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15/10/2007 | FRANCE | N°281131

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 15 octobre 2007, 281131


Vu la requête, enregistrée le 2 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Michel A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler la circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice, du 18 novembre 2004 relative à l'organisation des escortes pénitentiaires des détenus faisant l'objet d'une consultation médicale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 3 ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avo...

Vu la requête, enregistrée le 2 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Michel A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler la circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice, du 18 novembre 2004 relative à l'organisation des escortes pénitentiaires des détenus faisant l'objet d'une consultation médicale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 3 ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Geffray, Auditeur,

- les observations de Me Spinosi, avocat de M. Michel A,

- les conclusions de Mme Vérot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. A demande l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du 18 novembre 2004 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a donné aux services de l'administration pénitentiaire des instructions relatives à l'organisation des escortes pénitentiaires des détenus qui font l'objet d'une extraction en vue d'une consultation médicale à l'extérieur d'un établissement pénitentiaire ;

Sur la légalité externe :

Considérant que la circulaire attaquée, qui se borne à traiter des mesures de sécurité à prendre par les personnels pénitentiaires lors des consultations médicales des détenus extérieures à l'établissement pénitentiaire, s'adresse à ces seuls personnels et ne vise nullement à définir les modalités d'organisation du service public hospitalier ; qu'en particulier, elle ne se substitue pas au protocole prévu par l'article R. 711-10 du code de la santé publique, conclu entre le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation, le directeur régional des services pénitentiaires, le chef de l'établissement pénitentiaire et le directeur de l'établissement de santé concerné et qui, aux termes de l'article R. 711-16 du même code, définit notamment, dans le respect de la réglementation à laquelle est soumis l'établissement pénitentiaire : (...) /12° les conditions dans lesquelles l'administration pénitentiaire assure la sécurité des personnes et des biens dans les locaux de soins ; que par suite, le moyen tiré de l'incompétence du garde des sceaux pour signer sans le ministre chargé de la santé la circulaire attaquée, doit être écarté ;

Sur la légalité interne :

Considérant que le premier alinéa de l'article 803 du code de procédure pénale dispose : Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite ; qu'aux termes de l'article D. 294 de ce code : Des précautions doivent être prises en vue d'éviter les évasions et tous autres incidents lors des transfèrements et extractions de détenus. / Ces derniers sont fouillés minutieusement avant le départ. Ils peuvent être soumis, sous la responsabilité du chef d'escorte, au port des menottes ou, s'il y a lieu, des entraves, dans les conditions définies à l'article D. 283-4 (...) et de l'article D. 283-4 de ce code : Dans les conditions définies par l'article 803, et par mesure de précaution contre les évasions, les détenus peuvent être soumis au port des menottes ou, s'il y a lieu, des entraves pendant leur transfèrement ou leur extraction ou, lorsque les circonstances ne permettent pas d'assurer efficacement leur garde d'une autre manière (...) ; qu'enfin, l'article D. 397 de ce code dispose : Lors des hospitalisations et des consultations ou examens (...) les mesures de sécurité adéquates doivent être prises dans le respect de la confidentialité des soins ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. A, il résulte de ces dispositions que la mise en oeuvre de mesures de sécurité particulières et le recours, le cas échéant, à des mesures de coercition sous la forme d'entraves, ne sauraient se limiter au seul transport des détenus, mais peuvent, si nécessaires, être étendus à la consultation et aux soins médicaux eux-mêmes lorsqu'ils ne peuvent être dispensés au sein de l'établissement de détention ; que, toutefois, les mesures de sécurité mises en oeuvre par l'administration pénitentiaire lors de l'extraction et du séjour dans un établissement hospitalier d'un détenu doivent, d'une part, être adaptées et proportionnées à la dangerosité du détenu et au risque d'évasion que présente chaque cas particulier et, d'autre part, assurer en toute hypothèse, la confidentialité des relations entre les détenus et les médecins qu'ils consultent ;

