La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/12/2007 | FRANCE | N°297489

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 28 décembre 2007, 297489


Vu la requête, enregistrée le 18 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE ET DES COMMERCES EN GROS DES VIANDES ; la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE ET DES COMMERCES EN GROS DES VIANDES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2006-877 du 13 juillet 2006 pris pour l'application de l'article L. 226-1 du code rural et confiant une partie de la gestion du service public de l'équarrissage à l'office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions ;
<

br> 2°) d'annuler le décret n° 2006-878 du 13 juillet 2006 pris ...

Vu la requête, enregistrée le 18 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE ET DES COMMERCES EN GROS DES VIANDES ; la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE ET DES COMMERCES EN GROS DES VIANDES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2006-877 du 13 juillet 2006 pris pour l'application de l'article L. 226-1 du code rural et confiant une partie de la gestion du service public de l'équarrissage à l'office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions ;

2°) d'annuler le décret n° 2006-878 du 13 juillet 2006 pris pour l'application de l'article L. 226-8 du code rural ;

3°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2006 relatif au mode de calcul et au tarif de la taxe d'abattage et modifiant l'article 159 A de l'annexe IV au code général des impôts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le code rural ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Claire Legras, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;


Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2006 fixant les tarifs d'imposition de la taxe d'abattage :

Considérant que l'article 1609 septvicies du code général des impôts, qui institue une taxe d'abattage à laquelle sont assujettis les abattoirs et qui est destinée à financer le service public de l'équarrissage défini à l'article L. 226-1 du code rural, ainsi que le transport, le stockage et l'élimination des farines d'origine animale, renvoie à un arrêté du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'agriculture le soin de fixer le taux de cette taxe pour chaque espèce animale, dans les limites fixées par le législateur ; que, sur le fondement de cette habilitation, un arrêté du 17 juillet 2006 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de l'agriculture et de la pêche a fixé le mode de calcul et les tarifs d'imposition de la taxe d'abattage ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le ministre chargé de l'environnement n'était pas compétent pour signer l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, cet arrêté a pu être régulièrement pris par les seuls ministres chargés de l'économie et des finances, d'une part, et de l'agriculture, d'autre part ; que, par ailleurs, ni l'article 1609 septvicies du code général des impôts ni aucune autre disposition n'imposait la consultation de la fédération requérante préalablement à la signature de cet arrêté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des stipulations des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, si une aide de la nature de celles visées par l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres la dernière phrase du paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions contestées instituent ou modifient des aides d'Etat au sens de l'article 87 du traité ;

Considérant que par une décision du 30 mars 2004, la Commission européenne a donné son approbation au dispositif de financement du service public de l'équarrissage mis en place par la France, qui lui avait été notifié conformément aux stipulations du § 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ; qu'après examen de ce dispositif , la Commission a relevé dans cette décision que ce financement d'une part, ne comportait aucune aide en faveur des entreprises d'abattage et, d'autre part, apportait aux éleveurs de bovins et de petits ruminants ovins une aide d'Etat de 100% pour l'élimination des cadavres d'animaux et garantissait la participation des éleveurs des autres espèces, à hauteur de 25% au moins, aux coûts de transformation et d'incinération des animaux ;

