'il ajoute, dans le point 1 de cette circulaire relatif au traitement des refus de séjour prononcés avant le 1er janvier 2007, que, dans le cas où le refus de séjour assorti d'une invitation à quitter le territoire français dans le délai d'un mois est intervenu avant le 1er janvier 2007, un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière peut être pris lorsque, faute d'avoir déféré à cette invitation, les étrangers concernés « ont objectivement rejoint, du fait de leur maintien en France, la situation d'irrégularité de séjour prévue aux 1° et 2° du II de l'article L. 511-1 nouveau » du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les associations requérantes demandent la suspension de ces dispositions du point 1 de la circulaire du 22 décembre 2006 ;

Considérant qu'à compter du 1er janvier 2007 la nouvelle procédure d'obligation de quitter le territoire français est seule applicable lorsque l'autorité administrative refuse à un étranger, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte ou son autorisation provisoire de séjour ; que, pour les étrangers qui avaient fait l'objet de telles mesures avant la publication du décret du 23 décembre 2006, un arrêté de reconduite frontière peut toutefois être pris s'ils entrent par ailleurs dans le champ d'application du 1° ou du 2° de II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006, qui visent respectivement le cas de l'étranger qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, et celui de l'étranger qui s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France ; qu'en revanche, et contrairement à ce qu'indique la circulaire contestée, un étranger auquel un titre de séjour a été précédemment refusé ou retiré ne se trouve de ce seul fait ni dans la situation mentionnée au 1° du II de l'article L. 511-1, qui est celle de l'étranger irrégulièrement entré sur le territoire français, ni dans celle du 2° de cet article, qui est relatif au cas de l'étranger qui entre en France sans visa ou, s'il est dispensé de visa, se maintient sur le territoire au-delà de trois mois sans demander un titre de séjour ; qu'en outre, en l'absence de dispositions transitoires prévues sur ce point par la loi et le décret en Conseil d'Etat pris pour son application, le moyen tiré de ce que la circulaire contestée ne pouvait légalement indiquer que l'étranger auquel un titre de séjour avait été refusé ou retiré avant le 1er janvier 2007 peut néanmoins faire l'objet, postérieurement à la publication du décret du 23 décembre 2006, d'un arrêté de reconduite à la frontière alors qu'il n'entre pas dans les cas mentionnés aux 1° et 2° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette circulaire ; qu'un tel doute existe ainsi, en l'état de l'instruction, sur la légalité de l'ensemble du point 1 de la circulaire dont la suspension est demandée ;

Considérant qu'eu égard aux conséquences des instructions données aux préfets par cette circulaire, la condition d'urgence est, en l'espèce, remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les associations requérantes sont fondées à demander la suspension du point 1 relatif au traitement des refus de séjour prononcés avant le 1er janvier 2007 de la circulaire du ministre de l'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire du 22 décembre 2006 ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette suspension d'une injonction ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la même somme de 500 euros à verser au GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN AUX IMMIGRES, à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES DROITS DES ETRANGERS et à la LIGUE DES DROITS DE L'HOMME ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution du point 1 relatif au traitement des refus de séjour prononcés avant le 1er janvier 2007 de la circulaire du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire en date du 22 décembre 2006 est suspendue.

Article 2 : L'Etat versera 500 euros au GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES, 500 euros à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES DROITS DES ETRANGERS et 500 euros à la LIGUE DES DROITS DE L'HOMME.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES, mandataire commun des associations requérantes, et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 300968
Date de la décision : 15/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 fév. 2007, n° 300968
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:300968.20070215
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