Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 20 décembre 2005 et le 16 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Moussa A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 20 octobre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 4 novembre 2002 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 mai 2000 du ministre de l'équipement, des transports et du logement confirmant la décision de l'inspecteur du travail de Bordeaux autorisant la société Sernam transport Aquitaine à le licencier ;
2°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la société aquitaine de distribution et de camionnage, venant aux droits de la société Sernam transport Aquitaine, la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 modifiée ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Barbat, Auditeur,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Yves Struillou, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ; que toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à l'inspecteur du travail de communiquer à M. A l'intégralité des témoignages qu'il avait entendus, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; qu'il s'ensuit que M. A est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 425-1 du code du travail : Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement... ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la SARL Sernam transport Aquitaine, dont le siège est à Bordeaux, serait un simple établissement du groupe Sernam transport ne disposant pas d'une pleine autonomie à l'égard de ce groupe quant à la gestion de son propre personnel ; que, dès lors, l'inspecteur du travail de Bordeaux était territorialement compétent pour autoriser le licenciement de M. A ;
Considérant que si M. A soutient qu'il n'a pas eu connaissance des témoignages présentés par les représentants de l'employeur au cours de l'enquête contradictoire, il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail a organisé une confrontation entre, d'une part, le directeur de la SARL Sernam transport Aquitaine et, d'autre part, M. A ; que, dans ces conditions, l'enquête a été menée contradictoirement conformément aux dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant que M. A a adressé, le 31 août 1999, un courrier à la société NMPP, cliente de son employeur ; que le caractère excessif des termes employés dans ce courrier pour critiquer les conditions de travail dans son entreprise qu'il imputait à la société NMPP et le fait que ce courrier adressé à un client de son employeur était ainsi susceptible d'influer défavorablement sur les relations entre ce client et son entreprise constituent, dans les circonstances de l'espèce, une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement :
Considérant que M. A a été licencié par la société Sernam transport Aquitaine à la suite de l'autorisation accordée par l'inspecteur du travail ; que les recours qu'il a formés contre la décision du 10 mai 2000 confirmant cette autorisation ont été rejetés par un jugement du 4 novembre 2002 du tribunal administratif de Bordeaux puis par un arrêt du 20 octobre 2005 de la cour administrative d'appel de Bordeaux ; que, par suite, les dispositions de la loi du 6 août 2002 portant amnistie sont sans incidence sur la légalité de la décision du 10 mai 2000 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 4 novembre 2002, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision attaquée du 10 mai 2000 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société aquitaine de distribution et de camionnage, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 20 octobre 2005 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. A devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Moussa A, à la société aquitaine de distribution et de camionnage et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.