Considérant que si, en application de l'arrêté du 17 juillet 2006, la part que les abattoirs de la filière porcine prennent dans le financement de la taxe d'abattage diminue et se situe en dessous de la part qu'ils représentent dans les coûts du service public de l'équarrissage, tandis que les abattoirs de la filière bovine connaissent une évolution inverse, cela résulte de l'ajustement des tarifs de la taxe rendu nécessaire par l'évolution des dépenses de ce service public ; que ces évolutions n'emportent pas de modification des éléments structurels du système de financement qui a fait l'objet de la décision de la Commission européenne du 30 mars 2004 et ne créent notamment pas une aide nouvelle au profit des abattoirs ; qu'en outre, les variations des taux de la taxe d'abattage qui résultent de l'arrêté du 17 juillet 2006, prévues, dans leur principe, dans le dispositif notifié, ne sont pas de nature à modifier substantiellement l'équilibre de celui-ci ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué du 17 juillet 2006 ne peut être regardé comme instituant ou modifiant une aide au sens de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne ; qu'il suit de là que la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE ET DES COMMERCES EN GROS DES VIANDES n'est pas fondée à soutenir que cet arrêté aurait dû être notifié à la Commission européenne préalablement à sa signature, en application de l'article 88 du traité ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de cet article ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE ET DES COMMERCES EN GROS DES VIANDES n'est, en tout état de cause, pas fondée à invoquer devant une juridiction française, pour écarter l'application de l'article 1609 septvicies du code général des impôts relatif à la taxe d'abattage, les principes du droit communautaire, tels que le principe d'égalité de traitement et le principe pollueur-payeur, dès lors que cette taxe est uniquement régie par le droit interne et ne relève pas, par suite, en tant qu'impôt, d'une réglementation communautaire ;

Considérant, en quatrième lieu, que si, en application de l'arrêté attaqué, les abattoirs de bovins sont davantage mis à contribution que les abattoirs de porcins au titre de la taxe d'abattage, notamment du fait que les éleveurs de bovins ne participent pas, à la différence des éleveurs de porcins, au financement du service public de l'équarrissage, cette différence de traitement doit être mise en rapport avec la différence de situation qui caractérise les différentes filières animales au regard du service public de l'équarrissage, les enjeux sanitaires liés à la bonne exécution des prestations d'équarrissage faisant peser des obligations particulières sur la filière bovine ; qu'ainsi, cette différence de traitement, qui n'est pas manifestement excessive, n'emporte aucune violation du principe d'égalité devant l'impôt ;

Considérant, en cinquième lieu, que la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE ET DES COMMERCES EN GROS DES VIANDES soutient que l'arrêté du 17 juillet 2006 fixant les taux de la taxe d'abattage conforterait un abus de position dominante des deux principales entreprises d'équarrissage en France se traduisant par une surfacturation des prestations du service public de l'équarrissage et donc par des tarifs trop élevés de la taxe d'abattage qui les financent ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les pratiques anti-concurrentielles auxquelles les entreprises d'équarrissage se livreraient, à les supposer établies, résulteraient des dispositions mêmes de l'arrêté attaqué ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE ET DES COMMERCES EN GROS DES VIANDES n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2006 ;


Sur les conclusions tendant à l'annulation des décrets n° 2006-877 et n° 2006-878 du 13 juillet 2006 :

Considérant que la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE ET DES COMMERCES EN GROS DES VIANDES demande l'annulation du décret n° 2006-877 du 13 juillet 2006 pris pour l'application de l'article L. 226-1 du code rural et confiant une partie de la gestion du service public de l'équarrissage à l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions, ainsi que celle du décret n° 2006 ;878 du 13 juillet 2006 pris pour l'application de l'article L. 226-8 du code rural, qui prévoit notamment que cet office assure la passation et l'exécution des marchés nécessaires au stockage et à l'élimination des produits transformés issus des matières animales pris en charge par l'Etat ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution du 4 octobre 1958 : Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ; que, s'agissant d'un acte de nature réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer les mesures que comporte nécessairement l'exécution de cet acte ; qu'aucune disposition des décrets attaqués du 13 juillet 2006 n'implique nécessairement l'intervention de mesures réglementaires ou individuelles que le ministre chargé de l'environnement serait compétent pour signer ou contresigner ; qu'ainsi, ce décret a pu être régulièrement pris par le Premier ministre, avec le contreseing des seuls ministres chargés de l'économie et des finances, d'une part, et de l'agriculture, d'autre part ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'article L. 226-1 du code rural prévoit que la gestion de tout ou partie du service public de l'équarrissage peut être confiée par décret à l'Office chargé des viandes, de l'élevage et de l'aviculture ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le décret n° 2006-877 du 13 juillet 2006 serait irrégulier faute d'avoir été pris après avis du Conseil d'Etat ne peut qu'être rejeté ;

