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10/07/2008 | FRANCE | N°317161

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 10 juillet 2008, 317161


Vu la requête, enregistrée le 13 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Monsieur Samir A, chirurgien-dentiste, exerçant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 15 mars 2008 par laquelle le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a annulé la décision du 8 février 2005 du conseil départemental d'Ille-et-Vilaine autorisant le transfert de son cabinet dans la tour Alma City à Rennes ;

) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-den...

Vu la requête, enregistrée le 13 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Monsieur Samir A, chirurgien-dentiste, exerçant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 15 mars 2008 par laquelle le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a annulé la décision du 8 février 2005 du conseil départemental d'Ille-et-Vilaine autorisant le transfert de son cabinet dans la tour Alma City à Rennes ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes et de MM. Eric B et Jean-Yves C les entiers dépens et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision litigieuse fait obstacle à la poursuite de son activité ; que toute cessation d'activité aurait de lourdes conséquences non seulement pour lui mais également pour ses six salariés qu'il devrait licencier ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, celle-ci est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la tour « Alma City » où il s'est installé comporte deux accès distincts ; que son cabinet et celui de ses confrères sont desservis par des ascenseurs différents et n'ont pas la même adresse postale ; que la décision contestée est insuffisamment motivée notamment au regard de la notion de « bâtiments distincts » ; que le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes n'a pas recherché si les besoins de santé publique étaient satisfaits dans la zone périphérique où se trouve l'immeuble ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation de la même décision ;

Vu, enregistré le 4 juillet 2008, le mémoire en défense présenté pour le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes qui conclut au rejet de la requête ; le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que M. A a acquis son local malgré l'opposition de ses confrères et du conseil départemental de l'ordre ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision manque en fait dès lors que celle-ci est fondée sur l'existence d'entrées communes, la possibilité de communication entre les bâtiments et l'identité d'adresse postale ; que les deux bâtiments ne sont pas physiquement distincts ; qu'en effet, ils sont desservis par une seule et même entrée sur la voie publique, communiquent aisément entre eux et ont la même adresse « rue du Bosphore » ; que l'installation de M. A nuit aux intérêts professionnels des quatre autres chirurgiens-dentistes déjà installés dans cette tour ; qu'il ressort de la décision attaquée, que le conseil de l'ordre a tenu compte des besoins de la santé publique ; qu'une demande d'ouverture de cabinet dentaire doit prioritairement être examinée au regard des intérêts professionnels du chirurgien-dentiste antérieurement installé ; qu'à aucun moment, M. A n'a soutenu que les besoins de la santé publique justifieraient qu'il soit passé outre à l'opposition de ses confrères ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique, notamment ses articles R. 4127-201 à R. 4127-285 portant code de déontologie des chirurgiens-dentistes ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. Samir A et d'autre part, le représentant du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 8 juillet 2008 à 9 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Boré, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- Me Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que l'article R. 4127-278 du code la santé publique dispose que : « Le chirurgien-dentiste (...) ne doit pas s'installer dans l'immeuble où exerce un confrère sans l'agrément de celui-ci ou, à défaut, sans l'autorisation du conseil départemental de l'ordre » ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumises au juge des référés que M. A, chirurgien-dentiste, qui exerçait dans un quartier du centre de Rennes, a souhaité, à la fin de 2004, transférer son cabinet dans un immeuble dénommé « Tour Alma City » situé rue du Bosphore, à la périphérie sud de la ville, où exerçaient déjà les Drs B et C ; que, s'étant heurté au refus de ces derniers de l'autoriser à s'installer dans l'immeuble, il a sollicité l'autorisation du conseil départemental lequel, après avoir le 6 janvier 2005 rejeté la demande, a décidé, par une délibération du 7 février 2005, de « ne pas s'opposer au transfert du cabinet du Dr A » ; que cette décision, que le conseil départemental a interprétée lui-même comme une autorisation d'installation, a été annulée par une décision du 15 mars 2008 du Conseil national de l'ordre dont M. A demande la suspension ;

Considérant que, s'il est vrai que, sans attendre l'autorisation de ses confrères ou une décision favorable du conseil départemental de l'ordre, M. A a conclu l'acte d'acquisition des locaux où il projetait d'installer son cabinet, il a obtenu, dans les jours qui ont suivi, l'autorisation nécessaire ; qu'il a exercé dans les lieux en cause pendant plus de trois ans avant qu'intervienne la décision dont la suspension est demandée ;

Considérant que l'exécution de cette décision n'améliorerait pas les conditions dans lesquels les besoins de la population de Rennes en soins dentaires sont satisfaits ; qu'il ne ressort pas du dossier qu'elle bénéficierait de façon substantielle aux Drs B et C ; qu'en revanche, elle contraindrait M. A à interrompre son activité pour laquelle il devrait trouver de nouveaux locaux et pourrait être conduit à licencier son personnel ; qu'il lui serait ainsi causé un préjudice grave et immédiat ; qu'il suit de là que la condition d'urgence, laquelle s'apprécie objectivement compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, doit être regardée comme remplie ;

Considérant que le moyen tiré de ce que, eu égard aux caractéristiques de la « Tour Alma City » dont l'entrée sur la rue du Bosphore donne accès à un vaste hall qui ouvre sur un centre commercial et comporte deux ascenseurs se faisant face desservant des étages différents de sorte qu'aucune confusion n'est possible entre l'accès au cabinet de M. A et à celui des Drs B et C, les dispositions de l'article R. 4127-278 étaient sans application en l'espèce, est, en l'état de l'instruction, propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'en prononcer la suspension ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes à verser à M. A la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'aucune somme ne peut, au même titre, être mise à la charge de MM. B et C qui ne sont pas parties à la présente instance ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur la requête de M. Samir A, l'exécution de la décision du 15 mars 2008 du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes est suspendue.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Samir A est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Samir A et au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 317161
Date de la décision : 10/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2008, n° 317161
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: Mme Marie-Eve Aubin
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:317161.20080710
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