Considérant que la circulaire attaquée indique qu'il appartient au chef d'établissement, en considération de la dangerosité du détenu pour autrui ou pour lui même, des risques d'évasion, et de son état de santé, de définir si le détenu doit ou non faire l'objet de moyens de contrainte, et d'en préciser leur nature, soit des menottes, soit des entraves, soit les deux moyens en même temps lorsque la personnalité du détenu le justifie et que son état de santé le permet. / L'application de ces dispositions commande de prendre en compte toutes les informations contenues dans son dossier individuel et connues sur l'intéressé (...). Parmi les éléments d'appréciation pouvant justifier le recours aux menottes ou s'il y a lieu aux entraves figurent la longueur de la peine encourue ou subie, le régime de détention, l'importance du reliquat de peine, l'existence d'incidents disciplinaires récents et leur degré de gravité, la présence d'antécédents révélant une personnalité dangereuse ; qu'elle prévoit ainsi que les moyens de contrainte et de surveillance, et notamment le recours aux menottes et aux entraves, doivent être définis en fonction des dangers qui résultent de la personnalité et du comportement du détenu concerné, conformément aux dispositions du code de procédure pénale, expressément reprises dans la circulaire ; que par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que ce dispositif serait contraire aux dispositions précitées du code de procédure pénale en ce qu'il n'interdirait pas le menottage et l'entrave systématique pendant la consultation médicale de détenus ne présentant que de faibles risques d'évasion ou de dangerosité ;

Considérant que conformément à l'article L. 1110-4 du code la santé publique, le détenu a, comme tout malade, droit au secret médical et à la confidentialité de son entretien avec son médecin ; que la circulaire litigieuse prévoit, sans ménager d'exceptions à cette règle, que quel que soit le niveau de surveillance retenu, le chef d'escorte devra veiller à ce que les mesures de sécurité mises en oeuvre n'entravent pas la confidentialité de l'entretien médical ; qu'elle prévoit une possibilité de surveillance indirecte des détenus par le personnel pénitentiaire, sous réserve que ceux-ci fassent l'objet d'une fouille par palpation à la fin de la consultation et précise que l'exécution de la mission de l'administration pénitentiaire doit dans tous les cas s'exercer dans le respect et la reconnaissance du travail et des missions des personnels sanitaires ; qu'il résulte de ces dispositions de la circulaire attaquée que la surveillance constante du détenu pendant la consultation médicale, lorsqu'elle est justifiée par sa personnalité et les dangers de fuite ou d'agression contre lui-même ou des tiers, doit s'effectuer sans qu'il soit porté atteinte à la confidentialité de l'entretien médical ; qu'il appartient aux fonctionnaires de l'administration pénitentiaire de définir, conformément aux dispositions rappelées ci-dessus du code de procédure pénale et du code de la santé publique, les modalités de surveillance directe ou indirecte et si nécessaire, de contrainte proportionnée conciliant sécurité et confidentialité de l'entretien avec le médecin ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la circulaire attaquée serait contraire aux dispositions de l'article D. 397 du code de procédure pénale doit être écarté ;

Considérant que M. A soutient que les mesures de sécurité prévues par la circulaire attaquée, notamment pour les détenus les plus dangereux pour lesquels elle autorise le menottage dans le dos ainsi que l'entrave et la présence de l'escorte à l'occasion de la consultation médicale, porteraient atteinte à la dignité humaine et seraient constitutives d'un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, ce moyen doit être écarté, dès lors que les dispositions en cause n'ont vocation à être mises en oeuvre que dans la mesure où apparaîtraient des risques sérieux d'évasion ou de trouble à l'ordre public et n'instituent ainsi aucun traitement excédant par lui-même le niveau de contrainte strictement nécessaire au déroulement d'une consultation médicale dans des conditions de sécurité satisfaisantes ; que, de la même manière, M. A n'est pas fondé à soutenir que la circulaire serait contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention en ce qu'elle préconiserait un dispositif de sécurité particulier pour les détenus munis de béquilles dès lors qu'il ressort des termes mêmes de la circulaire que celui-ci n'est préconisé qu'en cas de risque d'évasion accru ou de trouble particulier à l'ordre public et notamment lorsque la personnalité du détenu le justifie ;

Considérant enfin que si M. A soutient que l'administration méconnaît les règles de proportionnalité que la circulaire édicte, ce moyen est sans incidence sur la légalité de la circulaire attaquée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A doit être rejetée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Michel A et au garde des sceaux, ministre de la justice. Copie sera adressée pour information au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 281131
Date de la décision : 15/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 oct. 2007, n° 281131
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: M. Edouard Geffray
Rapporteur public ?: Mlle Célia Verot
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:281131.20071015
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