Considérant, en troisième lieu, que si les visas du décret n° 2006-877 du 13 juillet 2006 font référence aux articles R. 226-9 et R. 226-10 du code rural qui ont été abrogés par le décret n° 2006-312 du 13 mars 2006, cette erreur matérielle est sans incidence sur la légalité du décret attaqué, pris pour l'application de l'article L. 226-1 du code rural ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'article L. 226-1 du code rural dispose : Constituent une mission de service public qui relève de la compétence de l'Etat la collecte, la transformation et l'élimination des cadavres d'animaux ou lots de cadavres d'animaux d'élevage de plus de 40 kilogrammes morts en exploitation agricole, ainsi que des autres catégories de cadavres d'animaux et de matières animales dont la liste est fixée par décret, pour lesquels l'intervention de l'Etat est nécessaire dans l'intérêt général. La gestion de tout ou partie de ce service peut être confiée par décret à l'office chargé des viandes, de l'élevage et de l'aviculture (…) ; qu'il suit de là que la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE ET DES COMMERCES EN GROS DES VIANDES n'est pas fondée à soutenir que ce décret serait illégal au motif qu'aucune disposition législative n'autorisait l'Etat à confier la passation et l'exécution des marchés nécessaires à la réalisation des prestations du service public de l'équarrissage à l'Office national interprofessionnel de l'élevage ;

Considérant, en cinquième lieu, que si la fédération requérante soutient que décret n° 2006-878 du 13 juillet 2006 est entaché d'erreur de droit dès lors qu'aucun texte n'autorise la délégation à laquelle il procède au profit de l'Office national interprofessionnel de l'élevage, l'article L. 226-8 du code rural, dans sa rédaction en vigueur à la date de la publication du décret attaqué, prévoit dans son second alinéa que : Dans les cas définis par décret, l'Etat peut se substituer aux abattoirs et établissements pour assurer l'élimination des déchets mentionnés ci-dessus. Dans le cas où l'Etat charge par décret l'office chargé des viandes, de l'élevage et de l'aviculture d'assurer tout ou partie des mesures concourant à l'élimination de ces déchets, ce dernier est substitué de plein droit à l'Etat à la date d'entrée en vigueur du décret dans tous les marchés en cours d'exécution passés en application du présent article (…) ; que le décret n° 2006-877 du 13 juillet 2006 autorisant l'Etat à confier la passation et l'exécution des marchés nécessaires à la réalisation des prestations du service public de l'équarrissage à l'Office national interprofessionnel de l'élevage a été publié, comme le décret n° 2006-878 du 13 juillet 2006, le 16 juillet 2006 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ce dernier décret serait privé de base légale ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en sixième lieu, que contrairement à ce que soutient la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE ET DES COMMERCES EN GROS DES VIANDES, ce décret, qui se borne à faire référence à la procédure de réquisition organisée, à l'époque de son entrée en vigueur, par l'article L. 2215-1-4° du code général des collectivités territoriales, ne modifie en rien les conditions de recours à cette procédure et n'instaure pas un régime particulier de réquisition ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE ET DES COMMERCES EN GROS DES VIANDES n'est pas fondée à demander l'annulation des décrets qu'elle attaque ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE ET DES COMMERCES EN GROS DES VIANDES au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;





D E C I D E :
--------------

Article 1er : La requête de la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE ET DES COMMERCES EN GROS DES VIANDES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE ET DES COMMERCES EN GROS DES VIANDES, au ministre de l'agriculture et de la pêche et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 297489
Date de la décision : 28/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2007, n° 297489
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Claire Legras
Rapporteur public ?: M. Vallée Laurent

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:297489.20071228
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award